470 kilomètres parcourus à vélo du 15 au 20 septembre 2013

Introduction

De retour d’un grand voyage par la route à travers l’Eurasie entre 2022 et 2023, j’ai relu par curiosité les notes prises sur mon carnet pendant mon voyage itinérant à vélo de Paris jusqu’à Londres en septembre 2013. J’avais fait auparavant quelques traversées à pied ou à vélo de trois ou quatre jours maximums dans les Alpes françaises mais c’était la première fois que je me lançais dans une aussi grande distance à parcourir seul et à vélo. Ce fut en quelques sorte mon voyage initiatique qui me donna envie d’en faire d’autres par la suite, seul, avec un ami ou de la famille, pour découvrir notre beau pays par différents moyens de déplacements (à pied, en vélo, à moto…). Dix ans après, cela m’a paru le bon moment de publier mes notes prises pendant le voyage avec quelques ajouts et modification.

Bonne lecture!

Itinéraire

Itinéraires de l’Avenue Verte (j’ai pris celui passant par l’est)

Genèse de ce voyage

A l’occasion des Jeux Olympiques de Londres en 2012, j’avais entendu parler de l’inauguration par le maire de Paris de l’époque, Bertrand Delanoë, d’un itinéraire à vélo permettant de relier Paris à Londres dénommé l’« Avenue Verte London – Paris ». Cela m’avait donné envie car c’était à la fois un objectif ambitieux et motivant de partir de Paris à vélo pour rejoindre Londres en traversant la Manche en bateau. De plus, cet objectif paraissait atteignable en une bonne semaine sans avoir besoin de trop de préparatifs. Donc, lors d’un week-end chez mes parents à Agen vers la fin août 2013, je leur fis part de ce projet car j’avais besoin de me changer les idées et ils m’y encouragèrent, mon père m’aidant à emballer mon vélo que j’avais laissé chez eux afin de le ramener à Paris dans mon train du retour. Ensuite, il ne me restait plus qu’à acheter du matériel (porte bagage, sacoches) ou m’en faire prêter (tente et duvet légers) et je fixais la date de mon départ au dimanche 15 septembre 2013 afin de bénéficier de journées relativement longues et, je l’espérais, d’une météo clémente.

Pour lire la suite, vous pouvez cliquer sur un jour de la liste ci-dessous ou tout simplement continuer la lecture vers le bas

  • Jour 1 : de Paris jusqu’à Auvers sur Oise, 75 kms
  • Jour 2 : de Auvers sur Oise jusqu’à Bresles, 103 kms
  • Jour 3 : de Bresles jusqu’à Forges les Eaux, 80 kms
  • Jour 4 : de Forges-les-Eaux jusqu’à Dieppe, 50 kms
  • Jour 5 : de Seaford jusqu’à Danegate, 60 kms
  • Jour 6 : de Danegate jusqu’à Londres, 103km,

Jour 1, le 15 septembre 2013

De Paris jusqu’à Auvers sur Oise (75 kms)

Je quitte mon logement parisien proche de la Gare de l’Est aux alentours de 9h30 sous le soleil, c’est de bon augure. Le porte bagage fixé à l’arrière sur la tige de ma selle de VTT me pose régulièrement des soucis car il n’est pas adapté pour mes larges sacoches qui pendent en l’air et frottent souvent sur mon pneu arrière, ce qui a pour effet de me ralentir. Je m’arrête donc souvent pour relever ma selle au maximum afin d’éviter les frottements mais, la contrepartie est que je touche à peine les pédales avec la pointe de mes pieds, tout mon poids repose sur la selle avec les douleurs que vous imaginez au niveau du fessier et je ne peux pas relever ma potence de guidon donc je dois tordre mon dos pour tenir mon guidon, parfois en le tenant du bout des doigts. Ainsi, je me déplace dans une posture pas très ergonomique et, de plus, je porte un petit sac sur mon dos avec mon duvet attaché par-dessus, n’ayant pas réussi à tout installer sur mon porte bagage. Clairement, c’est à éviter pour soulager le dos et moins transpirer même si ce sera plutôt le froid qui me gênera pendant ce voyage. Peut-être j’aurais pu prendre moins d’affaires mais c’était la première fois que je faisais ce type de voyage et j’avais du mal à évaluer ce qui était réellement nécessaire.

