« Et maintenant, […] adieu bonté, humanité, reconnaissance… Adieu à tous les sentiments qui épanouissent le cœur !… Je me suis substitué à la Providence pour récompenser les bons… que le Dieu vengeur me cède sa place pour punir les méchants ! »

Les amants retrouvés

Après l’épisode romain, le récit reprend quelques mois plus tard lors de l’arrivée du Comte de Monte Cristo à Paris sur l’invitation d’Albert de Morcerf. Le jeune fils de son ennemi s’est entouré pour l’occasion de ses amis proches et le comte leur fait rapidement forte impression en raison de ses récits de voyages exotiques et de ses idées franches et subversives qu’il assène sans détours.

Albert emmène ensuite le comte dans les appartements de sa mère pour le présenter. En patientant dans un vestibule, Monte Cristo découvre le portrait resplendissant de Mercédès : il est saisi par sa beauté et ému par les tendres souvenirs resurgissant de sa mémoire mais il tâche de dissimuler ses émotions au retour de ses hôtes.
C’est enfin les retrouvailles des amants après plus de vingt ans de séparation ! La comtesse ne connait pas la véritable identité de son invité de marque bien que son intuition éveille ses sens ; elle est troublée par la voix et le visage du Comte de Monte Cristo qui lui semblent familiers sans pouvoir les rattacher à des souvenirs précis. Mercédès perçoit également l’émotion contenue qu’elle suscite auprès de son invité mais la raison de sa présence l’intrigue, elle ressent une menace planer sur sa famille.

Après avoir pris congé du comte, Mercédès demande aussitôt à son fils des informations sur le passé de cet étrange personnage et elle lui enjoint de rester sur ses gardes, à la grande surprise de celui-ci qui ne se doute de rien.

La course contre le temps à tout prix

Après cette entrevue émouvante, Monte Cristo prend ses quartiers dans un somptueux logement sur les Champs Elysées qu’il n’a même pas pris la peine de visiter avant de l’acheter ; il procède ainsi pour tous ses achats luxueux.
Le comte étale sa richesse devant le tout Paris, rien ne doit lui résister, il est prêt à acheter les objets les plus recherchés à prix d’or et sur le champ, sans même les essayer :  l’argent compte pour lui bien moins que le temps car il dispose du premier quasiment à l’infini tandis que le second ne s’achète pas.

Néanmoins, le comte peut raccourcir les temps d’exécution de ses tâches grâce à son habile personnel soigneusement sélectionné pour exécuter avec célérité ses ordres et en utilisant les moyens de transports les plus rapides pour raccourcir les durées de trajets.

Après avoir s’être fait connaître de la haute société parisienne comme un homme immensément riche et extravagant, il est temps pour Monte Cristo d’attirer à lui ses trois terribles ennemis : Morcerf, Danglars et Villefort ; le temps de la confrontation est enfin venu.

Morcerf, représentant du pouvoir militaire, et politique

Le premier ennemi confronté par Monte Cristo est le Comte de Morcerf, alias Fernand, son ancien ami qui l’a dénoncé traitreusement puis a épousé sa fiancée. Fernand ne reconnait pas Edmond Dantès sous son accoutrement et avec le poids des années alors qu’il le croit mort en prison. De toute façon, Morcerf semble obnubilé par sa propre personne et, malgré son ascension sociale fulgurante, il demeure préoccupé par les intrigues politiques incessantes donc il accorde peu d’intérêt à Monte Cristo et leur entrevue est de courte durée.

Monte Cristo aura par la suite peu d’occasions de revoir Morcerf, il mènera donc discrètement son enquête sur le passé trouble de ce triste personnage pour récolter des preuves et des témoignages de ses méfaits afin de le faire tomber en disgrâce le moment venu.

Danglars, représentant du pouvoir financier, et politique

Lors de sa première rencontre avec le Baron Danglars, le Comte de Monte Cristo commence par lui rendre hommage en citant tous ses titres de noblesse et ses mandats électoraux prestigieux ainsi qu’en louant ses dons de financier puis, sans sommations, il décoche ses premières flèches pour percer le costume d’orgueil de ce nouveau riche opportuniste en dévoilant ses bassesses de manière faussement naïve.

Monte Cristo dit les choses comme elles sont d’un ton implacable, sans filtres ni circonvolutions, son interlocuteur est interloqué et ne peut déterminer si ce mystérieux étranger est volontairement impertinent ou bien peu au fait des convenances de la bonne société parisienne. 

L’entretien tourne alors à une satire de cette nouvelle catégorie d’aristocrates dits « populaires », représentés par Danglars, qui veulent à la fois se draper des honneurs de la noblesse dans la haute société tout en souhaitant recueillir l’assentiment du peuple en revendiquant d’en être issu et d’agir pour son bien.

