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Hugues B.

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L’Unité : 1942 – 1944

Comme elle est courte l’épée de la France, au moment où les alliés se lancent à l’assaut de l’Europe ! Jamais encore notre pays n’a, en une si grave occasion, été réduit à des forces relativement aussi limitées. Ceux qui luttent pour sa libération sont submergés de tristesse quand ils évoquent sa force d’autrefois. Mais, jamais non plus, son armée n’eut une qualité meilleure. Renaissance d’autant plus remarquable qu’elle est partie d’un abîme de renoncement. 

Préparatifs du débarquement Alliés en Afrique du Nord

Le second tome des Mémoires du général de Gaulle commence alors que les britanniques viennent de repousser les forces de l’Axe en Egypte à la bataille d’El Alamein en octobre 1942 et que les américains s’apprêtent à s’engager militairement sur le front occidental tandis que l’Union Soviétique résiste vaillamment aux assauts furieux des allemands à Stalingrad. Les soviétiques réclament l’ouverture d’un second front à l’ouest de l’Europe afin de prendre en tenaille l’armée allemande et de soulager le front de l’est où sont engagées la majorité des troupes de l’Axe.

Il était initialement question d’un débarquement en Europe en 1942 mais cette option a été repoussée par les Alliés en raison du peu d’expérience au combat des soldats américains et alors que leur armée s’agrandissait dans des proportions gigantesques à un rythme effréné soutenu par leur économie de guerre qui tournait à plein régime.

Ainsi, il fut décidé de débarquer en Afrique du Nord sur les territoires français de Vichy mais sans consulter le général de Gaulle qui se doutait néanmoins des évènements à venir. Du fait de leur écrasante supériorité dans tous les domaines, les américains étaient désormais à la tête des Alliés et les anglais se rangeaient de leur côté par pragmatisme mais de Gaulle resta vigilant pour sauvegarder les intérêts de la France face au président des Etats-Unis, Roosevelt, qui ne lui facilita pas la tâche.

Ce dernier pensait encore pouvoir convaincre de hauts responsables de Vichy en Afrique du Nord de rejoindre le camp des Alliés malgré les échecs retentissants des précédentes tentatives à Dakar, à Djibouti, à Madagascar et en Syrie. Les américains souhaitaient mettre sur la touche de Gaulle afin d’utiliser à la place un pantin docile ou naïf qui servirait leurs intérêts quitte à s’entendre avec des notables compromis par le régime vichiste.

Dans ce but, les américains convainquirent le général Giraud, ancien prisonnier de guerre évadé d’Allemagne et soutien de Pétain, de collaborer avec eux afin de reprendre le contrôle de l’Afrique du Nord. Les Alliés étaient persuadés que le prestige de ce général français suffirait à convaincre les militaires vichistes d’Afrique du Nord de se rendre sans combattre mais ils déchantèrent rapidement.

Un vaudeville sanglant 

En effet, lorsque le débarquement fut déployé simultanément sur toute l’Afrique du Nord à partir du 8 novembre 1942, les opérations débutèrent positivement à Alger grâce à l’intervention efficace de centaines de résistants français (dont une majorité de juifs) qui parvinrent à neutraliser sans effusion de sang les principaux postes de commandements et même à capturer le général Juin, commandant des troupes françaises en Afrique du Nord, ainsi que l’amiral Darlan, commandant de l’ensemble des force françaises de Vichy.

Darlan parvint néanmoins à transmettre un message aux troupes françaises d’Afrique du Nord en leur ordonnant de résister face aux Alliés et il demanda même aux allemands de bombarder la marine américano-britannique : quelle honte !

Pendant ce temps, Giraud boudait à Gibraltar car il s’imaginait obtenir, dans toute sa hautaine candeur, le commandement militaire des troupes Alliés pour superviser le débarquement alors qu’il ne parlait pas un mot d’anglais : on se croirait dans un vaudeville !

Ainsi, les américains durent opérer sans Giraud mais, de toute manière, ils se rendirent compte rapidement que l’évocation de son nom dans les tracts qu’ils larguaient au-dessus d’Alger n’emportait pas l’adhésion des militaires français qui restaient fidèles aux ordres de Darlan. Il est important de rappeler également que certains d’entre eux avaient subi l’attaque surprise des Anglais à Mer el Kébir en juillet 1940 ou avaient lutté contre les franco-britanniques en Syrie en 1941.

S’ensuivirent alors trois jours d’inutiles combats meurtriers entre futurs alliés où plusieurs milliers de soldats trouvèrent la mort ou furent blessés et beaucoup de matériel fut détruit. Juin et Darlan cédèrent finalement sous la menace physique des Alliés ulcérés par cette situation grotesque et ordonnèrent la cessation des combats.

Malgré l’attitude jusqu’au-boutiste de Darlan en faveur de Vichy, les américains décidèrent de s’appuyer sur lui car il était le plus haut gradé français en Afrique du Nord et ils délaissèrent Giraud sans états d’âmes tout en continuant d’exclure De Gaulle de leurs plans.

Les lignes bougent et les masques tombent

En réaction au débarquement Alliés en Afrique du Nord, les allemands envahirent la zone libre de la France métropolitaine le 11 novembre 1942 et tentèrent de prendre le contrôle de la marine française à Toulon mais celle-ci se saborda le 27 novembre en suivant les instructions de ses supérieurs. De Gaulle regretta amèrement que cette grande flotte n’ait pas été préalablement évacuée en Afrique du Nord pour se mettre à l’abri de ce type de raid ; quel gâchis et quelle frustration mais, au moins, elle ne serait pas utilisée par les allemands.

Ces évènements démontrèrent l’hypocrisie du régime de Vichy qui justifiait son existence pour servir de bouclier à la France face aux allemands alors qu’il n’opposa aucune résistance à l’invasion du territoire. Encore une fois, de Gaulle avait raison de prôner, dès l’été 1940, l’embarquement du reste des troupes avec sa flotte en Afrique du nord pour continuer le combat.

L’armée française de Vichy laissa également les allemands prendre possession de son territoire tunisien qui disposait de solides positions défensives ainsi que de ports en eaux profondes situés à seulement une nuit de navigation de la Sicile donc facile à ravitailler pour les forces de l’Axe. Les combats furent ensuite longs et très rudes pour reprendre ces territoires auxquels les troupes françaises d’Afrique du Nord participèrent.

Darlan, une collaboration impossible et honteuse

Lorsque Darlan devint responsable des forces françaises en Afrique du Nord avec la reconnaissance officielle des américains, celui-ci maintint les lois d’exception de Vichy contre les libertés publiques et contre les juifs. Ainsi, les dissidents du régime vichiste collaborant avec les nazis restèrent emprisonnés : quelle honte et quel aveuglement des Alliés !

Comme la majorité des hauts responsables militaires français de l’époque, Darlan s’était battu vaillamment durant la Première Guerre Mondiale puis, lors de la seconde, il s’était opposé à la fin des combats avec l’Allemagne mais il avait fini par accepter l’Armistice avec la garantie que la marine française serait préservée.

L’amiral français conserva ensuite une rancune tenace vis-à-vis des anglais après leur attaque surprise de la flotte française à Mer el Kébir en juillet 1940 et il décida de collaborer avec les allemands dans le but de renforcer la position de la France en négociant notamment la libération des nombreux militaires français mais les contreparties exigées par Hitler étaient trop importantes et ce dernier se méfiait des français donc la situation resta figée.

Darlan fut finalement assassiné le 24 décembre 1942 par un jeune résistant français qui fut ensuite exécuté de manière expéditive sans véritable procès. Ainsi, Giraud remplaça Darlan avec l’assentiment des américains et la politique vichiste fut maintenue en Afrique du Nord : encore honteux !

Frise chronologique de 1942 à 1944

L’Italie : premier objectif européen des Alliés

En janvier 1943 eut lieu la conférence de Casablanca qui se déroula en réalité à l’extérieur de la ville dans un lieu isolé et surveillé par les Alliés où De Gaulle se sentit honteusement prisonnier dans son propre territoire au milieu de gardes armés et entouré de barbelés.