Je longe le canal Saint Martin suivi par celui de l’Ourcq et je prends la bifurcation du canal qui passe à côté du stade de France puis je traverse Aubervilliers et Saint-Denis avant de rejoindre la Seine. Ce ne sont pas des décors très réjouissants avec les saletés et la foule mais, à partir de Gennevilliers, c’est plus agréable avec le beau parc des Chanteraines. Néanmoins, je prends un peu de retard sur mon planning en me perdant quelques fois ou en m’arrêtant pour réajuster mon matériel.

Le trajet le long de la Seine est très sympathique avec de longues et larges pistes cyclables parfois envahies par des hordes de joggers. Ah, c’est dur le vélo ! J’ai déjà mal aux fesses et au dos mais je tiens bon en faisant des pauses rapides mais régulières puis je m’arrête plus longtemps pour un pique-nique en face du château et du parc de Saint-Germain-en-Laye, la vue est plaisante.

Le parcours à vélo de Paris à Londres est souvent indiqué par de petits panneaux avec un logo en forme de boussole et les noms des deux capitales et j’ai aussi un cahier « roadbook » avec l’itinéraire détaillé sur plusieurs cartes, pratique pour se repérer à cette époque où je n’avais pas encore de smartphone digne de ce nom.

Je découvre de jolies maisons et de belles péniches au croisement entre la Seine et l’Oise puis j’atteins la base de loisir de Cergy où je fais une trempette rafraichissante dans le lac. Ensuite, je rejoins vers 17h30 le camping municipal très modeste de la ville de Auvers sur Oise où s’installèrent pendant un temps de nombreux peintres impressionnistes dont l’illustre Van Gogh qui y trouva la mort de façon tragique. Je discute un peu avec un couple d’anglais au camping puis je fais une petite balade à pied et je vais me coucher dans ma tente.

Jour 2, le 16/09/2013

De Auvers sur Oise jusqu’à Bresles (103 kms)

Je me réveille vers 7h30 et je lève le camp une heure plus tard après avoir pris mon petit déjeuner. La nuit a été animée par la pluie et j’ai eu un peu froid avec mon duvet léger, c’est le dilemme entre le poids à porter et le confort que cela apporte. Heureusement, le soleil est là pour me réchauffer et le sentier que j’emprunte en longeant l’Oise est très beau. Cependant, mon fessier est toujours en délicatesse mais j’avance en me disant que le temps ensoleillé risque de ne pas durer.

Je rejoins Chantilly et ses superbes villas dans de chics zones pavillonnaires quadrillées à l’américaine puis je contourne l’immense hippodrome en passant à côté de grands haras. J’aperçois le magnifique château de Chantilly mais je ne m’attarde pas trop car le ciel s’assombrit et je reçois du ciel les premières gouttes de mon parcours. Cela va être l’occasion de tester la fiabilité de mon matériel et la force de mon mental, finalement ça passe même si j’ai un peu froid.

En arrivant à Senlis, je m’offre une bonne pause pique-nique en avalant un gros sandwich réclamé par mes muscles et mon estomac puis, je reprends la route et je passe à travers une grande et belle forêt où je suis quasiment tout seul comme pour la grande partie de mon itinéraire de la journée. J’enchaîne des petites montées suivies par des descentes, il commence à y avoir du relief. En sortant d’une forêt sur les hauteurs d’une colline, la route se met à descendre quand, soudain, une belle vue bien dégagée sur la vallée s’offre à mon regard et je ne peux réprimer un cri de joie et de satisfaction pour cette belle surprise.

Cependant, je commence à fatiguer, il y a parfois de grandes zones de plat mais avec du vent de face donc je n’avance pas très vite. En plus de cela, la pluie alterne avec le soleil et le dénivelé grimpe de temps en temps. Malgré tout, j’avance étape par étape en consultant la carte du roadbook pour me fixer de petits objectifs atteignables, cela m’aide à garder le moral.

Je mange beaucoup de barres énergisantes, il me faut du sucre ! Et je me promets qu’à l’arrivée au camping de Bresles je mangerai un plat chaud, ce sera chose faite avec deux bonnes grosses merguez sur une grande barquette de frites arrosées de ketchup – mayo. C’est mon estomac qui commande.

