« Quel quantième du mois tenons-nous ? demanda Dantès à Jacopo, […], en perdant de vue le château d’If.

  • Le 28 février, répondit celui-ci
  • De quelle année ? demanda encore Dantès.
  • Comment, de quelle année ! Vous demandez de quelle année ?
  • […]
  • De l’année 1829 » dit Jacopo

Il y avait quatorze ans, jour pour jour, que Dantès avait été arrêté. Il était entré à dix-neuf ans au château d’If, il en sortait à trente-trois ans.

Un douloureux sourire passa sur ses lèvres ; il se demanda ce qu’était devenue Mercédès pendant ce temps où elle avait dû le croire mort.

Puis un éclair de haine s’alluma dans ses yeux en songeant à ces trois hommes auxquels il devait une si longue et cruelle captivité. Et il renouvela contre Danglars, Fernand et Villefort ce serment d’implacable vengeance qu’il avait déjà prononcé dans sa prison. 

Le bonheur volé

L’histoire du Comte de Monte Cristo commence par le retour triomphal dans sa ville natale de Marseille du jeune et fringant officier de marine marchande Edmond Dantès après un long voyage en mer.  Alors qu’il s’apprête à se marier avec son amour de jeunesse, la belle Mercédès, sous les yeux de son père attendri et de son patron armateur qui vient de le promouvoir capitaine pour ses bons et loyaux services, il se voit soudainement accusé de complot contre la sûreté de l’Etat et emmené par des hommes en armes. L’accusation repose sur une simple lettre anonyme rédigée par des adversaires qui lui sont proches mais secrètement jaloux de ses succès, Danglars et Fernand.

Cette grotesque forfaiture aurait pu s’arrêter là mais le climat politique en France est sous tension alors que le nouveau roi Louis XVIII commence tout juste son règne après deux décennies de Révolution puis d’Empire et tandis que Napoléon n’est éloigné que de quelques jours de bateaux depuis l’île d’Elbe. C’est sur cette île qu’a fait discrètement escale Edmond à son retour de voyage sur les ordres de son ancien capitaine mourant afin qu’on lui confie un courrier secret à transmettre.

Lors de son jugement, Edmond a la malchance d’être confronté à un jeune procureur de justice ambitieux, Villefort, qui découvre en lisant ce courrier qu’il risque d’être discrédité si celui-ci est rendu publique car il met en cause son père bonapartiste. Ainsi, Villefort décide d’accuser Emond de haute trahison pour le réduire au silence dans un sombre cachot en évitant un procès tout en feignant à Dantès d’œuvrer pour son bien. Villefort manigancera tant et si bien qu’il parviendra à maintenir dans le plus grand secret la captivité d’Edmond malgré les recherches désespérées de ses proches et il sera même promu par le régime pour ses services rendus à la couronne.

A partir de son arrestation, Edmond Dantès va passer par tous les sentiments traduisant la dégradation progressive de son état moral et physique. Tout d’abord, son incompréhension est totale mais il garde espoir que cette histoire invraisemblable soit finalement résolue avec le soutien de ses proches et du procureur Villefort dont il ne doute absolument pas, à ce moment, de son impartialité.

Cependant, lorsqu’Edmond est emprisonné à sa grande surprise dans le château d’If alors qu’il aurait eu auparavant les moyens de s’enfuir s’il avait su sa destination, il est aussitôt plongé dans un univers cloitré effroyable où règnent le silence et l’obscurité et où le temps s’écoule inlassablement dans l’indifférence totale de ses geôliers pour ses souffrances. Edmond est alors complètement coupé du monde et il ne lui reste plus qu’à compter les jours puis les semaines qui s’additionnent progressivement en mois en tournant en rond dans sa sombre et minuscule cellule.

