Février 2019, 80 kilomètres en 5 jours de marches avec des raquettes à neige sur la Route des Crêtes traversant les Vosges

Pourquoi j’ai choisi cet itinéraire et ce moyen de déplacement

Je suis née à Nancy, toute la famille de mon père vit à Nancy et mes grands-parents paternels sont originaires des Vosges où leurs aïeux y ont vécu pendant des siècles donc cette région de France a toujours été chère au cœur.

De plus, après avoir fait plusieurs voyages à vélo, à pied et à moto, j’avais envie de tester de nouveaux moyens de déplacements en itinérance. Je ne me souviens plus trop comment m’est venu l’idée mais j’ai pensé à faire une expédition en raquettes à neige car cela permet de se déplacer en montagnes pendant l’hiver et de passer à peu près partout et j’avais entendu parler de cet itinéraire possible sur la Route des Crêtes donc j’ai décidé de me lancer ce nouveau défi de voyage itinérant.

Pour l’Histoire, cette route a été aménagée sur des dizaines de kilomètres à plus de mille mètres d’altitude par les militaires français avec des fortifications afin d’assurer la logistique et défendre la ligne de front qui était située à proximité en raison de l’annexion de l’Alsace Lorraine dans l’empire allemand lors de la guerre franco-prussienne de 1870.

Donc, je m’achetais des raquettes à neige chez Décathlon et je commandais des cartes IGN pour préparer mon itinéraire en m’assurant de trouver un hébergement pour chaque étape et en espérant que la neige et le soleil seraient de la partie, sur ce point j’allais être servi au-delà de mes espérances !

Je faisais également part de mon projet à mon frère Jérémie qui était très intéressé mais ne pouvait pas se libérer pour les cinq jours de traversée que je prévoyais donc il me rejoindrait pour le week-end avec des skis de randonnée.

Comme pour mon voyage à vélo de Paris jusqu’à Londres, ce récit est issu des notes que j’ai prises sur un carnet pendant cette excursion et auxquelles j’ai apporté quelques ajouts et modifications pour la publication de cet article.

Itinéraire (approximatif)

Pour lire la suite, vous pouvez cliquer sur l’un des jours de la liste ci-dessous ou tout simplement poursuivre votre lecture vers le bas

  • Jour 1 : de Saint-Amarin au Grand Ballon, 10 kms, 4h30
  • Jour 2 : du Grand Ballon au Markstein, 12 kms, 3h30
  • Jour 3 : du Markstein au Hohneck, 20 kms, 7h
  • Jour 4 : du Hohneck à l’Auberge du Devin, 22 kms, 8h
  • Jour 5 : De l’Auberge du Devin à Sainte-Marie-aux-Mines, 16 kms, 6h

Jour 1, mercredi 13 février 2019

De Saint-Amarin au Grand Ballon

Distance : 10 km

Dénivelé + : 1000m

Durée : environ 4h30

Je me lève tôt le matin pour avoir le temps de bien vérifier que j’ai toutes les affaires nécessaires pour mon périple (j’oublierai quand même ma montre) puis je prends un petit-déjeuner et j’enfourche un Vélib afin de rejoindre la Gare de Lyon, il n’y a personne dans Paris à cette heure matinale.

J’ai une correspondance à Mulhouse de 50 minutes qui me permet de découvrir le centre-ville à pied et de m’acheter un sandwich pour le déjeuner que je mangerai dans le train TER m’emmenant à Saint-Amarin au pied du massif des Vosges.

Dès mon arrivée dans cette petite ville, je me fais accoster par un habitant du coin intrigué par mon accoutrement avec mon gros sac à dos et mes raquettes. Il m’indique gentiment par où commence le sentier menant au Grand Ballon et je commence mon ascension à midi, le soleil est radieux et les températures sont douces.

A peine ai-je parcouru quelques centaines de mètres que j’enlève déjà des couches de vêtements. Il n’y a pas de neige à cette altitude (environ 400 mètres) donc je dois porter mes raquettes en plus de mon sac à dos qui contient quelques affaires de rechange, de l’eau, un peu de nourriture, un livre et mon carnet. Je parviens à fixer mes raquettes sur mon sac afin de pouvoir garder mes mains libres pour utiliser mes bâtons de marche ou soutenir les lanières de mon sac afin de soulager mes épaules car je trouve déjà mon sac trop lourd !