Le propriétaire du camping est sympathique et nous entamons une discussion, ça se sent qu’il apprécie son métier et sa petite entreprise. Par contre, il m’avait promis de l’eau chaude grâce à des panneaux solaires installés sur les toits des sanitaires mais ce n’est pas le cas. Grrr…

Jour 3, le 17/09/2013

De Bresles jusqu’à Forges les Eaux (80 kms)

Dure, dure, cette journée !!!

Cela a mal commencé dès la nuit tombée car je grelottais sous ma tente dans mon maigre duvet prévu pour les chaleurs d’été même après avoir enfilé tous mes vêtements. Je suis donc allé me réfugier au chaud…dans les sanitaires du camping !

Levé aux aurores, je discute avec mon voisin qui se trouve travailler au Décathlon de Beauvais. Cela me donne l’idée d’y aller pour acheter une couverture pour mieux dormir. Après m’être rendu compte que je m’étais trompé d’itinéraire en partant, je reprends la bonne route mais, mon genou droit commence à me faire très mal. Je dois lutter contre la douleur pour pédaler et je fais de nombreuses pauses pour soulager mon genou. J’arrive tant bien que mal au Décathlon où j’achète une couverture. Ensuite, je pars visiter la grande et belle cathédrale de Beauvais puis je fais des courses et c’est reparti.

Cathédrale de Beauvais

Malheureusement, mon genou continue de me faire grimacer dès que je pédale, je commence à me demander si j’arriverai jusqu’à Londres, voir même jusqu’à la destination prévue pour ce soir… Dans les montées, je finis par pousser le vélo à pied tandis que sur le plat et en descente je pédale doucement en essayant de solliciter uniquement ma jambe gauche mais, forcément, j’avance très lentement.

Toutefois, les paysages au bord du chemin me permettent de me changer les idées, je découvre de belles et grandes fermes en pierre et des champs verdoyants où broutent vaches et chevaux. L’itinéraire permet d’éviter les axes routiers très fréquentés et c’est agréable de ne pas être gêné par les voitures ou les poids lourds mais je ne croise pas non plus de piétons ou de cyclistes et cela devient un peu pesant à la longue. Parfois j’ai l’impression de traverser des villages fantômes. Finalement, il y a de la place en France !

Je fais une pause pique-nique puis je m’octroie une sieste bien méritée. Il fait déjà froid en journée et cela ne va pas s’arranger. En repartant, mon genou va un peu mieux et j’essaye de ne pas trop forcer. La pluie se manifeste par intermittence mais je continue mon chemin désormais sur un bon rythme et je reprends espoir d’atteindre mes objectifs. Par contre, à partir du milieu d’après-midi, la pluie se met à tomber sans interruptions, cela devient usant pour le moral et glaçant pour le corps. Le mental joue pour beaucoup dans mes efforts physiques, surtout pendant les montées. Parfois, il m’arrive de m’énerver contre mon vélo quand mes sacoches freinent ma roue arrière, je lui hurle presque dessus alors que le pauvre n’y est pour rien. J’ai l’impression par moments que mes freins à tambour sont mal réglés et qu’ils frottent aussi sur la roue mais non, c’est dans ma tête, il faut penser à autre chose.

Sur la route, je rencontre enfin d’autres voyageurs : deux couples d’anglais, la cinquantaine, qui font Londres – Paris à vélo donc dans l’autre sens que moi, je me sens moins seul. Malheureusement, comme il pleut beaucoup, nous ne discutons pas longtemps et chacun part en sens opposé en s’encourageant.

Je m’autorise quelques bifurcations dans l’itinéraire afin de raccourcir le trajet et soulager mon genou, mes fesses et mon dos sachant que la pluie ne faiblit pas. Les abribus me sont également un précieux abris pour m’assoir tout en avalant une barre de fruits.

Enfin, j’arrive à la ville de Forges-les-Eaux qui porte bien son nom ! Après quelques hésitations entre l’hôtel ou le camping, je résiste à l’appel d’un bon lit douillet et de la certitude d’une douche chaude en me dirigeant vers le camping pour rester dans le thème de ce voyage que je m’étais fixé. Et j’ai l’agréable surprise que le propriétaire me propose de m’héberger dans une salle pour m’abriter de la pluie qui ne s’est toujours pas arrêtée. En plus, la salle est chauffée, j’en profite donc pour étendre tout mon linge humide et, cerise sur le gâteau, la douche est très très chaude, j’y reste longtemps ! Loué soit le propriétaire du camping qui m’a si bien accueilli !