Lors de cette conférence, il fut enfin acté que l’armée française d’Afrique du Nord s’engagerait aux côtés des Alliés et il fut décidé d’ouvrir un nouveau front en Europe de l’Ouest en débarquant en Italie ; ce fut une destination de compromis entre Churchill qui recommandait les Balkans et Roosevelt qui optait pour la France.

Comme pour l’Afrique du Nord, les américains n’impliquèrent pas de Gaulle ni même les forces françaises dans le débarquement en Italie à partir de juillet 1943. Cependant, face à la résistance acharnée des armées allemandes qui prirent le relai des italiens débordés, les armées françaises furent finalement engagées avec un corps expéditionnaire mené par le général Juin et constitué de 125 000 hommes dont plus de la moitié étaient des musulmans nord africains.

Le général Juin était un ancien prisonnier de guerre libéré en 1941 avec d’autres officiers français à la demande de Darlan dans le but de renforcer la défense des territoires d’Afrique du Nord qui étaient désormais menacés par les Alliés après l’invasion de la Syrie.

Juin soutenait Pétain dans l’optique de forger l’esprit de revanche contre l’Allemagne et il refusa toute collaboration militaire avec celle-ci. Bien qu’il ait initialement refusé d’autoriser le débarquement Alliés, le général français n’ordonna pas pour autant la lutte armée, contrairement à Darlan, et il se distinguera ensuite par ses grandes qualités de stratège militaire lors de la campagne d’Italie.

En effet, le corps expéditionnaire français contribua activement à la percée significative du front italien lors de la bataille du Mont Cassin le 11 mai 1944 grâce au plan audacieux du général Juin qui consista à attaquer par surprise les positions allemandes dans un milieu montagneux difficile d’accès en s’appuyant sur l’expérience des valeureuses troupes nord-africaines pour ce type d’environnement. Cette victoire décisive ouvrit la voie vers Rome et renforça indéniablement la place de la France aux côtés des Alliés.

L’influence française

Pour l’aider dans son combat, de Gaulle étendit son réseau d’influence en recrutant des français parfois peu expérimentés mais très motivés qui défendirent vigoureusement les idées de la France Libre dans le monde entier.

Le Général se déplaça régulièrement dans les territoires français des colonies progressivement libérés pour assoir son autorité, il motiva inlassablement les troupes en les rencontrant sur les différents terrains d’opérations. De Gaulle noua également des relations fortes et respectueuses avec de nombreux représentants locaux des colonies et il restait en contact continu par télégrammes avec les principaux chefs alliés et les responsables de la France Libre pour partager ses informations avec sa vision des évènements et expliquer le positionnement à adopter.

Le général de Gaulle prit soin également de s’attirer les faveurs des opinions publiques anglaises et américaines dont le soutien était crucial aux gouvernements Alliés, en particulier pour Roosevelt qui avait de nouvelles élections en novembre 1944. Pour cela, le général s’appuya sur la dimension morale de sa lutte en dénonçant la politique honteuse menée par Giraud en Afrique du Nord qui était en contradiction avec les valeurs des Alliés.

De Gaulle ne céda pas face à Giraud soutenu par les américains, il maintint son objectif de sauvegarder la souveraineté de la France en dehors de toute ingérence étrangère et il refusa les compromis avec les autorités de Vichy qui s’étaient déshonorés irrémédiablement avec l’armistice puis la collaboration avec l’ennemi.

De Gaulle accepta néanmoins de travailler dans l’intérêt de la France avec d’anciens notables de Vichy qui ne s’étaient pas compromis par des actes zélés et qui reconnaissaient désormais leurs erreurs. Un comité national français fut créé avec de Gaulle et Giraud à sa tête afin de diriger l’ensemble des forces réunies de la France Libre et de l’Afrique du Nord française. Cet organe de décision bicéphale ne facilita pas la coordination des efforts mais de Gaulle estima qu’il n’avait pas le choix au vu des circonstances et il jugea, à raison, qu’il parviendrait à prendre le dessus grâce au soutien du peuple.

La politique française

De Gaulle fit preuve d’un haut sens politique en ralliant à sa cause des français de tous horizons, en administrant les territoires libérés et en négociant avec les Alliés contrairement à Giraud qui ne s’intéressait qu’aux manœuvres militaires et délaissait dédaigneusement les manœuvres politiques alors qu’elles étaient étroitement liées étant donné la situation critique de la France dont la métropole était occupée et dont les forces étaient divisées et affaiblies face à ses ennemis et même à ses alliés.

Afin de renforcer la légitimité du comité national français et d’avoir un organe de consultation des différents courants et forces politiques de la France, de Gaulle créa une assemblée consultative française à Alger qui lui permit de tâter le pouls de l’opinion publique française sur différents sujets bien qu’il regretta parfois de longues délibérations qui n’aboutissaient pas toujours à des décisions concrètes.

Dans le prolongement du débarquement Alliés au sud de l’Italie, le général Giraud organisa, de sa propre initiative et sans en informer de Gaulle, l’insurrection de la Corse en septembre 1943 avec la participation combinée des forces militaires françaises et des résistants corses mais sans prendre en compte les enjeux politiques. Les résistants communistes tentèrent alors de tirer profit de la situation en noyautant les divers réseaux de résistance corses afin de prendre l’initiative sur la politique locale.

Ces faits confirmèrent à de Gaulle le risque d’une situation similaire en France métropolitaine et il prit soin d’intégrer méticuleusement les domaines administratifs et politiques aux préparatifs de la Libération.

A l’été 1943, Giraud voyagea pendant un mois en Angleterre et aux Etats-Unis afin de renforcer sa position au sein des Alliés mais de Gaulle profita de son absence pour assoir son autorité au sein du comité national français de sorte que, progressivement, il devint son chef unique et incontesté à partir de l’automne 1943.

C’est aussi en grande partie grâce au soutien de la résistance française que le général de Gaulle put s’affirmer davantage dans le camp des Alliés lorsque tous les mouvements réunis sous l’égide de son représentant, Jean Moulin, au sein du Conseil National de la Résistance reconnurent en mai 1943 son unique autorité.

La résistance française

De Gaulle parvint ainsi à unifier les résistants français grâce à l’action de Jean Moulin qui prit tous les risques afin d’accomplir sa mission en zone occupée et il en paya le prix dans d’atroces souffrances comme bien d’autres hommes et femmes de l’ombre qui firent preuves d’un immense courage dans cette situation périlleuse. De Gaulle raconte avec émotion le sacrifice de ces illustres personnes, gloire à elles !

En effet, beaucoup de ces résistants et résistantes furent dénoncés, capturés, torturés, abattus ou déportés à un rythme croissant alors que l’étau de la Gestapo et de la Milice se resserrait en France avec l’occupation de la zone libre puis la volonté des allemands de protéger leurs arrières tandis que l’espoir de la Libération grandissait.

Afin de soutenir les futures opérations du débarquement Alliés en France, les réseaux de résistants s’organisèrent sur la base des directives du comité national français afin de saboter les réseaux stratégiques de transport des troupes, de communication et d’énergie tout en préservant ceux qui seraient utiles aux Alliés afin de ne pas ralentir leur avance.

Dès le printemps 1944, les actes de résistances militaires se multiplièrent en France : sur le plateau des Glières, dans l’Ain, le Limousin, la Drôme ou le Vercors, des milliers de résistants armés et souvent supervisés par des officiers français attaquèrent les armées allemandes en faisant plusieurs milliers de tués ou blessés parmi leurs rangs. Ces actions permirent de forcer l’Allemagne à détourner des troupes du Mur de l’Atlantique ou de ralentir les renforts qui se dirigeaient vers la Normandie pour repousser les Alliés.

Cependant, la répression devint de plus en plus féroce à mesure que les actes de résistance s’amplifièrent et que la menace du Débarquement Alliés approchait : des otages pris au hasard furent fusillés en masse, les maquis étaient traqués sans répit, la hiérarchie de la Résistance installée par de Gaulle fut régulièrement décimée, ce qui aggrava le risque de chaos lors de la Libération.

Préparer la Libération et l’après-guerre

En novembre 1943 eut lieu la conférence de Téhéran où il fut acté de concentrer les forces Alliés sur le débarquement en France en réduisant les effectifs sur le front italien. Pour sa part, Roosevelt s’entêtait à vouloir décider du sort de la France sans consulter de Gaulle, il pensait pouvoir l’administrer suivant ses volontés, les américains préparaient même une nouvelle monnaie française au mépris de la souveraineté des autorités françaises légitimes.