La vue est belle sur la vallée et les montagnes autour que l’on peut bien observer malgré les arbres car ils n’ont pas de feuilles en cette saison, il y a peu de sapins. Le ciel est d’un bleu azur magnifique, j’aurais bien aimé également trouver une belle couche de neige blanche sur le chemin et sur les arbres mais on ne peut pas tout avoir.

Départ depuis Saint-Amarin avec un temps magnifique

Malgré un bon balisage et ma carte, je manque de peu de me tromper de chemin car je passe mon temps à admirer le paysage. Je prends le risque de boire de l’eau d’un ruisseau et d’une fontaine car elle est si claire et j’ai si soif. Cette randonnée me rappelle mes excursions en raquettes à neige avec le snowboard dans le dos dans les Alpes quand j’étais étudiant à Grenoble. On a chaud tant que l’on monte mais, dès que l’on s’arrête pour une pause, on a déjà froid au bout de dix minutes donc on passe son temps à enlever puis remettre des vêtements.

Le chemin devient plus étroit en s’enfonçant dans la forêt sur les hauteurs et la présence de la neige augmente avec l’ascension puis, à partir de 800 mètres d’altitude, elle recouvre tout le chemin mais je ne peux pas encore utiliser mes raquettes car la couche de neige est trop fine. Je fais des pauses toutes les demi-heures pour boire et reposer mon dos, mon talon du pied droit me fait déjà mal à cause des frottements avec ma chaussure, ce n’était pas une bonne idée d’acheter des chaussures neuves sans les utiliser avant… Je mets du strap en espérant que cela limitera les risques d’ampoules.

A partir de 1000 mètres, la couche de neige devient plus épaisse, je peux enfin utiliser mes raquettes. Le chemin de randonnée est très sympathique au milieu de ces grands arbres faisant le lien entre la terre immaculée de blanc et le ciel bleu azur. Enfin, j’aperçois au loin le radôme sous forme de globe qui protège un immense radar aérien civil et qui est un repère facile pour identifier le Grand Ballon culminant à 1424m, le plus haut sommet du massif des Vosges.

Puis, en arrivant au col du Haag à 1233m, je rejoins la fameuse Route des Crêtes qui est aménagée en immense piste de ski de fond pendant l’hiver, je croise de nombreux retraités à ski alors que je n’avais vu personne sur mon chemin depuis mon départ de Saint-Amarin.

La Route des Crêtes au col du Haag

Je gravis avec enthousiasme les derniers cent mètres de dénivelé pour atteindre le sommet du Grand Ballon, heureux d’être arrivé au bout de ma première étape car je commençais à fatiguer. La vue est magnifique, je peux apercevoir quasiment tout le massif des Vosges avec sa ligne de crêtes qui s’étire devant moi et qui devrait me permettre d’atteindre demain le Markstein puis, le jour suivant, le Hohneck. Depuis ce point de vue, on peut également admirer la chaîne des Alpes côté Suisse qui se dresse telle une muraille naturelle infranchissable.

Vue sur les Vosges depuis le Grand Ballon
Vue sur les Alpes depuis le Grand Ballon

Ensuite, je rejoins l’hôtel du Grand Ballon qui est très chaleureux avec son intérieur tout en bois, un vrai chalet de montagne. J’ai une chambre individuelle avec les sanitaires partagés, il y a également des espaces communs très agréables où l’on peut s’assoir dans un fauteuil et lire confortablement.

Je fais une courte pause dans ma chambre puis je sors dehors, allégé de mon sac à dos, ça fait un bien fou ! Je reste assis sur un rocher en regardant le soleil se coucher, c’est apaisant. Puis, je rentre prendre une douche et c’est l’heure du repas, j’ai pris la formule demi-pension et les plats sont très bons et copieux, exactement ce qu’il me faut !

Allez, il est temps de dormir pour reprendre des forces, ce n’est que le début.