En me couchant vers 21h, il pleut toujours, j’espère que ça ira mieux demain…

Je me réfugie pour la nuit dans une salle mise à ma disposition par le propriétaire du camping de Forges-les-Eaux

Jour 4, le 18/09/2013

De Forges-les-Eaux jusqu’à Dieppe (50 kms)

Après une nuit plutôt agréable, au chaud dans la salle du camping mais gêné par le bruit du vent et de la pluie qui n’ont pas cessé, je me lève pour remballer mes affaires. Malheureusement, certaines d’entre elles sont encore humides malgré le chauffage. Tant pis, je pars vers 9h après avoir réglé le camping (seulement 5€ la nuit).

Je fais l’ouverture du magasin Aldi avec une foule de personnes âgées attendant comme moi dehors et qui me regardent d’un air curieux et étonné, ils ne doivent pas voir souvent un jeune de mon âge faire ses courses à cette heure matinale et je ne passe pas inaperçu avec mon vélo à sacoches.

Je commence à pédaler sous une fine pluie mais cette journée devrait être plus facile car il y a moins de kilomètres à parcourir, mon objectif étant de rejoindre Dieppe qui se situe à une cinquantaine de kilomètres afin de prendre un ferry pour l’Angleterre. Une ancienne voie de fer a été réaménagée en piste cyclable sur une quarantaine de kilomètres et c’est très agréable de la parcourir au milieu des prairies où broutent de belles vaches normandes.

Je rencontre un cycliste anglais bien équipé qui va dans le sens inverse et dont l’objectif est de rejoindre la Grèce : bel objectif ! Puis, je me fais rejoindre par deux anglaises à vélo qui vont dans la même direction que moi. Elles ont la cinquantaine et tiennent leur buste bien droit tout en affichant un sourire cordiale vêtues d’imperméables fluos, « so british ». Nous engageons la discussion et elles m’expliquent qu’elles sont parties également de Paris mais elles ont suivi un autre itinéraire plus court que le mien en passant par Gisors à l’ouest et elles prévoient de terminer leur parcours une fois arrivées sur les côtes anglaises, après avoir pris le ferry de Dieppe. C’est la première fois que je croise des cyclistes qui suivent un trajet similaire au mien, c’est bien agréable de pouvoir échanger sur nos expériences et nous encourager. Nous nous présentons, Charlotte vit dans le sud de l’Angleterre et elle est professeure de yoga, Sue est physiothérapeute à Vancouver au Canada. Elles sont très sympathiques mais elles vont trop vite pour moi, leurs vélos VTC sont mieux adaptés avec de plus grandes roues que mon VTT, elles voyagent plus léger et mes douleurs persistantes au genou sont mes excuses pour me rassurer.

Néanmoins, nous nous retrouvons plusieurs fois sur la piste cyclables avec Sue et Charlotte lorsqu’elles font une pause et nous prenons un bon chocolat chaud dans une ancienne gare réaménagée en café au bord de la piste cyclable. Puis, nous faisons une pause pique-nique plus loin sur des tables en bois.

L’ancienne voie de chemin de fer passe devant le très joli château de Mesnières en Bray et j’en profite pour me faire prendre en photo devant avec mon vélo sans savoir que j’y retournerai trois ans plus tard pour participer à l’organisation des 30 ans de la belle association A Bras Ouverts (ABO) dans laquelle je commençais tout juste à m’impliquer à ce moment, le monde est petit !

Château de Mesnières-en-Bray

La fine pluie a fini par cesser et le ciel s’est éclaircit progressivement. Je ne me lasse pas des paysages champêtres avec des prairies verdoyantes où broutent paisiblement vaches et chevaux ainsi que des belles bâtisses normandes en pierre. Le soleil commence enfin à poindre le bout de son nez mais c’est à ce moment que la pente montante augmente légèrement, ce qui m’oblige à fournir un effort plus important. A vélo, on remarque tout de suite les changements de dénivelé ! Le ferry part à cinq heures de l’après-midi et j’ai un peu tardé sur le chemin donc je dois forcer l’allure, les derniers kilomètres sur la route me paraissent interminables…

Je ne peux pas apercevoir la mer au loin qui est cachée par la ville de Dieppe et les falaises autour, je ne la découvrirai qu’au dernier moment, en arrivant au bord de la plage et le spectacle n’en sera que plus saisissant : j’ai une grande explosion de joie à la vue de cette immense étendue d’eau tout en sentant l’air marin chargé de sel ! Le ciel est désormais dégagé et le soleil éclaire les galets de couleurs claires tout comme l’eau de la mer qui est calme et d’un vert pale tendant vers le marron au bord, en partie teintée par la craie des hautes falaises de chaque côté du port de la ville qui s’érodent progressivement.