Après quasiment un an de détention, il reçoit enfin la visite d’un contrôleur des prisons qui lui promet de se renseigner sur les motifs de son emprisonnement. Edmond attend ainsi son retour avec espoir en comptant à nouveau les jours, puis les semaines qui deviennent encore des mois et même des années, il ne sait plus, tous ses repères se brouillent et sa raison vacille.

Dantès ne comprend pas pourquoi il est maintenu en détention dans d’effroyables conditions et sans aucune explication. Il commence même à douter de la réalité des évènements, cela le rend fou. Il demande à changer de cellule, qu’on lui apporte des livres ou qu’il soit en compagnie d’autres prisonniers mais tout cela lui est refusé froidement. Il se met alors à hurler de colère contre Dieu et les hommes qui l’ont abandonné, il crie toute sa rage sans avoir un objet ou une personne pour l’exercer dessus si ce n’est par la pensée puis, épuisé, le désespoir le submerge.

Au comble du désespoir, Edmond décide de mettre un terme à ces souffrances en se laissant mourir de faim, ce qui l’amène à un nouveau supplice où il devient son propre bourreau pour résister à l’envie de plus en plus tenace de dévorer son repas qui lui paraissait auparavant infecte.

La rencontre de l’espoir

Puis, soudain, alors que ses forces le quittent peu à peu, Edmond entend un bruit de grattement dans un mur de sa cellule après quasiment six ans d’extrême solitude. Ce son inhabituel dans son terrible isolement attise sa curiosité et développe son imagination : d’où ce bruit peut-il bien venir ? Serait-ce dû à des travaux de rénovation ou bien, peut-être, se pourrait-il que ce soit un autre détenu qui tente de percer le mur ?

Cet élément perturbateur lui redonne de l’espoir et la force de vivre, d’agir, même si les progrès de ses actions sont minuscules, Edmond a désormais un but. Il se met alors à gratter minutieusement le mur en direction du bruit tout en restant le plus discret possible. Dantès imagine des moyens de creuser avec le peu d’objets rudimentaires à sa disposition, il devient ingénieux pour tromper son gardien et nous suivons ses maigres avancées avec envie tout en craignant qu’il ne soit découvert, on serait prêt à l’aider à creuser si on pouvait après toutes les épreuves qu’il a vécues.

Edmond écoute avec attention les bruits pour vérifier qu’il s’agit bien d’une autre personne et que ce n’est pas le fruit de sa folie. Cette fois-ci, il ne divague pas et ces sons se produisent discrètement à des heures reculées où le gardien est absent, ce qui confirme l’hypothèse qu’un détenu en soit à l’origine.

Enfin, une pierre du mur se détache et Edmond aperçoit la figure de l’abbé Faria, vieux prisonnier érudit et habile de ses mains qui a creusé pendant des années un tunnel en pensant accéder à l’extérieur de l’enceinte mais une erreur d’orientation l’a fait arriver dans la cellule de Dantès, premier heureux coup du sort pour celui-ci.

A cet instant, Dantès est au comble de la joie d’avoir enfin une personne à qui parler et se confier, il n’est désormais plus seul et sa détention lui semble à présent moins lourde à supporter. Les interactions sociales sont en effet un besoin vital pour l’être humain au même titre que l’eau et la nourriture.

Dantès prend également conscience qu’il n’avait même pas songé à la possibilité de l’évasion tellement les obstacles lui semblaient insurmontables, l’exemple de Faria lui permet d’imaginer de plus grands desseins et de reprendre espoir dans l’avenir.

La découverte de la cruelle réalité

L’abbé Faria va également permettre à Edmond de percer le mystère de sa brutale incarcération qui lui était jusqu’alors demeurée incompréhensible dans toute la naïveté et l’innocence de sa jeunesse. Faria écoute attentivement le récit d’Edmond puis lui pose des questions précises et sans détours tel un enquêteur avisé des rouages de la société humaine.