Coucher de soleil à proximité de l’hôtel du Grand Ballon

Jour 2, jeudi 14 février 2019

Du Grand Ballon au Markstein

Distance : 12 kilomètres

Dénivelé : 300 mètres

Durée : 3h30

Je me réveille pile au moment du lever du soleil vers 7h30 et je peux l’admirer à travers la fenêtre de ma chambre, la journée commence bien ! Je vis désormais au rythme du soleil en passant mes journées dehors tant qu’il est visible dans le ciel.

Lever de soleil depuis ma chambre

Après un petit-déjeuner copieux, je remballe mes affaires et je récupère mon pique-nique commandé à l’hôtel, je suis prêt à partir à 9h. Je refais le sommet du Grand Ballon puis je redescends vers le col du Haag. Il n’y a quasiment personne dehors et le ciel est aussi bleu que la veille, c’est beau.

Vue sur les Vosges de bon matin depuis le Grand Ballon

En montant depuis le col en direction des crêtes, je croise un gars du coin très sympathique avec qui je discute une bonne dizaine de minutes. Il a la soixantaine et il est en pleine forme, il fait du trek de bon matin. La vue sur le massif des Vosges est magnifique et, grâce aux explications de mon interlocuteur, je distingue au loin le Mont Blanc, je n’ai pas l’habitude de le voir sous ce profil et on aperçoit également le massif du Jura qui sépare les Vosges des Alpes.

La neige est de bonne qualité à cette altitude, pas trop dure ni trop collante, je marche facilement dessus avec mes raquettes en repérant le chemin grâce à des traces de précédents randonneurs. En redescendant du haut d’une crête, je tombe sur un groupe de retraités qui sont également en raquettes et qui avaient séjourné dans le même hôtel que moi la veille dans une bonne ambiance de rigolades pendant un riche dîner bien arrosé. Nous discutons un peu et il se trouve qu’ils iront au même hébergement que moi ce soir au Markstein, l’hôtel Wolf, nous nous disons donc à bientôt.

Pour ma part, je suis le chemin GR5 longeant la ligne des crêtes tandis que la route enneigée avec la piste de ski de fond est plus en contrebas, cela me permet d’avoir de meilleurs points de vue et je me sens davantage dans la nature sauvage avec de larges étendues de neige vierge sans aucunes traces de pas. Le ciel est toujours complètement dégagé avec un soleil radieux et il fait presque trop chaud quand on marche (10 degrés) mais la visibilité est excellente. Ces paysages de moyennes montagnes enneigées avec des parcelles de forêts sont magnifiques et j’apprécie de pouvoir me déplacer en raquettes sur d’aussi grandes étendues de neige dans un environnement très sauvage. Le chemin traverse à certains moments des forêts d’arbres complètement dénudés, il y a peu de sapins.

Les points de vue sont nombreux dans ce magnifique environnement sauvage

Je prends mon pique-nique près de la station du Markstein située à 1185 mètres d’altitude puis je vais à mon hôtel pour me reposer. Ensuite, je troc mes raquettes contre des skis de fond pour m’essayer à ce sport très pratiqué dans cette région et j’emprunte les rails creusés dans la neige sur la Route des Crêtes. C’est très pratique même si cela devient lassant de devoir suivre une voie toute tracée, je finis par regretter mes raquettes qui offrent une grande liberté de mouvement et permettent de sortir des sentiers battus, c’est en quelque sorte une métaphore de ma vie !

J’avance bien plus vite en ski de fond qu’en raquettes mais je voyage aussi plus léger, en deux heures je parviens à rejoindre le col du Haag puis à rentrer au Markstein. Le temps est toujours au beau fixe, je savoure ma chance en admirant le paysage.

De retour à l’hôtel, je fais une micro sieste puis je repars dehors tant qu’il fait jour pour monter sur un petit sommet à proximité qui offre un beau point de vue sur le coucher du soleil, je ne tiens pas en place quand il fait beau dehors et que le spectacle de la nature est aussi majestueux.