Le comte tisse alors le premier fil de son piège en présentant au baron des recommandations de banquiers illustres pour que la banque Danglars lui ouvre un crédit illimité. Cette annonce provoque l’incrédulité puis la panique du financier car elle attaque ses points faibles : son avarice et son aversion pour le risque non maîtrisé.

Danglars tente alors de faire diversion en suggérant un prêt d’un million, ce qui lui semble déjà une somme immense mais Monte Cristo rejette sa proposition ironiquement en lui montrant devant ses yeux ébahis qu’il possède déjà cette somme sur lui et qu’il a donc besoin de bien plus d’argent.

Le comte fait ainsi comprendre au baron qu’ils ne jouent pas dans la même catégorie et ce dernier finit par accepter un crédit sans limites, de peur de rater une opportunité d’attirer un si gros client et dans l’espoir d’en tirer en retour des intérêts à la hauteur du prestige du comte. Danglars est ainsi pris dans la toile du piège de Monte Cristo.

Villefort, représentant du pouvoir judiciaire

Le procureur du roi Villefort étant accaparé par sa mission et peu friand des mondanités, Monte Cristo met en scène le sauvetage de sa femme et de son fils lors d’un accident de carrosse afin de forcer celui-ci à lui rendre visite pour le remercier.

Villefort s’avère l’adversaire le plus coriace de Monte Cristo car son métier d’enquêteur l’a rendu méfiant vis-à-vis des hommes, il a également un mode de vie relativement austère donc il est moins sensible à la flatterie et aux démonstrations de richesse.

Par conséquent, Monte Cristo utilise une approche différente de ses précédents adversaires afin de déstabiliser Villefort ; il lui tient un discours quasi mystique sur la justice des hommes et la Providence en s’estimant un être d’exception investit d’une mission quasi divine sans préciser son but. 

Villefort tente alors de reprendre le contrôle de la conversation en repoussant dédaigneusement ces élucubrations philosophiques car l’exercice de la justice est selon lui une mission sérieuse qui nécessite de longues années d’études et de la rigueur afin de pouvoir comprendre et maitriser l’ensemble de ses mécanismes.

Monte Cristo relève le défi de confronter le procureur sur son sujet de prédilection en lui étalant son érudition dans ce domaine qu’il a étudié sous toutes ses formes, non seulement en France, mais aussi dans les nombreux pays orientaux qu’il a visités. Sa vision est donc bien plus complète que Villefort ; le comte en vient à la conclusion de la futilité de toutes ces règles, ces codes, ces enquêtes, discours et délibérations, il lui préfère la loi primitive et simpliste du talion.  

Monte Cristo tourne ensuite en ridicule son interlocuteur prétentieux qui cherche à le prendre de haut en se disant très occupé par sa charge qu’il juge plus digne que celle du comte qui peut se permettre de philosopher tout en jouissant de ses richesses. Monte Cristo contre-attaque en soulignant les contradictions et les incohérences du procureur entre son discours et ses actes ; le comte met ainsi en doute le mérite de Villefort toujours sous couvert d’une fausse naïveté excusable pour un étranger peu aux faits de la bonne conduite à tenir en société. 

Un peu de légèreté dans la gravité

Après ces rudes confrontations, il s’ensuit un passage plus léger qui arrive à point dans le récit afin de donner de la respiration : il s’agit de l’entrée en scène du père et du fils Cavalcanti. Cela ressemble à une comédie de boulevard où chacun des personnages pense duper l’autre à son profit ; Monte Cristo a fait venir à Paris ces deux italiens qui ne se connaissent pas après les avoir rencontrés séparément sous les traits de l’abbé Busoni et de lord Wildmore.

Le comte fait passer l’un pour le fils et l’autre pour le père dans l’unité du saint argent que tous les deux espèrent toucher à la fin de leur étrange mission. Il est amusant de contempler ces deux nouveaux personnages qui croient berner le comte sans savoir que c’est lui qui est à l’origine de cette farce ; les Cavalcanti jouent leur rôle à merveille sans poser trop de questions de peur d’éveiller les soupçons et de rater leur promesse de récompense qui leur semble trop belle pour être vrai.

Le comte s’amuse peu de cette situation, il est tout à son plan de vengeance car le fils Cavalcanti est en réalité le fils illégitime de Villefort et de l’épouse de Danglars que le soi-disant digne procureur a laissé pour mort à sa naissance et dont Monte Cristo a appris l’existence en enquêtant sur la vie du procureur ; la toile du piège s’étend à d’autres proies.

Liaisons entre familles

A mesure que le comte s’insère dans l’entourage de ses ennemis, il découvre les nombreuses intrigues qui lient leurs différentes familles et Monte Cristo va s’en servir pour élaborer son plan d’attaque.