Je suis tellement fier de moi, je suis parti avec mon vélo depuis Paris et me voilà au bord de la Manche après avoir parcouru quasiment trois cents kilomètres en quatre jours ! C’était ce type de défi que je voulais relever et d’émotion que je voulais ressentir. Malgré les difficultés et les souffrances, les routes qui nous semblent interminables, on finit par en arriver au bout et cela en vaut la peine.

Je retrouve Charlotte et Sue sur le ferry, le ciel est désormais dégagé et on peut apercevoir un beau coucher de soleil en s’éloignant des côtes. Nous dînons ensemble puis nous nous reposons.

En accostant de nuit à Newhaven en Angleterre, je ne sais toujours pas où je vais dormir. Charlotte et Sue ont réservé un hôtel mais je préfère continuer en mode camping. Nous sommes plusieurs cyclistes voyageurs sur le ferry et, au moment de partir, je demande à deux anglaises qui ont fait le trajet de Londres à Paris et qui rentrent chez elles si elles connaissent un endroit où je pourrais m’installer, elles m’indiquent la direction d’un camping qui est assez proche du port.

Allez, banco, je pars à la recherche de ce fameux camping en pleine nuit et je le trouve facilement après une quinzaine de minutes. Il est situé au bord de la mer, j’installe ma tente puis je pars sur la plage pour contempler la mer éclairée par la lune, c’est un beau spectacle avant de me coucher.

Jour 5, le 19/09/2013

De Seaford jusqu’à Danegate (60 km)

J’ai passé une nuit difficile car j’ai eu encore très froid malgré ma nouvelle couverture donc je me suis à nouveau réfugié dans les sanitaires.

Je me lève tôt pour avoir le temps d’admirer le paysage au bord de la mer tout en prenant mon petit-déjeuner puis je pars en ville retirer des « pounds », acheter à manger et du baume à lèvres car elles sont toutes gercées à cause de l’exposition au soleil, même à travers les nuages.

Ensuite, je me rends à un point de vue pour admirer les falaises de craie blanche dénommées les « Seven Sisters », c’est un site grandiose et magnifique, le plus beau paysage de mon parcours et je prends le temps de l’admirer en me baladant le long des côtes. Je me sens dans un nouveau pays, les vaches dans les prairies ont été remplacés par des moutons, les gens parlent une autre langue mais le ciel est toujours gris. Je reprends la route vers onze heures, revigoré par cette halte sympathique, finalement Albion n’est pas si perfide mais restons prudent quand-même…

Seven Sisters

Nous avions échangé par textos avec Charlotte et Sue qui m’avaient indiqué qu’elles feraient peut-être une journée supplémentaire à vélo en raison de la météo clémente mais sans que l’on se donne de détails sur nos itinéraires quand soudain, après quelques kilomètres, je les retrouve complètement par hasard sur la route et nous sommes très heureux de nous revoir de cette manière aussi inattendue !

Charlotte et Sue sont fatiguées car elles ont voulu rejoindre à vélo une gare mais le trajet s’est finalement révélé long et fatiguant. Nous décidons donc de nous arrêter dans un bon petit pub d’un village anglais pour reprendre des forces avec un déjeuner accompagné d’une bière, « of course ». J’aime beaucoup les pubs anglais, ils sont souvent très chaleureux et décorés avec soin et originalité, on se sent comme dans une maison. Malheureusement, Charlotte et Sue me disent que ce type d’établissement disparait petit à petit en raison du prix de l’alcool moins cher en supermarché et de l’interdiction de fumer dans les pubs, « so chocking » ! Espérons qu’il en restera toujours car le pub est pour moi un des symboles de l’Angleterre.