Nouveau coucher de soleil magnifique sur les Vosges

Puis, après une bonne douche chaude, je visualise sur ma carte l’itinéraire du lendemain où nous avons prévu de nous rejoindre avec mon grand-frère Jérémie (alias « Jérem ») qui arrivera en train de Paris avec des skis de randonnée. On s’appelle le soir pour se donner quelques infos, les prévisions météos sont encore très favorables et la couche de neige reste épaisse malgré les températures douces donc cela devrait être possible de faire du ski, c’est aussi en raison de cette inconnue que j’avais préféré prendre des raquettes.

Le dîner à l’hôtel est à nouveau très copieux mais, malheureusement, le joyeux groupe de retraités n’est pas là pour égayer la soirée. Allez, il est temps de dormir !

Jour 3, vendredi 15 février 2019

Du Markstein au Hohneck

Distance : 20 kms

Dénivelé + : 500m

Durée : 7h

Lever à 8h, je prends un gros petit-déjeuner puis je prépare mon sac, en route pour les Crêtes ! Au départ, je traverse en raquettes les pistes de ski de la station du Markstein puis, étant donné que la météo est toujours bonne, je décide de suivre le chemin de randonnée du GR5 qui suit la Route des Crêtes mais en restant sur les hauteurs.

La vue est belle, désormais c’est l’aventure loin des voies fréquentées, enfin il y a quand même beaucoup de traces de pas mais je croise très peu de monde. Les passages en forêt me permettent de me protéger du soleil qui tape déjà fort puis j’atteins une clairière au col du Hahnenbrunnen à 1186 mètres d’altitude (on voit de par les sonorités et les orthographes de ces lieux que l’on s’éloigne des latins et que l’on se rapproche des germains !).

Soudain, un traîneau tiré par six chiens en file indienne passe devant mes yeux ébahis dans ce décor de conte de fées et je redeviens un petit enfant tout émerveillé.

Un équipage de chiens de traineau passe devant moi au col du Hahnenbrunnen

Ensuite, je continue de suivre le GR5 qui passe au milieu d’un large couloir de neige bordé de chaque côté par la forêt puis, j’atteins un sommet d’où je peux voir la ligne de crêtes s’étendant au loin et me montrant les prochaines bosses à franchir sur le parcours, c’est facile de se repérer comme cela.  

Les paysages de moyennes montagnes en bosses recouvertes de neige blanche et de forêts clairsemées sont magnifiques, j’ai l’impression d’être à l’autre bout du monde, en Laponie ou au Canada. L’itinéraire que j’avais élaboré à l’avance sur des cartes IGN depuis mon étroit et sombre studio parisien en rêvant de grands espaces majestueux se révèle être bien au-delà de mes espérances !

Je commence à croiser quelques randonneurs en raquettes sur les coups de midi mais, dans l’ensemble, il n’y a quasiment personne sur ce chemin. Pour le déjeuner, je m’abrite du soleil en me réfugiant à l’ombre offerte par la façade d’un refuge de montagne qui est fermé en hiver. Le talon de mon pied droit me fait mal depuis le premier jour et cela devient de plus en plus douloureux. Heureusement, les beaux paysages me permettent de moins y penser.

Jérémie est arrivé en train dans la vallée et il se dirige désormais vers les hauteurs à pied avec ses skis sur le dos jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment de neige pour les chausser. Il devrait ensuite emprunter le même chemin que moi mais je continue d’avancer car il ira plus vite que moi avec ses skis et j’ai encoure beaucoup de distances à parcourir.

L’après-midi, j’enchaîne les mini sommets, l’effort à fournir pour l’ascension est important car parfois la pente est raide, mon sac me pèse une tonne, je marche lentement mais d’un pas régulier et je ne me lasse pas de ces multiples points de vue différents sur les Vosges. Quand je tourne le dos pour regarder en arrière, le sommet du Grand Ballon avec son radôme m’apparait déjà bien loin alors que j’y étais il y a seulement deux jours et j’aperçois encore également en toile de fond l’imposante chaîne de montagnes des Alpes derrière un léger rideau de condensation.

Désormais, je croise davantage de randonneurs et nous discutons de temps en temps, la plupart sont de la région et viennent à la journée donc ils ont moins d’affaires à porter que moi.

