Juin 2022, descente de la Dordogne sur 80 kilomètres en canoë pendant 4 jours et 3 nuits
Genèse de ce voyage
A la fin de ce parcours itinérant en canoë, je me rends compte dans le train du retour me ramenant à Paris, combien il est difficile de tenir à jour un carnet de bord pendant un voyage collectif surtout s’il se passe en plein été alors que les journées sont longues et bien remplies. Je tâche donc de coucher par écrit avec un BIC mal en point mes souvenirs tant qu’ils sont encore frais de cette escapade sur la Dordogne avec mes deux cousins Guillaume et Louis. Voici donc mes notes retranscrites dans cet article avec quelques ajouts et modifications, il y a également une journée racontée par Louis qui était à mes côtés dans le train du retour.
Louis et Guillaume sont mes cousins de par ma branche maternelle, nous avons à peine un an d’écart et nous nous connaissons très bien pour avoir passé de nombreux étés ensemble pendant de grands rassemblements familiaux dès notre plus jeune âge et nous continuons de nous voir régulièrement.
Je leur avais proposé cette descente en canoë car je trouvais ce moyen de transport agréable étant donné qu’il garantit d’être constamment au contact de la nature sans être dérangé par les véhicules motorisés et aussi utile car il permet de transporter un poids et un volume important d’affaires pour un effort physique supportable en comparaison avec les voyages à pied ou à vélo. Dans le passé, j’avais fait plusieurs sorties en canoë sur une journée et j’avais envie de tester l’itinérance sur plusieurs jours, ayant été fortement impressionné par des vidéos de voyageurs sur la rivière Yukon dans le nord-ouest du Canada et en Alaska.
Enfin, la rivière de la Dordogne présentait les avantages d’être suffisamment longue et bien aménagée pour permettre une navigation de plusieurs jours dans une région riche en patrimoine historique, gastronomie et beaux paysages ainsi que d’être relativement facile d’accès pour chacun de nous.
Itinéraire
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- Jour 1 : de Carennac jusqu’à Creysse, 23 kms, 4h30
- Jour 2 : de Creysse jusqu’à Souillac, 18 kms, 3h
- Jour 3 : de Souillac jusqu’à Veyrignac, 20 kms, 4h
- Jour 4 : de Veyrignac à Castelnaud-la-Chapelle, 19 kms, 3h
Jour 1, vendredi 17 juin 2022
Rédaction : Hugues
De Carennac aux environs de Creysse
Distance : 23 kms
Durée : 4h30
Avec Louis, nous partons tôt le matin de Paris en train pour rejoindre Guillaume en fin de matinée à la gare de Brives. Il nous récupère avec son van et nous faisons route vers notre point de départ à Carrenac en faisant une courte pause pour acheter des provisions : un grand jerrican de plusieurs litres d’eau car nous sommes en pleine canicule mais aussi de la bière pour égayer nos apéros du soir, du saucisson, des pâtes, des chips et quelques fruits, bref les essentiels.
Ensuite, nous rejoignons le centre de location où nous avons réservé un canoë trois places et un kayak, on nous met également à disposition une carte de l’itinéraire, trois sacs à dos étanches et deux grands bidons où nous rangeons notre équipement de bivouac et les vivres.
Puis, nous écoutons avec attention Gérald, le responsable du centre, concernant les recommandations des lieux à visiter sur le parcours, des zones propices au bivouac et supérettes pour faire les courses. Gérald termine son briefing par les consignes de sécurité : les gilets de sauvetage doivent être obligatoirement portés et attention car la gendarmerie peut nous verbaliser.
Nous installons nos bidons et nos sacs étanches sur nos embarcations et nous mettons sagement nos gilets tout en nous répartissant entre le canoë et le kayak sachant que nous ferons des rotations. Le centre de location est situé sur une petite île scindant la Dordogne en deux bandes de largeurs inégales. Nous embarquons sur celle qui est la plus fine, côté ouest, où il n’y a quasiment pas de courant, elle permet de longer le village médiéval de Carennac avant de rejoindre la partie large de la Dordogne.
A peine avons-nous commencé à pagayer que Guillaume nous prévient qu’il compte bien se passer de l’obligation du port du gilet de sauvetage sachant que notre itinéraire est sur une portion de la rivière peu mouvementée et nous suivons son exemple dans un joyeux esprit de bravade et d’indépendance : vive la liberté ! (En assumant les responsabilités qui vont avec).