En peu de temps, l’abbé met en lumière de manière raisonnée et implacable la cruelle réalité devant les yeux ébahis du pauvre Dantès qui découvre avec stupeur la vérité que son esprit honnête et idéaliste n’aurait jamais pu imaginer. Cette partie du récit est particulièrement poignante car c’est la prise de conscience du héros trahi avec qui on compatit forcément après avoir suivi ses terribles souffrances et infortunes. Il découvre un à un les lâches coupables de son injustice, c’est tel un coup de tonnerre dans son esprit naïf et idéaliste qui lui fait apercevoir la cruauté dont peuvent faire preuve certains êtres humains cachés derrière des masques d’hypocrites bienveillants.

Après cette fulgurante révélation, Dantès change radicalement, son esprit s’assombri mais s’affermi, son désespoir qui le maintenait dans un immobilisme stérile fait désormais place à une rage tenace de s’en sortir coûte que coûte pour se venger de ses injustes persécuteurs, son idéalisme rayonnant déçu se transforme en un froid réalisme penchant vers le cynisme.

Edmond voue alors une quasi dévotion à Faria qui lui a ouvert les yeux et lui a redonné l’espoir de s’évader, il souhaite tout apprendre de son nouveau maître qui sait parler de nombreuses langues et possède de grandes connaissances en sciences et en philosophie. Dantès accepte même de mettre en suspens ses projets d’évasion car ils semblent désormais trop périlleux aux yeux de Faria qui se refuse d’attenter à la vie d’un homme, même d’un geôlier. Edmond s’évadera donc pour le moment par l’esprit en repoussant toujours plus loin les limites de ses connaissances avec l’aide de Faria.

La délivrance

Toutefois, après encore plusieurs années de captivité, Faria finit par céder de nouveau à la tentation de s’enfuir et le duo de prisonniers creuse alors une nouvelle galerie pendant un an… Oui, encore une année entière qui s’écoule après déjà plus de douze ans de captivité pour Dantès !

Cependant, alors qu’ils approchent enfin de l’extérieur des fortifications, Faria subit une crise qui lui paralyse certains membres. Dantès refuse de l’abandonner et lui jure de rester à ses côtés jusqu’à sa mort, toujours plein de ses hauts principes de l’honneur et de la fidélité. Il a désormais acquis toute la confiance et la reconnaissance de son maitre Faria qui décide ainsi de lui confier son plus grand secret : l’existence d’un immense trésor sur l’île de Monte Cristo.

La mort du maitre donne alors une unique opportunité à son disciple de recouvrer la liberté et Dantès tente le tout pour le tout, il n’a plus rien à perdre. On suit ses péripéties avec angoisse et excitation, tremblant que tous ses efforts soient à nouveau réduits à néant mais jubilant à chaque obstacle qu’il parvient à franchir. On souhaiterait l’aider de toutes nos forces lorsqu’il est jeté du haut d’une falaise puis qu’il se débat dans des flots glacés au fond d’un sac avec les pieds lestés d’un boulet, rien ne lui aura été épargné mais Edmond se bat vaillamment et il parvient à sortir la tête hors de l’eau.

La liberté, enfin !

C’est comme une seconde naissance, Dantès revient au monde et il a désormais une revanche à prendre sur la vie, une terrible vengeance à accomplir sur ses vils dénonciateurs à la hauteur des souffrances qu’il a endurées pendant quatorze années de captivité !

Dantès est ivre de rage mais il doit d’abord réussir à se sauver définitivement pour échapper à ses geôliers qui découvriront rapidement son évasion puis il doit trouver un moyen de se rendre sur l’île de Monte Cristo pour vérifier si le trésor de Faria existe réellement car ces immenses ressources lui permettraient de rattraper le temps et d’avoir les moyens d’accomplir sa terrible vengeance.

Lien vers la deuxième partie : rattraper le temps perdu

Lien vers le sommaire

Abonnez-vous !

Promis, il n'y aura pas de spams!

Enregistrez-vous pour savoir quand de nouveaux articles sont publiés

Hugues B.