Le sommet arrondi et enneigé tout à gauche est le Grand Ballon et on aperçoit au loin dans la brume la chaîne des Alpes

J’atteins la station de ski du Hohneck à 1363 mètres de haut en fin de journée, il y a du monde sur les pistes en comparaison du chemin sur les crêtes, je n’ai déjà plus l’habitude de voir autant de personnes, le retour à Paris va être difficile…

Enfin, j’arrive à l’auberge, soulagé de retirer mes chaussures et de poser mon sac à dos. C’est un grand chalet tout en bois très agréable. Jérémie me rejoint une heure plus tard, tout juste après le coucher du soleil, très enthousiaste comme moi de cette belle journée malgré les efforts physiques. Nous célébrons nos retrouvailles autour d’un très copieux dîner accompagné d’une bonne bière puis d’un bon verre de vin rouge : c’est ça aussi la montagne ! 😊

Photo du coucher de soleil prise par Jérémie du haut de la station du Hohneck avant de me rejoindre à l’auberge
Les retrouvailles entre frangins autour d’un bon repas

Jour 4, samedi 16 février 2019

Du Hohneck à l’Auberge du Devin (3km au sud de la ville du Bonhomme)

Distance : 22kms

Dénivelé : beaucoup de hauts et de bas…

Durée : 8h

Quelle journée ! Efforts constants, douleurs lancinantes, paysages naturels grandioses…

Le réveil est à 8h comme les autres jours sauf que cette nuit j’ai très mal dormi à cause d’une grosse ampoule qui s’est formée au niveau de mon talon droit et qui me fait affreusement mal. Je me suis même demandé si j’allais pouvoir continuer cette aventure car il apparait que mes chaussures neuves sont légèrement trop petites pour ces longues marches répétées (j’aurais dû prendre une taille au-dessus de la mienne) et je n’ai pas de protections adaptées contre les ampoules du style Compeed.

Je tente malgré tout de désinfecter ma blessure puis je la recouvre d’une compresse et la maintient avec du sparadrap en espérant que cela tiendra. Le ciel est encore bien dégagé donc ce serait dommage de ne pas profiter de cette belle journée !

Avec Jérémie sur ses skis et moi sur mes raquettes, nous montons doucement jusqu’au sommet du Hohneck, il fait déjà chaud et nous sommes en t-shirt dans la montée. Je prends un peu d’avance sur Jérémie lorsqu’il doit installer ses peaux de phoques sur ses skis mais il me rejoint peu de temps après pour me dépasser ensuite facilement à la descente après avoir enlever les peaux de phoques.

La vue panoramique depuis le sommet est saisissante, elle laisse découvrir des pentes raides et des falaises abruptes surmontées de congères, il faudra être prudent de ne pas trop s’en approcher.

Nous redescendons ensuite en longeant les crêtes, Jérem me dépasse mais il a la bonté de m’attendre sur le plat puis il arrive à se faufiler avec adresse malgré ses longs skis dans une forêt dense avant d’atteindre une vaste clairière.

Ensuite, nous traversons une nouvelle forêt en longeant le bord d’une falaise pour atteindre le col de la Schlucht à 1139 m. Il y a du monde de sortie en ce beau week-end ensoleillé mais, heureusement, la prochaine partie du chemin que nous empruntons est moins fréquentée. Nous montons progressivement une pente à travers une forêt et un passage technique nécessite d’enjamber un ruisseau, Jérem décide de passer avec ses skis et ça passe sans casse.

Ensuite, nous retrouvons le haut des crêtes dans un nouveau décor avec des empilements de gros rochers qui semblent taillées comme si c’était un ancien fort en ruine. Cet amoncellement de pierres est légèrement recouvert de neige au milieu d’une forêt de sapins, on se croirait dans les Rocheuses américaines, il ne manque plus qu’un loup ou un coyote hurlant à son sommet.

Nouveau décor

Il fait chaud en marchant avec le soleil qui tape d’en haut et sa lumière qui se réverbère au sol sur la neige, mon sac me semble toujours aussi lourd et mon talon droit me fait souffrir mais les paysages grandioses sont là pour me divertir.