Nous faisons un arrêt au tout début de notre expédition pour visiter le village de Carennac en étant attiré par ses belles maisons bien entretenues et datant de la Renaissance avec des toitures pointues en tuiles, des murs de pierres et des balcons en bois ainsi que de jolies tourelles. Ce patrimoine s’insère parfaitement dans son milieu naturel, il l’embellit même. Nous prenons les sacs à dos avec nous en laissant les canoës avec les bidons sur la berge, Gérald nous ayant rassuré sur le faible risque de vols tout le long du parcours, ce qui nous sera bien pratique pour faire de longues excursions à pied pour visiter ou faire des courses.
Après avoir traversé un pont pour nous rendre dans le centre du village, nous déambulons dans les rues étroites en passant devant quelques discrets restaurants gastronomiques aux terrasses desquels déjeunent des touristes anglais ou hollandais en petit nombre. Nous découvrons une église millénaire de style roman avec un imposant portail d’entrée soutenue par des colonnes de pierre dont le haut est orné de sculptures, ces lieux sont chargés d’Histoire.
Nous retournons ensuite à nos embarcations et nous atteignons un premier passage technique qui est une rampe d’accès en béton assez pentue sur laquelle s’écoule un mince filet d’eau permettant de rejoindre la bande plus large de la Dordogne. Gérald nous avait demandé de ne pas rester assis dans les canoës et de les tirer à pied mais, là encore, nous faisons fi des instructions en étant à la recherche de sensations.
La chaleur nous étouffe, nous sommes en pleine canicule et les températures avoisinent les 36 à 38 degrés donc nous nous jetons rapidement à l’eau pour nous rafraichir tout en nous laissant dériver par le courant avec nos embarcations. Nous réitérerons de nombreuses fois cette technique efficace contre l’insolation et la déshydratation.
Nous passons quelques rapides peu turbulents sans trop de difficultés techniques et, dans l’ensemble, il y a peu de courants donc nous devons compenser avec notre force physique pour avancer. Ainsi, nous redécouvrons les mouvements à exécuter et les muscles sollicités pour la manipulation des pagaies mais nous tâchons de ménager notre corps en prévision de notre itinéraire sur plusieurs jours en faisant des pauses fréquentes pour admirer les belles falaises de calcaire et les châteaux ainsi que pour nous baigner.
Nous croisons sur notre parcours un groupe de jeunes sautant d’un rocher haut de six à sept mètres et nous décidons de débarquer pour leur emboiter le pas. Les jeunes nous montrent le chemin d’accès et ceux qui n’ont pas encore sauté nous cèdent volontiers leurs places en nous incitant à faire un salto (c’est-à-dire faire passer la tête en avant dans le vide puis retomber sur ses pieds). Guillaume acquiesce, je pensais qu’il plaisantait mais non, il se laisse presque tomber dans le vide droit comme un i en faisant un salto avant sous mon regard ébahi. Pour ma part, je n’ai jamais fait ce type de figure à une telle hauteur donc je me borne à un saut tout simple debout et Louis me suit dans la foulée. De retour aux canoës, je félicite Guillaume pour sa hardiesse et il m’explique qu’il a fait des sauts bien plus impressionnant dans sa vingtaine lorsqu’il vivait dans le sud de la France avec son cousin Paul où il faisait des doubles saltos à quinze mètres de haut, impossible pour moi !
L’après-midi est déjà bien entamée quand nous commençons à chercher un endroit pour notre premier bivouac et, vers 18h, nous trouvons une plage de galets orientée sud-ouest ayant un accès sur un champ de noyers avec de la bonne herbe sur un terrain plat, ce qui sera un emplacement parfait pour planter notre tente.
Après avoir installé notre campement, nous nous baignons une énième fois dans la Dordogne en essayant de nager contre le courant qui nous emmène au loin puis nous finissons par rentrer à pied en marchant douloureusement sur les galets et nous recommençons. Ce lieu en pleine nature est très agréable et nous sommes les seuls à y camper. Il y a une route de l’autre côté de la large rivière mais elle est heureusement cachée par les arbres et peu fréquentée.
C’est l’heure de l’apéro avec des bières et du saucisson puis nous dégustons des pâtes sauce bolognaise pour finir par des pommes en dessert et nous retournons nous baigner pour la digestion. Ensuite, on enchaine des parties de Tarot jusqu’à ce que la luminosité déclinante ne nous permette plus de distinguer les cartes et nous oblige à rentrer dans notre tente pour nous coucher.