Lors d’une rencontre privée avec Roosevelt, de Gaulle nous livre une réflexion savoureuse que je vous cite : « Les intentions du Président me paraissaient du même ordre que les rêves d’Alice au pays des merveilles. Roosevelt avait risqué déjà en Afrique du Nord, dans des conditions beaucoup plus favorables à ses desseins, une entreprise analogue à celle qu’il méditait pour la France. Or, de cette tentative, il ne restait rien. Mon gouvernement exerçait, en Corse, en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Afrique noire, une autorité sans entraves. Les gens sur qui Washington comptait pour y porter obstacle avait disparu de la scène. »

Le comité national français prit l’initiative d’organiser la conférence de Brazzaville en février 1944 avec l’ensemble des représentants de l’empire français libéré afin de poser les bases de l’émancipation des peuples des colonies françaises qui contribuèrent tant à la restauration de la France en cette période trouble.

Alors que le débarquement Alliés en métropole approchait, le comité national français en exil se prépara à tous les défis auxquels il serait confronté afin d’éviter le chaos et l’anarchie qui pourraient mener à la prise de pouvoir des communistes ou à une mise sous tutelle des Alliés.

Ainsi, il fallait préparer la restauration immédiate de toutes les autorités régaliennes: rétablir la justice afin de condamner avec célérité les principaux coupables de la Collaboration et éviter que la population ne prenne sa place laissée vacante avec tous les excès possibles, relever l’économie française fortement rançonnée par les allemands et en proie à l’inflation, éviter les pénuries de vivres alors qu’ils étaient déjà fortement rationnés, remettre sur place les administrations et les représentations politiques après les avoir purgées des éléments vichistes les plus compromettants.

Afin de renforcer sa légitimité, le comité national français se proclama gouvernement provisoire de la république française quelques jours avant le débarquement en Normandie.

Les débarquements en France

De Gaulle soutint le plan américain de débarquer l’essentiel des troupes Alliés en France plutôt que dans les Balkans suivant les souhaits de Churchill car il jugeait cette deuxième option plus compliquée à mettre en œuvre au niveau logistique et, surtout, cela retarderait la libération de la France et de ses forces armées sur place. Donc sa participation à la libération de l’Europe en serait diminuée alors que c’était un facteur déterminant pour définir sa place dans le nouvel ordre mondial.

Au-delà de ses désaccords avec le président des Etats-Unis, de Gaulle avait une grande estime pour ses illustres généraux tels que Eisenhower, Patton et Mac Arthur, il louait notamment leur talent pour la planification, l’organisation et l’exécution d’immenses opérations logistiques. La réussite du Débarquement en Normandie supervisée par Eisenhower en fut l’exemple le plus frappant.

De Gaulle put enfin revenir en France après quatre années d’exil, il fut acclamé partout en héros par une foule en liesse et reçu avec les honneurs par les autorités locales. Cette démonstration du soutien populaire du général de Gaulle prouva aux Alliés qu’ils n’avaient pas d’autres choix que de traiter avec lui.

Ainsi, de Gaulle finit par arracher à Roosevelt la reconnaissance officielle de son gouvernement comme seul représentant de la France auprès des Alliés. Le gouvernement provisoire français nomma ses représentants locaux et administra les territoires libérés en toute indépendance et apporta pleinement son soutien aux armées Alliés. La bataille de France pouvait désormais commencer.
En raison de leurs difficultés de progression dans les bocages normands face à la résistance acharnée des allemands, les Alliés confirmèrent le plan du débarquement en Provence qui eut lieu le 15 août 1944 et auquel les armées françaises participèrent en nombre avec 250 000 soldats sous le commandement du général De Lattre de Tassigny.

Ce militaire français plusieurs fois blessé et décoré au combat durant la Grande Guerre fut nommé général au début de la Seconde Guerre Mondiale et il combattit efficacement les allemands en faisant de nombreux prisonniers. Après l’Armistice, il demeura officier sous le régime de Vichy mais il se distingua en étant le seul général français à s’opposer aux allemands lors de l’invasion de la zone libre. Ce haut fait lui valut d’être emprisonné puis il parvint à s’évader pour rejoindre Alger où il se rallia à de Gaulle.

Paris libérée vaut bien un défilé

Alors que les américains décidèrent de contourner Paris car la capitale française ne représentait pas d’enjeux militaires selon eux, chaque camp en France tenta de tirer profit de la situation.

Ainsi, Pierre Laval, le chef du gouvernement de Vichy et grand architecte de la Collaboration, manigança de pitoyables combinaisons politiciennes pour tenter de faire renaître l’assemblée de 1940 dans l’espoir de devancer le général de Gaulle afin de sauver sa peau mais il échoua piteusement face au refus de la population et de la Résistance.

Enfin débarrassé des représentants de Vichy, il restait le risque d’une prise de pouvoirs des communistes profitant de l’anarchie alors que des groupes disparates de résistants combattaient de manières disparates dans la capitale.

De Gaule soupçonnait Washington de vouloir l’empêcher de prendre le pouvoir de manière définitive en laissant ces initiatives l’affaiblir mais le Général était bien conscient de l’importance symbolique et politique de la prise de Paris comme cela a toujours été le cas dans les précédents conflits en France.
En s’appuyant sur ces évènements inquiétants, de Gaulle insista auprès du commandement américain et obtint finalement la prise de Paris par la deuxième division blindée de Leclerc le 24 août. Les opérations se déroulèrent sans rencontrer de fortes résistances et Paris fut libéré en un seul jour.

Le lendemain eut lieu un immense défilé populaire sur les champs Elysées dans une euphorie générale, de Gaulle fut acclamé partout où il se rendit. Fort de ce soutien unanime, il s’assura immédiatement de reprendre le contrôle des opérations en France sous l’égide des institutions officielles afin de reconstituer l’Etat en évitant le chaos et l’anarchie.

Ainsi, les résistants ou les simples volontaires armés furent incorporés dans l’armée ou durent rendre leurs armes, le Conseil National de la Résistance n’avait désormais plus de raison d’être mais ses membres éminents furent appelés au gouvernement ou firent partie de l’assemblée représentative créée à Alger.

Que de chemin parcouru pour le général de Gaulle quatre années après son départ précipité vers Londres afin de continuer le combat ! A ses débuts, il avait à peine quelques milliers de combattants sans aucun territoire français, le régime « officiel » de Vichy l’avait condamné à mort et il peinait à se faire reconnaître comme unique représentant de la France.

La situation avait bien changé depuis, il était désormais le chef incontesté de la France et de son empire, à la tête d’une armée qui atteindrait bientôt plusieurs centaines de milliers d’hommes pour repousser l’envahisseur avec les Alliés, acclamé en héros par une foule en liesse et reconnu comme légitime par toutes les administrations et autorités locales.

Sa vision juste des évènements et sa ténacité lui avait permis de choisir le bon cap et de surmonter les nombreux obstacles sur sa route : quelle chance pour la France d’avoir eu cet illustre personnage et quel symbole d’espoir pour tous !

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L’Appel : 1940 – 1942

Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. […] J’ai, d’instinct, l’impression que la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires.

Prélude

Le récit commence par une rapide présentation du milieu familial dans lequel de Gaule fut éduqué avec une haute idée de la France qu’il a ensuite consolidée en s’orientant vers une carrière militaire dans laquelle il fut rapidement confronté au conflit meurtrier de la Grande Guerre en tant qu’officier. Blessé à plusieurs reprises dans la fureur des combats meurtriers, il fut fait prisonnier lors de la bataille de Verdun et resta en captivité plus de deux années malgré des tentatives d’évasion.

De retour au pays, le lieutenant De Gaulle continua sa carrière militaire où il gravit les échelons et accéda à des postes importants à l’Ecole de Guerre puis au ministère des armées qui lui permirent de développer ses théories militaires et d’acquérir une vision globale du fonctionnement de l’Etat et des armées. Ces promotions furent obtenues avec le soutien de son mentor, le maréchal Pétain, dont il était proche depuis son instruction militaire avant qu’il ne s’en éloigne à la fin des années trente en raison de leurs divergences de points de vue, en particulier concernant la stratégie militaire à adopter face à la menace allemande.