Nous faisons la pause déjeuner en haut de la station de ski du Tanet et nous en profitons pour discuter de la suite du parcours en analysant la carte. Initialement, j’avais prévu un hébergement qui se trouvait à proximité de cet endroit mais qui obligeait à faire un détour et n’offrait pas le couvert (scandale !). En ce samedi pendant les vacances scolaires, la plupart des logements le long de la Route des Crêtes sont complets, notamment à la station de ski du Lac Blanc. Toutefois, Jérémie me fait judicieusement remarquer que l’itinéraire du lendemain risque d’être très long alors que nous avons un train à prendre en fin d’après-midi et il propose d’avancer plus loin quitte à faire un plus long trajet aujourd’hui.

Nous continuons donc notre périple sans trop savoir où se terminera cette étape. En se renseignant auprès de l’office du tourisme locale, Jérémie trouve une auberge disponible nommée l’Auberge du Devin qui est située plus loin en contrebas à 950 mètres d’altitude. Il y a encore beaucoup de kilomètres à parcourir mais cela ne nous détourne pas de la Route des Crêtes et on sait qu’un bon repas chaud nous attend le soir, courage !

Jérem m’annonce la bonne nouvelle après une belle descente à skis qu’il a réservé un hébergement tandis que je reste concentré sur ma marche en boitant légèrement 🙂

La suite est une succession de montées et descentes assez fatigante et, en arrivant en haut d’un énième sommet après une longue ascension, je suis claqué, j’ai l’impression de traverser un immense désert blanc avec ses dunes de neige.

Après avoir atteint les pâturages de Plainfaing sur un haut plateau en bord de falaises, Jérémie m’allège de mes deux thermos puis s’engage dans la descente après que nous ayons admiré une dernière fois et pendant longtemps la magnifique ligne de crêtes qui s’étire depuis le Grand Ballon jusqu’à nous avec les massifs de la Forêt Noire, du Jura et des Alpes en arrière-plan. C’est une des plus belles randonnées en montagne que j’ai faite !

En descendant le long d’un versant montagneux abrupte, j’aperçois le Lac Blanc qui tient bien son nom avec sa couche de glace recouverte de neige. Il y a même des personnes téméraires qui marchent dessus. En surplomb du lac, sur son bord sud, il y a un immense piton rocheux qui est comme une sorte de totem ou d’immense plongeoir naturel.

Malheureusement, en arrivant au niveau des pistes de ski de la station du Lac Blanc, je me trompe de chemin, pressé par la fatigue et la douleur au talon droit, et cette erreur me fait descendre trop bas pour ensuite devoir remonter à nouveau. Je suis furieux contre moi et exténué quand je retrouve Jérémie au col du Calvaire qui porte décidément bien son nom !

Ensuite, nous empruntons un chemin forestier transformé en piste de ski de fond pendant l’hiver, il reste encore deux à trois kilomètres à parcourir tandis que le soleil se couche. La lumière du soleil est magnifique en illuminant de ses derniers rayons la cime des arbres puis, l’astre rougeoyant décline et disparait dans un dernier éclat. Je reste émerveillé par ce spectacle malgré la douleur et la fatigue, sachant que c’est mon quatrième et dernier coucher de soleil dans les Vosges.

Encore un beau coucher de soleil

Jérem me propose de monter avec lui sur ses skis pendant la descente sur une légère pente mais on arrête après quelques centaines de mètres car on risque de se faire mal. Il fait désormais presque nuit, j’avance péniblement en claudiquant, mes larges raquettes autour des pieds et ma lente démarche maladroite me donnent l’impression d’être un éléphant s’enfonçant dans la neige épaisse. Ça y est, j’aperçois les lumières du chalet à travers les arbres, je suis sauvé ! 😊

On se claque dans les mains à l’arrivée avec Jérem pour se féliciter de cette journée marathonienne puis nous nous installons dans le dortoir où nous sommes les seuls à dormir cette nuit. Il y a d’autres pensionnaires dans l’auberge mais ils ont pris des chambres individuelles. Je suis paralysé de fatigues après tous ces efforts en continu, je ne pensais pas que cette randonnée serait aussi difficile physiquement. Je retire avec délice mes chaussures qui me mettaient au supplice et je prends une bonne douche bien chaude avant de retrouver Jérémie dans la salle à manger commune pour s’offrir une bonne petite bière bien méritée, c’est devenu notre rituel de fin d’étape.