Heureusement, la température diminue pendant la nuit et je m’endors vite mais non sans bruit, au grand dam de mes deux acolytes…
Jour 2, samedi 18 juin 2022
Rédaction : Louis
Des environs de Creysse jusqu’à proximité de Souillac
Distance : 18 kms
Durée : 3h
La nuit fut bonne pour Guillaume et Hugues malgré les quelques ronflements du second qui réveillèrent par moments le premier. Pour moi, elle fut plus dure étant donné que mon matelas gonflable se dégonfla très rapidement et que je finis à même le sol pour le reste de la nuit. Nous avons dormi sans double-toit compte tenu de la chaleur et des dimensions réduites de la tente pour trois gaillards comme nous qui se tiennent mutuellement chaud. Les sacs de couchage sont néanmoins utiles au petit matin quand la fraicheur s’installe.
Nous nous réveillons vers 8h30 et nous redescendons de notre lieu de campement pour prendre notre petit-déjeuner sur la plage de galets au bord de la Dordogne. Nos canoës sont toujours là et nous prenons rapidement un café, du jus d’orange et des tranches de brioche. Après le rangement de nos affaires dans les sacs et bidons, nous reprenons notre périple.
Nous faisons une étape ravitaillement dès le premier village atteint, à Saint-Sozy, où nous achetons dans un Spar des vivres pour la journée et le petit-déjeuner du lendemain. Cette fois-ci, nous sommes plus ambitieux et gourmands en prévoyant de faire un bon barbecue pour le dîner.
Puis, nous reprenons les canoës sous un soleil de plomb et nous croisons peu de monde sur la Dordogne si ce n’est un couple d’allemands sur un bateau pneumatique. Comme la veille, nous glissons paisiblement sur la rivière en alternant les passages rapides et les sections plus lentes en fonction notamment de la largeur de la rivière (la vitesse du courant évoluant à l’inverse de la taille du cours d’eau). Nous longeons quelques châteaux et villages forts jolis et nous finissons par accoster sur une berge en bord de hautes falaises de calcaire en vue de déjeuner avant de visiter les grottes de Lacave.
Le vin rosé acheté en cubi au Spar de Saint-Sozy sur les conseils enthousiastes d’un client local et un gros melon font merveilles pour nous rafraichir le gosier. Après notre pique-nique, nous partons à pied en longeant un chemin puis une route en direction des grottes. Le trajet d’à peine 2,5 kilomètres d’après les informations de Gérald nous semble en réalité bien plus long, d’autant que la chaleur atteint presque les quarante degrés en ce milieu d’après-midi.
Nous finissons enfin par arriver au village de Lacave, connu suite à la découverte au début du XXème siècle des fameuses grottes qui portent son nom. Un tunnel de cinq cent mètres de long a été percé dans la roche dès cette époque pour installer des rails et un petit train afin de faciliter l’accès aux touristes. Après le trajet motorisé, nous découvrons à pied avec un guide une succession de très belles et grandes salles naturelles ornées de stalactites, stalagmites et autres formations géologiques.
La fraîcheur à l’intérieur de ces grottes contraste avec la forte chaleur de l’extérieur et nous redoutons par avance de devoir reprendre le même chemin à pied pour retrouver nos canoës. C’est alors que Guillaume a l’idée lumineuse de rejoindre les bords de la Dordogne situés à proximité et de nous laisser dériver par le courant jusqu’à nos embarcations laissées en aval sachant que nous avons pris nos sacs étanches.
Nous cherchons donc un accès le plus proche à la rivière et nous finissons par l’atteindre au pied d’une haute falaise au-dessus de laquelle se dresse le magnifique château de Belcastel et dont les murailles sont tout au bord du précipice. Nous nous jetons à l’eau, heureux de pouvoir nous rafraîchir et nous nous laissons emportés par le courant sur environ un kilomètre tout en admirant le paysage et en nous amusant comme des enfants. Nous explorons rapidement l’entrée d’une grotte découverte sur notre chemin aquatique et d’où sort un filet d’eau glacée.
Une fois de retour à nos canoës, nous reprenons notre descente avec pour objectif de trouver notre point de chute pour le bivouac de la nuit. Nous finissons par jeter notre dévolu sur une large plage de galets bordée par de nombreux arbres à proximité de la ville de Souillac. Nous plantons notre tente sur une zone plus ou moins herbeuse et plate entre des arbres et nous préparons le barbecue du soir.