Nous repartons vers 13h et, assez rapidement, je suis distancé, mon allure étant trop lente pour mes nouvelles amies cyclistes et j’essaye toujours de ménager mon genou douloureux sachant qu’il y a beaucoup de montées et descentes sur cette étape donc nous nous disons au revoir avec Charlotte et Sue en nous souhaitant bonne chance pour la suite.

J’emprunte une grande piste cyclable d’une vingtaine de kilomètres, c’est très agréable de ne pas être au contact des voitures mais, à la longue, je vais me sentir seul encore une fois car je ne croise pas grand monde. Par ailleurs, la piste est légèrement pentue donc il faut toujours fournir un effort assez important et une fine pluie s’invite dans la partie donc mon mental est à nouveau soumis à rude épreuve. Je pensais que ce serait plus plat que ça ce Paris – Londres !

Ma première journée à vélo en Angleterre

J’avance tant bien que mal en faisant des pauses régulières pour reposer mon genou et mon fessier. En quittant la voie cyclable, je m’engage sur une piste boueuse avec des descentes assez raide qui sont dignes d’un parcours VTT : mes suspensions sont enfin être utiles ! Je me concentre en me levant sur mes pédales et en me penchant légèrement en arrière tout en tenant fortement mon guidon dans ce petit passage aventureux et ça passe, c’est plaisant ! Finalement le porte bagage tient bon, c’est de la bonne qualité.

Enfin, j’arrive au camping qui est dans une grande clairière au milieu d’une forêt avec un vaste parking en gravier et de la pelouse autour. L’accueil est fermé et il n’y a personne d’autres à part un gars qui s’est posé avec sa camionnette et sa tente, il m’explique qu’il est organisateur de courses de 4 x 4 amateurs et il voyage beaucoup avec son véhicule en Europe. Je suis un peu déçu car j’aurais bien aimé pouvoir discuter avec d’autres voyageurs le soir mais bon, c’est comme ça. Au moins les sanitaires sont ouverts et la douche est chaude ! Dans la clairière, à la tombée de la nuit, on aperçoit des biches.

Camping de Danegate

Jour 6, le 20/09/2013

De Danegate jusqu’à Londres ! (103km)

La nuit a été plutôt paisible même si j’ai dû une nouvelle fois dormir dans les sanitaires à cause du froid, je n’ai même pas essayé de coucher dans la tente…

Le ciel a l’air clément aujourd’hui et, normalement, il devrait y avoir moins de dénivelé, espérons ! Le début commence bien même si je me trompe de chemin et dois faire demi-tour, je rejoins rapidement une piste cyclable en pleine forêt sur une quinzaine de kilomètres, c’est très agréable. Le réseau des voies cyclables en Angleterre est très bien organisé avec des numéros d’identification et des standards de panneaux d’indication au niveau national donc c’est bien plus facile de se repérer qu’en France où c’est une succession disparate de pistes cyclables au niveau bien souvent local avec des noms et des signalisations différents. De plus, les pistes cyclables anglaises sont nombreuses et très bien entretenues, « good job ». Le soleil perce peu à peu les nuages et cela me motive, les paysages champêtres et bucoliques n’en sont que plus beaux, c’est une succession de larges prairies verdoyantes bien dégagées et de forêts ombragées.

Je fais une pause pique-nique au bord d’un champ en plein soleil avec quelques produits achetés dans la ville précédente : de bonnes tomates, une sorte de salade de choux pleine de sauce, du pain avec du fromage et de la viande séchée, des bananes. Le soleil, ça change tout ! Après avoir mangé, je m’allonge sur mon tapis de sol pour faire une sieste tout en bronzant mais, à peine installé, je suis délogé par deux promeneuses avec leurs chiens qui me font comprendre que c’est une zone privée et que je dois m’en aller, « so sad ».

Pause pique-nique au soleil

C’est donc reparti, mes genoux me font encore mal ainsi que mon fessier mais j’avance en faisant des pauses régulières, je commence à avoir l’habitude et je sais que cela ne m’empêchera pas de continuer. Rapidement, je retourne dans la civilisation en sortant des bois, les habitations sont plus nombreuses ainsi que les voitures même si, heureusement, le tracé de la piste cyclable permet de souvent s’en éloigner, même en ville. Je pensais en avoir fini avec la nature mais finalement il y a encore beaucoup de champs, d’étangs, même si on entend le bruit des avions et des voitures passant à proximité.