Puis, on se prend un pichet de vin rouge pour accompagner le repas, on a assez bu d’eau pendant la journée 😊 Tant pis si cela ne me facilite pas le sommeil, c’est important les traditions. Et, bonne nouvelle, la propriétaire du chalet a des Compeed donc je lui en achète sans négocier, « My kingdom for a Compeed » !

Allez, il est temps de se coucher maintenant, nous avons besoin de repos…

Jour 5, dimanche 17 février 2019

De l’Auberge du Devin à Sainte-Marie-aux-Mines

Distance : 16 kms

Dénivelé : moins de hauts, plus de bas

Durée : 6h

La nuit a été bien meilleure que la veille donc le moral est bon d’autant plus que je sais que notre étape du jour sera plus courte et avec moins de dénivelé.

Nous reprenons les pistes de ski de fond dans la forêt puis nous descendons en direction du village du Bonhomme via un chemin accidenté où la neige se fait de plus en plus rare. Jérem est obligé de louvoyer sur les côtés avec ses skis pour trouver de la neige encore un peu fraîche puis, après quelques centaines de mètres, il doit se rendre à l’évidence, il faut déchausser et porter son matériel sur le dos.

La balade dans la forêt est agréable, nous avons la lumière du soleil tout en étant protégés de ses rayons par les arbres autour de nous, les températures sont encore douces. Ma marche est plus rapide sans mes raquettes aux pieds et nous avançons à une bonne allure, je ne ressens quasiment plus de douleurs au talon grâce à la Compeed, c’est vraiment très pratique et, désormais, j’en prendrais toujours avec moi pour des randonnées de plusieurs jours !

Nous remontons ensuite au col du Pré de Raves à 1005 mètres où nous retrouvons de la neige pour le plus grand plaisir de Jérémie qui peut se délester du poids de ses skis en les chaussant à nouveau. Ensuite, nous atteignons une clairière avec un rocher en plein milieu et, du haut de ce promontoire naturel, on peut observer des modestes montagnes en forme de buttes, recouvertes de sapins et disséminées dans le bassin de la ville de Saint-Dié-des-Vosges que l’on peut apercevoir au loin.

Malgré les nombreux points de vue que nous avons pu admirer lors de ces derniers jours, nous nous émerveillons comme des gamins avec un grand sourire et des yeux admiratifs quand nous découvrons cette vue dégagée en sortant de la forêt. On savoure ce moment en prenant notre pique-nique au soleil sur les rochers et nous prenons de multiples photos souvenirs de ce bel endroit dont nous sommes conscients qu’il est sans doute le dernier de notre parcours.

Nous avançons à un bon rythme en croisant toujours très peu de personnes alors que la météo est encore excellente. En arrivant au pied de l’Arbre de la Liberté qui fut apparemment planté en 1918 pour célébrer la libération de l’Alsace, Jérémie doit se résoudre à déchausser ses skis et, cette fois-ci, définitivement. Nous marchons désormais côte à côté, cette randonnée dans la forêt est plaisante et nous ne faisons plus que descendre en direction de Sainte-Marie-aux-Mines où un train nous attend. Nous découvrons dans la vallée de belles et grandes fermes ou chalets en bois qui s’insèrent parfaitement dans leur milieu naturel.

Ça y est, nous voilà arrivés à notre étape finale de Sainte-Marie-aux-Mines située à 770 mètres d’altitude après cette magnifique traversée des Vosges dans un décor féérique avec une météo de rêve. Oui, j’ai souffert physiquement mais les paysages étaient tellement beaux dans cette nature grandiose et très sauvage. Cela a été aussi l’occasion de partager ces bons moments avec mon frère Jérem et nous célébrons notre exploit fraternel autour d’une bonne bière comme il se doit ! 😊

Vive les Vosges !!!

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Hugues B.