Sur les conseils de Guillaume, nous faisons chauffer des galets à l’aide d’un feu de bois puis, lorsqu’ils sont bien chauds, nous déposons directement les saucisses dessus : c’est un franc succès ! Finalement, il n’est pas nécessaire d’emporter beaucoup de matériel, la nature y pourvoit.
Après quelques parties de Tarot, nous regagnons la tente à la tombée de la nuit. Je prends cette fois la précaution de vérifier la valve de fermeture de mon matelas, ce qui me garantira une bien meilleure nuit.
Jour 3, dimanche 19 juin 2022
Rédaction : Hugues
De Souillac jusqu’à proximité de Veyrignac
Distance : 20 kms
Durée : 4h
La nuit a été perturbée par un voisin de la rive opposée qui mettait de la musique à tue-tête et en boucle (la bande son du film « Requiem for a Dream » a eu du succès) avec en accompagnements les aboiements de son chien et les croassements des grenouilles. Si vous ajoutez à cela, pour Guillaume et Louis, un solo nasal de votre humble serviteur quand je parvenais à m’endormir, c’est vous dire si la nuit a été pénible même si, heureusement pour Louis, son matelas ne s’est pas dégonflé cette fois…
Donc nous nous réveillons péniblement ce matin toujours vers 8h30 en nous promettant de trouver un meilleur spot pour la nuit, plus au calme. Nous sommes prêts à décamper vers 9h30 comme la veille, on commence à être rodés et nous profitons d’être à proximité de la petite ville de Souillac pour y faire nos courses. C’est une jolie commune avec un riche et beau patrimoine, notamment l’église abbatiale Sainte-Marie qui a des allures byzantines avec ses coupoles multiples.
Il y a une bonne trentaine de minutes de marche depuis notre embarcadère jusqu’à la supérette ouverte en ce dimanche que nous avons repéré sur Google. Cela nous permet de découvrir le centre-ville de Souillac mais le retour à pied avec les vivres et la chaleur nous semble un peu long. Faisant honneur aux produits locaux, ce soir nous avons prévu des aiguillettes de canard avec des haricots … à la graisse de canard ! Egalement une bonne et grosse pastèque ainsi que des tomates pour nous rafraichir, c’est l’avantage du canoë de pouvoir transporter tout cela sans trop de peine, pas sûr que l’on aurait choisi les mêmes produits pour un voyage à pied ou à vélo…
Les températures restent très élevées et nous ne tardons pas à nous jeter à l’eau après avoir récupéré nos embarcations, nous nous contentons de les propulser en avant avec nos bras ou, quand le courant est assez fort, de nous y accrocher en nous laissant dériver. C’est une pratique du canoë peu orthodoxe mais efficace en temps de canicule.
Nous découvrons de nouveaux châteaux majestueux en surplomb de la rivière, juchés sur de hautes falaises de calcaire. Nous croisons aussi régulièrement des hérons, des canards et des cygnes flottant sur l’eau comme nous et nous pouvons également apercevoir des poissons dans les eaux claires et limpides de la Dordogne. Il y a également de nombreuses pompes à eau installées dans la rivière pour irriguer les champs autour, notamment du maïs.
Nous nous arrêtons pour déjeuner tardivement après avoir bien cuits au soleil sur nos embarcations donc la pause à l’ombre s’impose puis une bonne baignade rafraichissante. Ensuite, nous prenons un café dans un restaurant recommandé par Gérald au village de Rouffillac. Un monument commémoratif nous y apprend que des civils furent massacrés dans ce village le 8 juin 1944 par un bataillon de la division SS Das Reich en représailles d’escarmouches avec des résistants tandis qu’ils cherchaient à remonter vers la Normandie pour repousser le débarquement Alliés. Le lendemain, c’est cette même division SS qui fera pendre à Tulles 99 otages et qui organisera le jour suivant le massacre de centaines d’innocents à Oradour-sur-Glane. Tous ces évènements abominables nous semblent désormais bien loin et comme irréels en ces beaux jours de juin dans ce cadre naturel magnifique mais nous tâcherons de les garder en mémoire ainsi leurs causes pour essayer d’éviter qu’ils se reproduisent.