Je m’approche progressivement de Londres et je ne sais toujours pas où je vais dormir car il n’y a plus vraiment de camping dans le coin, je continue d’avancer en attendant de trouver une opportunité, peut-être un coin d’herbe à l’abri des regards où je pourrais planter ma tente.

Où vais-je m’arrêter pour dormir?

En arrivant en haut d’une colline dans un des nombreux parcs publics anglais qui semblent avoir été conçu pour promener les toutous, j’aperçois au loin une immense tour de verre dans un style futuriste, je crois que c’est le gratte-ciel « The Shard » situé en plein cœur de Londres. C’est impressionnant de la voir à cette distance alors que je suis encore au milieu des champs avec de petits villages. Malheureusement, je n’ai plus de batteries sur mon téléphone donc il va falloir vous baser uniquement sur mes descriptions et faire preuve d’imagination.

A ce moment, je me sens complètement libre, en total autonomie avec tout ce dont j’ai besoin sur mon vélo pour m’arrêter où je veux afin de passer la nuit, c’est une sensation très plaisante que je savoure en continuant de pédaler pour voir où cela va me mener, j’attends un coup de cœur ou un coup du sort.

Le soleil se couche, je continue de pédaler malgré l’obscurité, n’ayant toujours pas eu de révélation. Etant donné que je me rapproche de plus en plus de Londres, je commence à me dire que ce serait dommage de s’arrêter si près du but et que je pourrais sans doute dormir dans un des parcs du centre-ville même si je redoute le froid ou de tomber sur des types louches, on verra bien.

Je fais une pause dîner à la terrasse d’un pub animé avec une bonne bière et un burger puis je reste quelques temps à écouter la musique d’un groupe de rock talentueux dans une ambiance fêtarde, c’est ça aussi l’Angleterre !

Puis, je décide finalement de repartir pour rejoindre le centre de Londres, il y a une piste cyclable bien indiquée qui peut m’y emmener en cinquante minutes d’après les panneaux d’affichage. Il fait moins froid dans cette immense ville que les jours précédents à la campagne, je m’approche petit à petit avec en ligne de mire les tours illuminées de la City. Ça y est, j’arrive enfin au bord de la Tamise : mission accomplie !

Maintenant, il faut que je trouve un endroit où dormir car je ressens la fatigue. Je pensais initialement aller à côté de la gare Saint Pancras ou dans un grand parc comme Hyde Park mais je suis trop épuisé pour aller aussi loin. Je remarque un petit coin d’herbe légèrement dans l’obscurité grâce à un grand arbre qui protège de l’éclairage public, l’emplacement est juste en face du musée Tate et, de l’autre côté de la Tamise, on peut voir la cathédrale Saint Paul. Pas mal comme vue, allez, c’est décidé, je m’y installe ! J’essaye d’être discret en m’emmitouflant dans mon sac de couchage, je ne monte pas la tente et je garde mon vélo à proximité, personne ne semble m’observer. Malgré le bruit de quelques braillards ivres et du froid, je parviens plus ou moins à dormir, du moins à reposer mon corps endolori. « Good night ».

Jour 7, le 21/09/2013

De Londres jusqu’à Paris

Je me lève tôt le matin pour ne pas faire trop le clochard dans la belle capitale de Sa Majesté, déjà que je me trimballe avec mon tapis de sol emballé dans un sac poubelle pour le protéger de la pluie et accroché à mon sac à dos…

Je ne sais pas trop quoi faire tout seul à Londres, je ne suis pas très motivé pour visiter cette ville que j’ai déjà découverte lors de précédents voyages, je me sens fatigué et je voudrais rentrer tout de suite. Mais bon, ce serait dommage de ne pas en profiter après tous ces efforts donc je marche en poussant mon vélo, j’en ai marre de pédaler et puis j’ai pu constater qu’à Londres les trottoirs sont propres donc je ne risque pas de marcher dans une crotte de chien 😊

Je longe la Tamise en direction de Westminster puis je rejoins Buckingham Palace et ensuite Hyde Park. Je découvre le Battersea Park avec l’immense ancienne usine électrique au charbon toute en briques, c’est un bâtiment très impressionnant. Elle est abandonnée depuis longtemps car sa taille démesurée rend complexe sa reconversion mais, d’après de récentes recherches sur internet, ce bâtiment a été finalement reconverti en bureaux, logements, restaurants et magasins.