En effet, le désormais colonel De Gaulle avait l’intuition, qui s’avéra juste, que les nouvelles armes développées à la fin de la Première Guerre Mondiale, en particulier les chars, allaient profondément modifier l’ordre des batailles en privilégiant les mouvements rapides et tactiques à la guerre de positions statiques. De Gaulle prônait ainsi la massification des chars blindés dans des divisions spécifiques avec une armée de métier spécialisée, c’était en quelque sorte la cavalerie des temps modernes.

Mais l’état-major français vieillissant resta campé sur ses anciennes stratégies défensives qui firent leurs preuves dans le passé et les politiques approuvèrent ou n’osèrent pas les remettre en question sachant qu’il y avait une grande instabilité politique française dans les années trente, De Gaulle dénombre ainsi pas moins de quatorze changements de gouvernements entre 1932 et 1937 !

Le colonel De Gaulle avait pourtant publié ses théories militaires et il avait essayé de les diffuser le plus largement possible au grand public et dans la sphère politique mais ses supérieurs ne le soutenaient pas, imbus de leur prestige passé et incapables de remettre en cause leurs idées du passé à la lumière des technologies modernes. La France voulait à cette époque se protéger et ne plus jamais revivre l’hécatombe de la Grande Guerre en construisant l’immense ligne de fortification Maginot à l’est tandis que nos voisins allemands se réarmaient massivement après la prise du pouvoir par les nazis en optant pour une stratégie militaire offensive avec la formation de divisions de chars blindés qui seraient déterminantes dans le prochain conflit.

La Débâcle

L’offensive allemande sur le front franco-belge de mai 1940 avec la percée fulgurante de leurs chars dans les Ardennes donna malheureusement raison à de Gaulle. Ses supérieurs reconnurent finalement leurs erreurs face à la réalité et le promurent à la tête d’une division blindée disparate et assemblée à la hâte mais ce fut trop peu et trop tard.

Le colonel De Gaulle parvint néanmoins à stopper une avancée allemande et à mener des contres attaques victorieuses qui démontrèrent que l’armée allemande n’était pas invincible et que l’armée française n’était pas désuète ni démoralisée à condition que la stratégie militaire soit bonne. Mais ce ne furent malheureusement que de modestes points de résistance face à la submersion du pays par l’armée allemande qui provoqua la panique générale dans la population.

Fort de ses résultats encourageants sur le champ de bataille, De Gaulle fut promu au grade de général et entra au gouvernement en tant que conseiller militaire du président du conseil des ministres, Paul Reynaud. Le général De Gaulle nous décrit alors le sentiment de défaitisme qui régnait au sein de l’état-major français et des hauts responsables politiques français, subissant les évènements au lieu de prendre des initiatives énergiques en assumant les conséquences graves mais nécessaires pour défendre le pays.
De Gaule prôna l’embarquement du gouvernement et du gros des troupes grâce à sa marine préservée pour rejoindre les colonies d’Afrique du Nord afin de continuer la guerre. Comme pour ses théories militaires, le Général eut l’esprit visionnaire d’anticiper que cette guerre n’était pas perdue car elle deviendrait mondiale et les colonies françaises pouvaient permettre de résister à l’Allemagne en attendant le renfort du camp des Alliés puis leur servir ensuite de bases à la reconquête des territoires perdus.
Le Général tenta de convaincre par tous les moyens les hauts responsables politiques et militaires français de ne pas abandonner la lutte mais ce fut en vain.

Alors, il dû se résoudre à rejoindre l’Angleterre quasiment seul d’où il lança à la radio de la BBC son célèbre appel du 18 juin 1940, deux jours après la prise du pouvoir par Pétain et quatre jours avant l’Armistice entre la France et l’Allemagne.

Cependant, très peu de français suivirent son appel et on peut s’interroger sur les raisons : pourquoi aucun haut responsable politique ou militaire français n’a défendu, comme lui, la continuation du combat depuis les colonies et a accepté si rapidement la défaite ? Effectivement, la percée des armées allemandes avait été foudroyante et il aurait probablement fallu se résoudre à perdre la Métropole après de lourdes pertes alors que la France était toujours traumatisée par la Grande Guerre qui s’était déroulée sur son sol pendant quatre longues années et pendant laquelle plus d’un million et demi de soldats français périrent ou d’innombrables furent marqués à vie sans compter les dégâts matériels.

Par ailleurs, il est à noter qu’au mois de juin 1940, la France se battait quasiment seule contre l’armée allemande : en effet, les armées anglaises avaient rembarqué depuis Dunkerque et Churchill hésitait à engager de nouvelles forces qui lui seraient vitales dans la bataille d’Angleterre à venir au vu des difficultés sur le front français, l’Union Soviétique avait signé un pacte de non-agression avec l’Allemagne nazie, les américains s’abstenaient de participer activement au conflit en se bornant à vendre du matériel aux Alliés et tous les autres pays d’Europe étaient neutralisés.

Dans ce contexte, beaucoup de personnes en France souhaitaient donc la paix, à tout prix. Les partisans du maréchal Pétain prétendaient que c’était la seule manière de protéger la France et de lui permettre de se renforcer avant de prendre sa revanche sur l’Allemagne. Difficile de savoir ce que chacun d’entre nous aurait fait dans ce contexte.

Frise chronologique des évènements militaires de 1940 à 1942

Reconstruction

Commença alors pour le Général De Gaulle une longue et pénible épreuve de reconstruction de la France hors des cadres connus avec des moyens initiaux très limités mais il fit preuve d’une grande ténacité pour garder le cap qu’il s’était fixé de la restauration de l’honneur de la France malgré les tempêtes et les naufrages. Ce serait une lutte acharnée et incessante contre les forces de l’Axe et le régime de Vichy mais aussi, parfois, contre des alliés pas complètement désintéressés de tirer profit de la défaite française.

En effet, bien que les anglais mirent à la disposition de la France Libre du Général de Gaulle des locaux, des heures d’antennes à la BBC et le reconnurent comme leur chef légitime, ils ne facilitèrent pas pour autant son accès aux militaires français qui étaient basés en Angleterre après l’évacuation de Dunkerque alors qu’il souhaitait les convaincre de continuer le combat. La priorité des britanniques à ce moment était de se préparer à la Bataille d’Angleterre et ils considéraient alors le régime de Vichy comme le gouvernement officiel de la France ayant seule autorité sur son armée.

De Gaulle ne fut pas non plus consulté pour définir la stratégie militaire et notamment l’attaque surprise de la marine française par la marine anglaise à Mers El Kébir au large d’Oran, le 3 juillet 1940, qui engendra la mort de 1300 marins français et détourna probablement un nombre conséquent de français encore hésitants à s’engager. Le régime de Vichy se servit de cet évènement pour sa propagande et de Gaulle ne comptabilisa en tout que 7000 militaires français dans les rangs de la France libre à l’été 1940.

Bien que très peiné par le drame de Mers El Kébir, le Général ne perdit pas de vue pour autant les enjeux globaux et ses objectifs finaux qui tendaient à maintenir l’alliance avec l’Angleterre face au véritable ennemie de la France : l’Allemagne nazie. Ainsi, il condamna publiquement la forme déloyale de cet acte tout en admettant que l’Angleterre pouvait avoir des craintes légitimes à ce que la flotte française passe entre les mains de ses ennemis en raison de l’attitude conciliante de Vichy et alors que Hitler préparait un plan d’invasion de la Grande Bretagne.

C’est d’ailleurs à peine une semaine plus tard que commença la Bataille d’Angleterre pendant laquelle de Gaulle observa avec admiration la cohésion et l’abnégation du peuple britannique dans cette épreuve qu’ils remportèrent vaillamment après de longs mois de combats principalement aériens.