Nous prenons ensuite un peu de hauteur sur les conseils de la serveuse du restaurant en suivant un chemin serpentant dans une forêt pour arriver au sommet d’une colline d’où nous pouvons apprécier un beau point de vue sur la Dordogne et le château de Rouffillac.
Puis, nous reprenons les pagaies en décidant de prendre de l’avance sur notre programme initial afin d’avoir le temps de visiter le lendemain le château de Castelnaud-la-Chapelle qui sera notre étape finale. Cette fois-ci, nous voulons trouver le spot idéal avec un beau point de vue et au calme, c’est-à-dire à l’écart des habitations et de la route.
Pour cela, nous allons être aidé par un gars du coin que nous rencontrons alors qu’il pêche debout sur son Paddle. Celui-ci nous conseille une petite île souvent plébiscitée pour les bivouacs et nous suivons ses indications pour la rejoindre. L’endroit est en effet très agréable avec une large zone herbeuse plate et bien défrichée tout en étant protégée du soleil par de multiples arbres feuillus. La vue est bien dégagée sur la Dordogne qui est très large à cet endroit et il y a de hautes falaises creusées en profondeur à leur base qui sont complètement recouvertes par une végétation verdoyante, on pourrait se croire sur un autre continent comme en Asie du sud-est. Le reste de notre îlot est occupé par une forêt dense et la plage tout autour est constituée de vase dans laquelle nos pieds s’enfoncent en profondeur sur une bonne dizaine de centimètres mais sans nous empêcher d’avancer.
Nous installons donc notre campement, satisfaits de passer notre dernière soirée dans ce lieu si agréable puis nous effectuons notre habituelle baignade de décrassage de fin de journée. De l’autre côté de la rivière, une bande de jeunes chantent et jouent joyeusement de la guitare.
Nous entamons ensuite des parties de Tarot, confortablement assis en tailleur sur une couverture étendue dans notre zone de bivouac à l’abri du soleil et avec une vue imprenable sur la Dordogne. A tour de rôle, nous « prenons » le pari de remporter la partie seul contre les deux autres joueurs en espérant que le chien soit bon et il y a quelques bonnes et mauvaises surprises…
Il est désormais temps de commencer l’apéro par une bonne bière rafraîchit dans les eaux de la Dordogne avant de continuer par le cubi de rosé acheté la veille sur les conseils d’un amateur local et nous lançons un grand feu de bois pour chauffer les galets qui serviront ensuite à cuire les aiguillettes de canard, technique éprouvée le jour d’avant et qui fait encore ses preuves.
Les résultats des législatives tombent en début de soirée, la déroute d’En Marche, le demi succès de la Nupes mais aussi l’inquiétante montée du RN. En écho à ces évènements politiques, le ciel s’assombrit avec d’épais nuages gris menaçants puis nous entendons au loin des coups de tonnerre qui deviennent de plus en plus bruyants et nous apercevons des éclairs foudroyant le sol avec éclat et s’approchant dangereusement de notre îlot.
Cette fois-ci, nous avons mis le double toit de tente en prévision de la pluie attendue dans la nuit et nous nous réfugions dans notre abri vers 22h dès que celle-ci arrive. Un vent violent se lève et secoue sans ménagement notre tente quand soudain, nous distinguons à travers la toile des sortes de lucioles rouges s’approchant de notre tente à notre grand étonnement mais nous comprenons rapidement qu’il s’agit en réalité de cendres brûlantes provenant de notre feu qui a été rallumé par le souffle du vent et qui menacent de percer notre tente ! Nous nous précipitons donc au dehors en pleine tempête pour éteindre le feu définitivement et étouffer les cendres disséminées aux alentours afin d’éviter que le feu ne se propage, heureusement que nous ne dormions pas encore !
Finalement, il n’y a pas trop de dégâts, cela a été plus de peur que de mal et, désormais, notre refuge de toiles subit vaillamment les assauts du vent. Nous nous protégeons la tête de nos bras au cas où une branche d’arbre nous tomberait dessus en bons gaulois que nous sommes, redoutant que le ciel ne nous tombe sur la tête. Pour nous divertir pendant cette nuit agitée, nous écoutons un podcast de Etienne Klein sur le temps avec sa voix apaisée et son érudition hors norme qui le laisse aller à de nombreuses digressions amusantes.
L’orage finit par enfin s’en aller et notre tente nous a bien protégé, nous n’avons pas reçu une goutte de pluie ni une branche sur la tête, nous pouvons désormais dormir en paix.