Puis, je visite le musée d’Histoire National qui est gratuit exceptionnellement ce jour-là, je prends donc le risque de laisser mon vélo cadenassé à l’extérieur avec mes affaires en gardant mon portefeuille sur moi, j’ai confiance… Le musée est immense avec une riche collection dont une partie se situe dans un bel ancien immeuble. En sortant, je comprends que ce sont les Journées du Patrimoine en Angleterre donc beaucoup de musées sont gratuits alors que les billets d’entrée sont généralement très élevés et certains sites historiques sont exceptionnellement ouverts aux visites. Etant donné que mon vélo et mes affaires sont toujours là, j’en profite pour visiter les somptueux locaux de la Supreme Court qui est l’équivalent de notre Conseil Constitutionnel.

Puis, je pars manger un morceau dans le quartier de Chinatown et j’enchaine avec la visite du British Museum, également gratuit. Le musée est intéressant, il y a notamment la célèbre pierre de Rosette qui a été découverte par nos glorieux ancêtres en Egypte pendant la campagne de Napoléon mais les maudits anglais les en ont délogé, ce qui n’a pas empêché que ce soit un champion français qui ait été le premier à déchiffrer les hiéroglyphes grâce aux copies de cette pierre : « sorry, good game ».

Après toutes ces visites, je commence à fatiguer donc je me dirige vers la gare Saint Pancras pour m’occuper du transport de mon vélo dans l’Eurostar. Je comptais le démonter pour l’emmener avec moi mais je n’avais rien pour l’emballer et un peu la flemme donc finalement je paie un supplément pour le charger tel quel dans un wagon spécial dans le même train que moi, c’est plus simple et bien organisé. Dans le voyage du retour en Eurostar, le paysage défile à une vitesse folle, en seulement deux heures je serai de retour à Paris alors que j’ai mis six jours à l’aller pour parcourir 470 kilomètres en vélo et traverser la Manche en bateau : c’est impressionnant le progrès !

Conclusion

Je profite d’être confortablement assis dans un fauteuil pour faire le point sur mon voyage. Initialement, je pensais que cela me permettrait de réfléchir à ma vie passée et future mais, finalement, j’y ai très peu pensé. Mon esprit était presque entièrement accaparé par les efforts physiques à maintenir constamment malgré la fatigue et les douleurs, à préparer les étapes suivantes, à chercher à manger ou un endroit pour dormir, à monter puis démonter la tente, prendre une douche… Je trouvais juste un peu de temps et de force le soir pour écrire sur un carnet les évènements et mes impressions de la journée que je vous retranscris à présent sur ce blog avec quelques ajouts et modifications.

Le défi physique a été relevé avec succès et j’en suis très fier ! Finalement j’ai été davantage ému en voyant la mer à Dieppe au dernier moment que lorsque je suis arrivé à Londres tard dans la nuit mais je réaliserai plus tard tout ce que cela représente notamment en racontant mon voyage à d’autres personnes. Je redoutais les problèmes mécaniques et les réparations à faire sur mon vélo mais c’est ma propre machine qui aura posé des soucis et je n’avais pas vraiment de rustines ni de pompes pour me regonfler si ce n’est en mangeant une quantité astronomique de barres sucrées. Par ailleurs, je ne m’attendais pas à autant de dénivelé sur ce parcours et puis je n’étais clairement pas bien préparé en termes d’équipements ou de physique, cela faisait longtemps que je n’avais pas fait de vélo et je n’avais jamais fait d’aussi longues distances répétées sur plusieurs jours. Mais, l’essentiel, c’est la motivation, l’envie d’aller au bout coûte que coûte, le reste suit. La solitude a été pesante également par moments, j’aurais aimé rencontrer davantage de personnes sur la route, peut-être que c’était un peu tard dans la saison.

Au final, ce voyage en itinérance à vélo avec des sacoches et une tente aura été une très belle aventure et cela me motivera pour faire de nouveaux itinéraires en France, seul, avec de la famille ou des amis, et en étant mieux équipé ! Mais ce sont d’autres histoires que je vous raconterai peut-être un jour 😉 

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Hugues B.