En anticipation des risques de désaccords avec ses alliés à cause d’intérêts parfois divergents, de Gaulle négocia un accord avec les britanniques dans lequel il insista pour que les territoires vichistes qui seraient reconquis soient administrés par la France Libre dans les frontières existantes, que le matériel militaire français lui soit transféré et que les éventuels crédits contractés par la France Libre auprès des Alliés soient intégralement remboursés dès que la France Libre en aurait les moyens afin d’assurer son indépendance (ce qui fut fait pendant le conflit). Enfin, étant donné le rapport de force largement en faveur des britanniques, il fut entendu que ces derniers dirigeraient les opérations militaires de grandes envergures auxquelles participeraient les unités françaises libres mais le commandement de ces forces armées relèverait en dernier ressort du Général de Gaulle.

Malgré cet accord, il apparaissait crucial pour la France Libre du Général de reconquérir rapidement des territoires français afin de renforcer sa légitimité, accroître ses forces et garantir son indépendance vis-à-vis des Alliés. Les colonies de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) représentaient alors une opportunité car les forces vichistes y étaient en nombre limité et la population semblait favorable aux idées gaullistes.

Reconquêtes et extension du conflit

Ainsi, en août 1940, le colonel Leclerc débarqua avec une poignée d’hommes au Cameroun où il parvint à convaincre les responsables vichistes de les rejoindre puis ils rallièrent le Congo et enfin le Tchad grâce au gouverneur français de ce territoire, Felix Eboué, qui fut le premier officiel français à rejoindre la France libre et permit ainsi de légitimer le pouvoir gaullien : gloire à lui !

Ensuite, une tentative de rallier le Sénégal à la France Libre eut lieu en septembre 1940 avec le blocus de Dakar par la marine anglaise et l’envoie d’émissaires gaullistes pour convaincre les autorités locales mais ces derniers refusèrent les pourparlers et défendirent leur territoire vigoureusement. Les alliés durent cesser le siège et il faudrait attendre l’année 1942 pour que le Sénégal rejoigne enfin la France Libre après le débarquement des Alliés en Afrique du nord tout comme d’autres territoires importants de l’empire français tels que Djibouti et Madagascar.

De Gaulle fut très affecté par cet échec cuisant qui mit à mal sa légitimité de seul représentant de la France vis-à-vis des Alliés et empêcha d’agrandir considérablement les effectifs et les moyens de la France Libre. Cette dernière prit tout de même le contrôle du Gabon en octobre 1940 mais la portée de cette conquête était plus modeste.

Après leur échec de l’invasion de l’Angleterre, les allemands se tournèrent vers l’est en l’année 1941 en chassant les britanniques de la Grèce et en tentant de soulever l’Irak contre le mandat britannique puis ils obtinrent l’autorisation de Vichy pour faire transiter leurs troupes à travers la Syrie sous mandat français afin de pouvoir lancer une offensive vers l’Egypte. L’objectif principal des forces d’Axe étant de prendre le contrôle du canal de Suez qui était crucial pour le ravitaillement des Alliés entre l’Asie et l’Europe.

Il était donc nécessaire pour ces derniers de réagir rapidement en envahissant la Syrie du 8 juin au 11 juillet 1941 avec un grand contingent constitué principalement de soldats australiens ainsi que de quelques milliers de français libres. Ce serait donc une bataille fratricide entre français gaullistes et vichistes que de Gaulle aurait préféré éviter mais il n’y avait pas le choix en raison de la menace allemande et le refus des vichistes de rejoindre le camp des Alliés.

Lorsque le territoire syrien fut conquis ainsi que le Liban, également sous mandat français, le Général se heurta aux britanniques qui tentèrent de remettre en cause les autorités françaises contrairement aux accords signés avec la France Libre. Le gros des troupes vichistes vaincues fut même autorisé à partir sans que les gaullistes aient la possibilité de les convaincre de rejoindre leur combat.

En représailles, De Gaulle menaça les britanniques de transférer ses troupes sur le front de l’est qui venait de s’ouvrir avec l’offensive allemande du 22 juin 1941. Malgré les crimes commis par son régime, l’Union Soviétique représentait désormais un allié de poids et même un contrepoids efficace pour défendre les intérêts de la France en utilisant avec pragmatisme les rapports de force entre les Alliés. De Gaulle obtint finalement gain de cause sur l’essentiel même si les britanniques continueraient leur travail de sape de l’influence française dans la région.

En plus de la Syrie et du Liban, vinrent s’ajouter dans la même période aux territoires de la France libre les îles du Pacifique qui acquirent rapidement une grande importance lorsque les américains entrèrent dans la guerre après l’attaque surprise des japonais sur la flotte américaine le 7 décembre 1941. De Gaulle proposa alors aux Alliés de leur mettre à disposition les infrastructures françaises situées dans des zones stratégiques en s’assurant du respect de l’indépendance des autorités françaises et en échange de matériel ainsi que de la participation de la France Libre aux batailles importantes des Alliés.

Carte des batailles d’Afrique et du Moyen Orient entre 1940 et 1942 (source: tome 1 des Mémoires de guerre)

L’espoir renaît

A l’été 1942, l’Afrika Korps du général Rommel et leurs alliés italiens se lancèrent à la conquête de l’Egypte depuis la Libye avec toujours comme objectif la prise de contrôle du canal de Suez. Ce fut alors enfin l’occasion pour les troupes de la France Libre de s’illustrer lors de la bataille de Bir Hakeim où quelques milliers de soldats issus de toutes les colonies françaises libérées résistèrent héroïquement pendant deux semaines aux assauts répétés des armées italiennes et allemandes largement supérieures en nombre et en équipements qui tentaient alors d’encercler l’armée des Alliés.

L’enjeu de cette bataille était immense pour la France Libre car l’essentiel de ses troupes étaient engagées et celles-ci se voyaient désormais menacées d’encerclement après leur résistance acharnée mais l’ordre d’évacuer fut enfin donnée et une grande partie de ses forces parvint à briser l’étau pour rejoindre l’armée britannique.

Pour les quelques centaines de soldats français libres qui furent faits prisonniers, la radio de Berlin diffusa un communiqué honteux indiquant qu’ils seraient exécutés car n’appartenant pas à une armée régulière. Alors, le général De Gaulle répliqua de manière implacable sur les antennes de la BBC : « Si l’armée allemande se déshonorait au point de tuer des soldats français faits prisonniers en combattant pour leur patrie, le général de Gaulle fait connaître qu’à son profond regret il se verrait obligé d’infliger le même sort aux prisonniers allemands tombés aux mains de ses troupes ». Le message fut entendu car, dans la même journée, la radio de Berlin communiqua le message suivant : « À propos des militaires français qui viennent d’être pris au cours des combats de Bir Hakeim, aucun malentendu n’est possible. Les soldats du général de Gaulle seront traités comme des soldats »

La résistance décisive des forces combattantes de la France Libre lors de la bataille de Bir Hakeim permit de démontrer son utilité auprès des Alliés car cette fixation des troupes italo-allemandes permit au gros des troupes britanniques de se replier en bon ordre afin de se préparer à la défense de l’Egypte où ils remporteraient une victoire décisive lors de la bataille d’El Alamein en octobre 1942.

Ainsi, comme le prédisait justement De Gaulle après la débâcle de 1940, la guerre était devenue désormais mondiale et le rapport de force s’était équilibré, les Alliés avaient résisté vaillamment aux offensives des forces de l’Axe et il était temps pour eux de contre attaquer en utilisant notamment les territoires de l’empire français. Le Général avait bien eu raison de ne pas s’avouer vaincu alors que la partie semblait perdue pour la majorité des responsables politiques et militaires français.

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Mémoires de guerre du Général de Gaulle

Introduction

Quelques mois après le décès de ma tendre et chère grand-mère maternelle, nous étions avec mon oncle et mes tantes en train de vider avec émotion la maison familiale et chacun d’entre nous réfléchissait aux objets qu’il souhaitait et pouvait conserver. Etant logé dans un appartement de banlieue parisienne de taille modeste, je me concentrais sur des objets peu volumineux qui m’évoquaient des souvenirs personnels avec mes grands-parents : des pièces de la vaisselle de ma grand-mère, grande cuisinière et maîtresse indétrônable de la maison, des bandes dessinées d’Astérix et de Lucky Luke qui avaient marqué ma jeunesse, puis je fus attiré par les nombreux livres de la bibliothèque inépuisable de mon grand-père.