Il y a des liaisons officielles qui reposent généralement sur de simples convergences d’intérêts dénuées de sentiments ; elles sont par conséquent plus fragiles et menacées de ruptures soudaines tandis que d’autres sont nouées à l’abri des regards en se nourrissant de sentiments sincères et nobles, rendant ainsi leurs liens invisibles bien plus solides.

Les enfants sont à cette époque une monnaie d’échange, de simples figurants pour leurs mariages qui représentent des alliances entre familles où les sentiments comptent peu ; ce sont des contrats sans affects, une série de chiffres, une addition de rentes, de propriétés et de titres mais il n’y a point de cœur dans tout cela.

Le Baron Danglars est ainsi officiellement un opposant politique du Comte de Morcerf mais, officieusement, ces deux opportunistes alliés depuis leur premier méfait à Marseille projettent ensemble de marier leurs enfants Albert et Eugénie afin d’accroitre leurs richesses et leur prestige. Les deux jeunes fiancés ne partagent aucun sentiment amoureux l’un envers l’autre mais ils semblent se résoudre aux vœux de leurs parents tant que chacun puisse garder une certaine liberté d’action.

Monte Cristo fait alors entrer en scène les Cavalcanti en les faisant passer pour de riches princes italiens auprès du baron Danglars et en laissant suggérer que le fils représenterait un bon parti pour sa fille, l’appât du gain commence à semer le doute dans l’esprit du banquier, un nouveau fil est tissé.

La fille aînée de Villefort, Valentine, issue du premier mariage du procureur avec une noble, Madame de Saint Méran, est pour sa part destinée au baron Franz d’Epinay dont le père était un illustre général qui paya de sa vie son soutien affiché à la monarchie alors que Napoléon était sur le point de revenir en France. Le but de ce mariage est pour Villefort de faire taire les rumeurs qui pèsent sur son propre père, ancien bonapartiste de haut rang, le soupçonnant d’avoir participé à la disparition du général ennemi.

Mais Eugénie aime en secret le fils de Monsieur Morel, Maximilien, militaire en congé à Paris après une campagne à l’étranger et sur lequel veille affectueusement Monte Cristo comme son propre fils en souvenir ému du soutien indéfectible de son ancien armateur.

Liaisons entre les familles des ennemis de Monte Cristo

Des parents exempts d’exemplarité

Danglars s’est marié avec une noble qui lui a permis d’acquérir le titre de baron mais il n’en a pas les codes de bonne conduite et il se fait régulièrement humilier par son épouse. Celle-ci a un jeune amant qui l’accompagne officiellement en tant qu’ami afin de sauver les apparences en société mais personne n’est dupe, y compris le baron qui s’accommode de cette situation tant qu’elle lui est profitable.

En effet, l’amant de la baronne Danglars détient un poste haut placé dans un ministère permettant d’obtenir des informations de premier ordre qu’il transmet en exclusivité à sa maîtresse afin que son mari investisse en premier dans les bonnes affaires et rétrocède une partie de ses intérêts à sa femme. La paix de ce ménage à trois est ainsi assurée tant que chacun y trouve son compte.

En découvrant cette liaison, Monte Cristo comprend ainsi que l’une des raisons principales de la richesse de Danglars est son accès privilégié à l’information, cela va lui permettre de tisser de nouveaux fils pour piéger le banquier.

Après le décès de sa première épouse, Villefort s’est remarié et a eu un fils, Edouard. Lors de sa rencontre avec Monte Cristo, la nouvelle épouse de Villefort se montre très curieuse au sujet des expérimentations du comte pour élaborer des élixirs aux effets tranquillisants qu’il affectionne depuis son voyage en Orient et qui peuvent s’avérer mortels à hautes doses.

Monte Cristo se doute que cette curiosité cache de mauvaises intentions qui pourraient nuire à son ennemi donc il partage sans états d’âme à Mme de Villefort ses recettes. Quelques semaines plus tard, les parents de l’ancienne épouse de Villefort sont mystérieusement retrouvés morts dans leur sommeil puis c’est au tour du serviteur du père de Villefort de mourir d’étouffement sous les yeux effarés de son maître après avoir bu un verre d’eau qui lui était destiné. Le doute et les soupçons s’installent dans la famille de Villefort.

Monte Cristo a désormais acquis la confiance du cercle proche de ses ennemis et les informations qu’il obtient au gré de confidences ou de ses enquêtes lui permettent de mettre à jour tous ces liens qui unissent leurs familles et les rouages de leur organisation qui tournent à leur profit. Il va pouvoir désormais ajouter ses grains de sable afin de détraquer la machine et la détourner pour accomplir sa vengeance.

Le rythme du roman redevient captivant, la toile se tisse et les pièces du puzzle s’assemblent progressivement sans que l’on puisse encore voir le dessin final mais on sent que Monte Cristo est désormais prêt à passer à l’attaque.

Place à l’attaque

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Hugues B.