Jour 4, lundi 20 juin 2022
Rédaction : Hugues
De Veyrignac à Castelnaud-la-Chapelle
Distance : 19 kms
Durée : 3h
Pour ce dernier jour, il était prévu que ce soit Guillaume qui en fasse la rédaction mais, comme je l’ai dit en préambule, nos journées passées ensemble étaient bien remplis du lever du jour à la tombée de la nuit donc Louis et moi-même avons simplement pris des notes à la hâte dans le train du retour et nous n’avons pas eu le temps d’écrire sur cette journée. Ainsi, je vais tenter de faire appel à ma mémoire en m’aidant des photos que nous avons prises.
Après cette nuit agitée, je ne me souviens pas que mes compagnons m’aient fait grief de quelques ronflements intempestifs mais peut-être qu’ils étaient tout simplement trop fatigués. Bref, nous prenons notre petit-déjeuner et nous levons le camp en quittant avec un petit pincement au cœur notre îlot si sympathique mais la fin de notre parcours nous réserve encore de belles surprises.
Il y a encore des nuages dans le ciel et les températures se sont adoucies après l’orage de la nuit. A cette heure matinale, nous ne croisons quasiment personne mais il y a davantage de campings et d’agences de locations de canoës dans les environs donc nous ne tarderons pas à voir plus tard des nuées d’embarcations groupées portant les couleurs de leur agence en guise d’étendards, les gilets de sauvetage ont remplacé les uniformes et les livrées, les pagaies sont nos lances, il ne reste plus qu’à organiser des joutes.
Nous longeons encore de belles et hautes falaises et le patrimoine architectural est également riche sur cette section de la Dordogne avec notamment le majestueux château de Montfort qui, comme la plupart de ses homologues périgordins à proximité de la rivière, a été construit en bord de falaise. C’est très impressionnant de l’admirer depuis nos embarcations et nous prenons notre temps en nous laissant tranquillement transportés par le faible courant. La fondation de ce château situé à proximité de la ville de Sarlat date du dixième siècle et a été l’objet de multiples conflits et convoitises pour le prendre de force ou de manière plus subtile au cours de la guerre de Cent Ans et des nombreuses guerres de religions jusqu’à la fin de la Renaissance, pendant toute cette période il fut détruit et reconstruit cinq fois !
Nous passons également devant l’impressionnant village de La Roque-Gageac, coincé entre la Dordogne et une immense barrière naturelle de falaises dans lesquelles a été creusé un fort troglodytique. A présent, il y a davantage de touristes et nous choisissons de ne pas nous attarder pour privilégier la visite du fort de Castelnaud-la-Chapelle qui est tout proche et qui constitue la fin de notre parcours.
En arrivant en contrebas de Castelnaud-la-Chapelle, nous déposons sur la berge nos canoës et nous montons à pied dans le haut du village pour déjeuner dans un bon restaurant à proximité du château. Après un bon confit de canard accompagné de pommes de terre sarladaises et d’une bonne bière locale, nous visitons le fort qui domine la région du haut de sa colline et offre un beau panorama sur la vallée de la Dordogne. Il contient une importante collection d’armures et d’armes, notamment d’imposantes machines de siège comme des trébuchets. Ce château a été construit au début du treizième siècle et, comme le château de Montfort et d’autres de la région, il a été le lieu de nombreux conflits passant d’un camp à un autre pendant la croisade contre les Cathares, la guerre de Cent Ans et les guerres entre catholiques et protestants, ce fort ayant appartenu à des familles se rangeant du côté des cathares, du suzerain anglais puis des protestants.
Il nous faudrait encore beaucoup de temps pour découvrir tous les trésors de cette magnifique région mais il est désormais temps de clore cette aventure collective. La société de location de canoës vient nous récupérer au lieu et à l’heure prévus en remorquant nos embarcations et en nous ramenant en mini van dans une organisation bien huilée au service impeccable.
Le ciel s’est éclaircit de nouveau et les températures remontent mais la canicule est partie pour de bon. Guillaume nous dépose à la gare de Brives et il est temps de nous quitter dans la bonne humeur, la peau du visage légèrement rougie par le soleil mais affichant un sourire radieux et des yeux brillants de nos bons souvenirs le long de cette Dordogne magnifique.
Nous y reviendrons pour sûr !