 C’est ainsi que se retrouvèrent soudain entre mes mains les différents volumes légèrement écornés des « Mémoires de guerre » du Général de Gaulle, éditées à partir du milieu des années cinquante. De Gaulle, ce monument national dont j’ai si souvent entendu parler, en termes louangeurs, admiratifs, ou nostalgiques, dans des livres d’Histoire, des documentaires, des films ou lors de débats politiques. Cela faisait longtemps que j’avais envie de mieux connaître ce personnage historique mais je n’osais jusqu’ici m’atteler à cette tâche immense qui représentait pour moi l’équivalent de l’ascension d’un haut sommet intimidant qui domine tous les autres.

Cette découverte fut pour moi un signe qu’il était temps de me plonger dans ce récit historique en l’honneur de mes grands-parents. Cela me renvoyait aux conversations avec ma grand-mère lorsqu’elle me racontait ses souvenirs d’enfant pendant la période de l’Occupation. La maison de campagne familiale du Cher était située en zone libre entre Bourges et Moulins, à quelques kilomètres à l’ouest de la ligne de démarcation matérialisée par l’Allier, affluent de la Loire. Un été, son père qui travaillait à Paris en zone occupée, avait voulu rejoindre sa femme et leur fille unique restées à la campagne et, pour éviter de passer les contrôles, il arriva de la capitale avec son attirail de pêcheur puis entra dans l’Allier depuis la rive est en maniant sa canne à pêche pour ressortir de l’autre bord en zone libre sans être inquiété.

Ainsi, je me suis plongé dans ces Mémoires avec intérêt et j’ai été aussitôt captivé par ce récit personnel bien écrit, structuré, méthodique et passionnant de par les évènements historiques qu’il couvre et en étant expliqués du point de vue rare de l’un des acteurs majeurs de cette période. Ces Mémoires sont une opportunité unique de découvrir le cheminement personnel du Général de Gaulle, son raisonnement, sa stratégie basée sur sa hauteur de vue des enjeux globaux et son sens de l’anticipation, enfin son intransigeance pour préserver les intérêts et l’honneur de la France et sa ténacité pour faire face aux défis qu’il a dû relever et les graves décisions qu’il a dû longuement sous peser.

De Gaulle emploie parfois la troisième personne du singulier pour décrire certaines de ses actions, un procédé narratif certes déroutant aux premiers abords mais qui peut se justifier par le fait qu’il était déjà entré dans l’Histoire au moment où il l’a écrit. Le grand Charles se livre peu sur ses émotions et sa vie privée mais on peut deviner par moment tout le poids des enjeux qui pèsent sur ses épaules dans cette période si trouble et agitée où tous les repères vacillent.

Cette lecture permet également de suivre cette période historique du point de vue de la France Libre du Général de Gaulle avec des évènements qui sont parfois peu abordés dans les livres d’Histoire car jugés moins importants au vu des enjeux mondiaux de cette guerre mais ils sont néanmoins essentiels pour mieux comprendre certaines décisions du côté français.

Comme tout récit historique, il faut garder un regard critique et lucide en tenant compte de qui est son auteur et dans quel est contexte il écrit, on peut ainsi penser que le Général avait l’intention, au-delà d’instruire les lecteurs, d’utiliser ces Mémoires pour se replacer au centre de l’actualité politique française et se ménager des chances de revenir au pouvoir, ce qui sera le cas puisqu’il deviendra président de la République en 1959 alors que les trois tomes de ses « Mémoires de Guerre » furent publiés entre 1954 et 1959.

Sans doute de Gaulle omet parfois plus ou moins volontairement certains épisodes qui n’arrangent pas sa vision donc il est nécessaire, comme pour tout récit historique, de compléter ses connaissances avec d’autres sources afin d’avoir une compréhension plus globale mais ces Mémoires représentent pour moi un récit historique passionnant d’un des plus grands personnages de la riche Histoire de France.

Allez, il est temps à présent de répondre à l’Appel du Général !

Tome 1 : l’Appel (1940 – 1942)

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La Roue de la Fortune

« […] il n’y a ni bonheur ni malheur en ce monde, il y a la comparaison d’un état à un autre, voilà tout. Celui-là seul qui a éprouvé l’extrême infortune est apte à ressentir l’extrême félicité. Il faut avoir voulu mourir, […], pour savoir comme il est bon de vivre.

Vivez donc et soyez heureux, […], et n’oubliez jamais que, jusqu’au jour où Dieu daignera dévoiler l’avenir à l’homme, toute la sagesse humaine sera dans ces deux mots : attendre et espérer ! »

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Place à l’attaque

« […] il est donc vrai que toutes nos actions laissent leurs traces, les unes sombres, les autres lumineuses, dans notre passé ! il est donc vrai que tous nos pas dans cette vie ressemblent à la marche du reptile sur le sable et font un sillon ! Hélas ! pour beaucoup, ce sillon est celui de leurs larmes ! »

La main invisible du marché de dupes

A présent que Monte Cristo connait parfaitement les mécanismes de préservation du pouvoir et des richesses de ses ennemis ainsi que les liens qui unissent leurs familles, il est temps pour lui de passer à l’attaque.

Il commence par orchestrer la ruine de Danglars en diffusant par le télégraphe une fausse nouvelle que le baron banquier intercepte en premier grâce à son réseau et qui l’incite à vendre précipitamment une grande partie de ses actions quitte à le faire à perte. Lorsque tous ses bons sont vendus, il apprend que l’information est fausse, le cours de l’action remonte, l’illustre financier a ainsi perdu beaucoup d’argent et la face.
Puis, un large débiteur italien qui avait toujours honoré ses dettes lui fait soudainement défaut en disparaissant mystérieusement ; la main invisible de Monte Cristo tient les cordons de la bourse de Danglars qui se vide inexorablement.

Au bord de la faillite, le baron boursicoteur se laisse berner par le comte qui lui promet des gains pharamineux en investissant sur de potentielles mines d’or au Mexique ou des réserves de poissons rares en Russie qui s’avèreront plus tard des gouffres financiers.

La maison hantée

Monte Cristo organise ensuite un dîner dans une maison à la campagne qu’il a achetée en sachant que c’est dans cette demeure que Villefort commit l’adultère avec Mme Danglars et enterra en cachette leur fils illégitime qu’il pensait mort à la naissance. Le comte invite à ce dîner les époux Villefort et Danglars afin de déstabiliser les amants fautifs.

Comme à son habitude, Monte Cristo éblouit ses convives avec une profusion de mets rares et exquis dont certains ont été acheminés par des moyens extraordinaires tels des poissons frais péchés en Italie et en Russie qui ont été transportés vivants dans des tonneaux en guise d’aquariums !

Puis, la tension s’installe lorsque des convives évoquent des rumeurs de crimes commis dans cette maison qui sont aussitôt renchéries par Monte Cristo qui constate avec un malin plaisir dissimulé la gêne de Villefort. Le comte fait ainsi durer le suspense, dévoilant une à une les pièces à conviction qui confortent le soupçon qu’un bébé a été accouché dans cette maison puis a été enterré dans le jardin.

Villefort et Mme Danglars sont au supplice et ont du mal à contenir leurs émotions tandis que les autres convives sont captivés par cette histoire sordide. Finalement, Monte Cristo déterre un coffret devant ses invités ébahis mais celui-ci est vide, le mystère reste donc entier.

Pour sa part, Villefort sait que l’enfant est vivant car il avait été grièvement blessé par un bandit lorsqu’il enterrait le coffre dans le jardin et, lorsqu’il était retourné sur les lieux de son agression après être rétabli, il avait découvert le coffre vide puis des preuves que l’enfant avait été recueilli vivant par des inconnus mais sans parvenir à retrouver sa trace. Il s’agit du jeune faux prince Cavalcanti.

Le procureur se doute que Monte Cristo est au courant de cette histoire donc cela signifie qu’il cherche à lui nuire et il va ainsi mener secrètement une enquête sur le comte avec les moyens de la justice mais il se fera facilement berner par les travestissements de Monte Cristo en l’abbé Busoni et Lord Wildmore qui lui donnent de fausses informations sur le comte.

Villefort brise la glace face à ses malheurs

A la suite de ce dîner lugubre dans la maison hantée, Madame Danglars est bouleversée, elle convient avec Villefort de s’entretenir en privé. C’est alors que le procureur ouvre sa froide et rigide carapace devant son ancienne amante pour laisser échapper des émotions douloureuses qu’il tente de maîtriser tant bien que mal. Villefort nous montre alors un visage plus humain en dévoilant les remords qui le rongent d’avoir laissé son fils pour mort et de ne pas être parvenu à le retrouver.

Villefort va ensuite être confronté à un dilemme lorsque son père, Mr Noirtier, va s’opposer à son projet de marier sa fille Valentine avec le baron Franz d’Epinay en menaçant de la déshériter. Villefort décide de respecter la décision paternelle bien qu’elle aille à l’encontre de ses intérêts et encore plus de son épouse vénale car les volontés de son aîné lui sont aussi sacrées que la loi.

Puis, lorsqu’une série de morts suspectes frappe l’entourage de Villefort, les soupçons du médecin de la famille finissent par se porter sur Valentine dont l’héritage est favorisé par ces tristes évènements mais Villefort refuse de croire à cette hypothèse malgré certains faits troublants, il préfère mourir que d’endosser son rôle de procureur sur sa propre fille qu’il aime au-dessus de tout.

Cela rend le récit plus intéressant et plus réaliste d’avoir des personnages de méchants qui sont capables à la fois de froides cruautés à l’encontre de ceux qui ont le malheur de gêner leur ascension  sociale tout en éprouvant des sentiments tendres et sincères pour leurs proches.

Danglars, un cynique ironique amusant

Danglars s’avère parfois un personnage plaisant à suivre car il assume au sein de son cercle proche ses instincts de froid calculateur et de profiteur tout en ne se gênant pas non plus pour relever celle des autres avec un ton moqueur. Sa franchise ironique attire ainsi ma sympathie.

Il y a notamment une conversation amusante qui se tient entre lui et sa fille Eugénie où ils devisent sans affects de leurs intérêts mutuels dans l’éventualité où Eugénie se marierait avec le prince Cavalcanti dont la fille du baron se contrefiche éperdument, préférant continuer sa vie de bohème avec son amie pour jouer de la musique ou au théâtre.

Eugénie se dit peu intéressée par les richesses et encore moins par le métier de banquier de son père jugé peu honorable mais celui-ci lui rappelle avec une douce ironie qu’elle ne méprise pas pour autant l’argent qu’il lui donne pour subvenir à ses besoins et qui est issu de son activité dénigrée.

Le père et la fille finissent par conclure un pacte d’intérêts convergents où chacun y trouvera son compte : le banquier bénéficiera des nouveaux capitaux apportés par son gendre et l’artiste pourra garder une certaine liberté. Il n’y a aucune trace d’amour filiale dans leurs échanges, ce sont de simples échanges entre associés.Plus tard dans le récit, lorsque le baron sera ruiné et prêt à prendre la fuite, il écrira une lettre à sa femme dont le ton ironique et mordant est très plaisant à lire. Danglars règle ainsi ses comptes avec sa femme qui l’a toujours méprisé pour son manque de prestance en bonne société, il lui décrit sans scrupules l’étendue de leur ruine subite et totale en se moquant de son épouse avec une effronterie masquée par des formules de politesse.

Le baron joue à fond son rôle de grossier personnage que la baronne lui a toujours reproché et il ne se gêne pas pour mettre le nez de sa digne épouse hautaine dans ses propres bassesses. Celle-ci se voit d’ailleurs lâchement abandonné par son amant, tout autant froid et opportuniste que la famille Danglars.

Le jugement de Dieu

Alors que le comte est en train de déployer sa vengeance survient par surprise un ancien personnage, il s’agit de l’aubergiste Caderousse qui a été témoin de la trahison d’Edmond Dantès par ses anciens amis et qui le lui a révélé sous les traits de l’abbé Busoni. Nous apprenons ainsi qu’après avoir empoché le diamant en récompense de ses confidences, Caderousse a ensuite assassiné par cupidité le marchand qui le lui a acheté puis sa femme afin de garder tout l’argent pour lui.

L’aubergiste fut finalement arrêté puis condamné au bagne où il rencontra le fils illégitime de Villefort, alias le prince Cavalcanti. Ensemble, ils s’évadèrent grâce à l’intervention secrète de Monte Cristo puis ils se séparèrent. Mais Caderousse a retrouvé la trace de son ancien compagnon de bagne, désormais devenu riche, et il souhaite tirer profit de cette situation.

Pour se débarrasser de lui, Cavalcanti le pousse dans un piège en l’incitant à cambrioler la demeure du comte après avoir prévenu celui-ci dans l’espoir que Caderousse soit arrêté. Mais Monte Cristo laisse repartir l’aubergiste après l’avoir surpris en flagrant délit car il a observé la présence de Cavalcanti à l’extérieur dans la pénombre et il décide de faire appel au jugement de Dieu pour décider du sort de l’ancien bagnard qui avait eu de multiples chances de se racheter mais qui a persévéré dans le banditisme.

Finalement, Caderousse est mortellement blessé par son ancien complice qui ne veut pas courir le risque d’être démasqué. Monte Cristo a observé la scène sans intervenir, comme un simple spectateur de la soi-disante justice divine puis il recueille chez lui le bandit agonisant.

C’est alors que le comte décide de révéler à Caderousse sa véritable identité après avoir tenu un discours mystique sur la Providence ; il interprète ainsi ce retournement de situation comme une preuve de la justice de Dieu car lui, Edmond Dantès, qui a terriblement souffert est désormais immensément riche et puissant tandis que Caderousse est puni pour ses méfaits et ses ennemis qui l’ont dénoncé en paieront bientôt le prix.

Les anciens alliés désunis

De manière insidieuse, Monte Cristo monte Danglars contre Morcerf en lui conseillant de se renseigner sur son passé trouble de militaire à l’étranger afin d’éclaircir les soupçons qui pèse sur le père de son potentiel futur gendre. En parallèle, le comte met en valeur le faux prince Cavalcanti afin que Danglars le considère comme un potentiel parti plus intéressant pour sa fille et donc pour lui.

Après enquête, Danglars obtient des informations compromettantes sur Morcerf qui aurait trahi un ancien allié en échange d’une forte récompense de son ennemi. Danglars décide de laisser fuiter ces faits accablants dans la presse en restant vague sur l’identité du coupable puis il s’appuie sur l’émoi provoqué par ces révélations afin de retarder la décision de marier sa fille avec Albert de Morcerf.

Le Comte de Morcerf est profondément humilié par cet affront du baron qui se dérobe lâchement à son engagement oral mais il est obligé de se contenir pour ne pas attirer davantage l’attention sur lui. En revanche, son fils Albert de Morcerf ne peut supporter l’insulte portée contre son père ; il exige un démenti formel du journaliste qui a publié la nouvelle mais celui-ci refuse en arguant qu’il a pu vérifier la véracité de ces faits.

Albert de Morcerf cherche alors à savoir qui a informé le journaliste et il finit par découvrir que c’est Monte Cristo qui a incité Danglars à le faire. Il est abasourdi par cette découverte car il pensait que le comte était son ami. Furieux, il provoque Monte Cristo en duel devant témoins pour laver l’honneur de son père et Monte Cristo accepte d’un ton froid et implacable sans aucune marque de surprise, cela faisait partie de son plan.

Les masques tombent à la Nuit des anciens amants

S’ensuit un des passages les plus émouvants du roman comme à chaque fois que Edmond et Mercédès se retrouvent car leur histoire commune est une grande tragédie d’un amour volé, trahi et rendu impossible. On retrouve alors la puissance des émotions ressentis par Edmond Dantès comme lorsqu’il était en prison.

Mercédès se rend chez le comte dans la nuit après avoir appris son duel prévu contre son fils le lendemain matin. Aussitôt, elle se jette à ses pieds en l’appelant par son vrai nom pour le supplier d’épargner son fils. Monte Cristo est bouleversé d’entendre son nom de la bouche de l’amour de sa vie, son masque d’impassibilité vol en éclats sans plus retenir ses émotions longtemps refoulées. Mercédès affirme l’avoir reconnu dès sa première rencontre mais sans comprendre son but ni ses intentions et elle lui demande des explications sur sa haine envers sa famille.

Edmond livre alors toute sa rancœur contre Fernand, toute la souffrance qu’il a endurée pendant ses quatorze années de captivité au sortir de laquelle il retrouva son père mort affamé et son ancienne fiancée mariée à celui qui l’a envoyé en prison : quel supplice !

Pour prouver les faits à Mercédès qui ignorait jusqu’alors la raison de l’incarcération de son bien aimé, Edmond lui montre la traitreuse lettre de dénonciation écrite par Danglars et Fernand. La comtesse est alors au comble du désespoir, elle qui apprend à la fois la perfidie de son mari et la souffrance de son amant de toujours mais Mercédès se cramponne à sa volonté de sauver son enfant chéri d’une mort certaine. Edmond fini par céder, par amour pour elle, touché par ses mots sincères de douleurs et de repentir, c’est très émouvant.

Puis, Edmond remet son masque imperturbable du comte de Monte Cristo pour préciser à la comtesse de Morcerf les conséquences de son renoncement à se venger : cela signifie sa mort car il a été provoqué en public et son honneur, sa dignité est en jeu. En effet, le comte a mis trop d’efforts à élaborer ses plans minutieux pour y renoncer paisiblement et il a trop souffert pour pouvoir supporter un nouvel affront si proche de son but.

 Mercédès le remercie du fond du cœur et lui demande de garder espoir, elle le quitte heureuse d’avoir retrouvé le Edmond qu’elle a tant aimé tandis que Monte Cristo rumine pendant toute la nuit son échec alors qu’il était si près d’assouvir sa vengeance tant attendue, il devient alors fataliste en acceptant l’idée de mourir.

Duels

Le lendemain matin, il se rend sur le lieu du duel où il retrouve ses témoins et ceux d’Albert de Morcerf mais celui-ci se fait étrangement attendre. Le voici qui arrive au galop d’un air fortement troublé, il dépose pieds à terre puis demande aux témoins de se rapprocher afin qu’ils entendent et répètent autour d’eux sa déclaration au comte de Monte Cristo.

Sa mère lui a raconté tous les malheurs que le comte a subi à cause de son propre père et Albert présente ses excuses à Monte Cristo, il retire son injure et par là annule le duel : tous les deux sont sauvés. Monte Cristo qui s’apprêtait à mourir remercie alors intérieurement Mercédès pour sa bonté et le Ciel pour sa miséricorde.

De retour à la demeure familiale, Albert décide d’abandonner immédiatement tout ce qui le relie à son père : ses richesses, sa demeure et même jusqu’à son nom en prenant celui de sa mère. Celle-ci l’accompagne en quittant également ses richesses et le domicile conjugal pour retourner au lieu de ses origines, à Marseille. Le fils veut refaire sa vie dans des campagnes militaires à l’étranger pour laver le déshonneur paternel qui lui colle à la peau, la mère aspire au recueillement loin de l’agitation du monde dans un couvent.

En ce qui concerne le comte de Morcerf, sa honte se transforme rapidement en furieuse colère contre celui qui est à l’origine de son naufrage, il se rend alors au palais de Monte Cristo pour le provoquer en duel afin de réparer ce que son fils n’a pas voulu faire. Edmond lui révèle alors froidement son identité, Fernand est pétrifié par la vision de ce fantôme venu le hanter pour lui rendre des comptes. Pris de panique, il s’enfuit chez lui juste à temps pour apercevoir sa femme et son fils qui le quittent à jamais, sans même un regard pour lui. Alors, au comble de la honte et du désespoir, Fernand se suicide ; le premier des trois ennemis est tombé.

La loi du talion

Afin de se venger de Danglars à la hauteur de ce qu’il lui a fait subir, Monte Cristo réplique des scènes similaires à ce qu’il a vécu. Ainsi, une lettre retrouvée de manière soi-disant fortuite par Monte Cristo sur le corps sanguinolent de Caderousse dévoile le passé de bagnard du prince Cavalcanti alors que celui-ci s’apprête à se marier avec la fille du baron.

Les gendarmes font alors irruption en pleine cérémonie de mariage pour arrêter le futur époux comme dans le passé pour le pauvre Edmond Dantès ; le coup est cruel mais parfaitement orchestré. L’arrestation du faux prince Cavalcanti discrédite ainsi le baron Danglars et annihile son unique chance de renflouer ses caisses avec les capitaux de son gendre, il ne lui reste donc plus qu’à fuir.

Le deuxième ennemi de Dantès est tombé, désormais, c’est au tour du dernier et du plus impitoyable : Villefort.

Le procureur est déjà blessé dans sa chair et dans son cœur en raison des morts par empoisonnement qui touchent son entourage et dont la dernière victime est sa tendre fille Valentine. Il décide alors de se saisir du procès du faux prince Cavalcanti meurtrier et ancien bagnard pour se plonger corps et âme dans cette affaire afin d’éloigner la douleur qui l’accable et de repousser la terrible décision qu’il doit prendre concernant le coupable des empoisonnements qu’il a fini par démasquer.

Il s’agit de Mme de Villefort, aveuglée par l’appât du gain de l’héritage de sa belle-famille et voulant tout accaparer pour son fils unique. Villefort s’avère implacable dans sa résolution de punir l’assassin de sa fille, même envers sa propre épouse, il l’enferme dans sa chambre en lui laissant le choix entre le poison ou le déshonneur d’un procès qui aboutira à l’échafaud puis il s’en va plaider contre Cavalcanti.

Après avoir condamné sa femme, le procureur instruit à charge, sans le savoir, son fils mais ce dernier a été informé de sa secrète ascendance par le comte de Monte Cristo et il révèle tout devant un public abasourdi. Villefort est glacé d’effroi, les détails fournis par Cavalcanti le convainquent qu’il est bien son fils, il est terrassé. Alors, le procureur reconnait ses torts devant l’audience médusée par ce retournement de situation puis il quitte le tribunal, vaincu. Aussitôt, il pense à sa pauvre femme qu’il a dédaigneusement condamné alors que lui-même est coupable de crimes, il se dépêche alors de la retrouver afin de la délivrer puis de fuir ensemble. Monte Cristo a appliqué la loi du talion à ses ennemis, dénonciation pour dénonciation et procès pour procès.

Le châtiment dépasse son auteur

Villefort arrive trop tard à son domicile, l’irréparable a été commis : son épouse a bu son propre poison et, comble de malheur, elle a emporté son fils dans son voyage dans l’au-delà. Le procureur tombe à genoux et devient ivre de douleur, cette succession de terribles malheurs le rendent fou et désespéré. Le récit a pris une tournure macabre, glauque, c’en est trop de cette vengeance sordide qui a dépassé les limites acceptables de la légitime vengeance en frappant un innocent.

Villefort croise en sortant de la chambre l’abbé Busoni qui le scrute d’un regard attentif et sévère, le procureur prend alors conscience que ce personnage est apparu dans son entourage en même temps que le début des malheurs qui frappent sa famille. Il le questionne sur la raison de sa présence, Monte Cristo en déduit à la mine défaite de son ennemi que la révélation de son fils à son procès a eu lieu et qu’il est désormais vengé donc il dévoile sa réelle identité et son projet de vengeance en appliquant la loi du talion.

Villefort a été tellement choqué par cette succession de tragédies qu’il est à peine surpris par cette nouvelle révélation, il saisit alors la main de son juge et bourreau pour l’emmener dans la chambre afin de lui montrer les corps gisants de sa femme et de son fils puis il lui demande d’un ton glacial s’il est désormais bien vengé. Monte Cristo est pétrifié à la vue du corps inerte du jeune enfant, il perd pied en constatant avec horreur que son piège savamment orchestré lui a largement échappé.

Le comte tente désespérément de ranimer le pauvre enfant mais il est trop tard, sa vengeance lui a échappé, il est temps qu’elle cesse et qu’il s’en aille. Monte Cristo a désormais un goût amer dans la bouche, il a terrassé ses trois ennemis mais l’écœurement l’envahit, il a besoin de quitter Paris, de retrouver le soleil de sa jeunesse à Marseille.

Le chapitre de la vengeance est clos, il est temps désormais de conclure.

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Le piège de la vengeance se met en place

« Et maintenant, […] adieu bonté, humanité, reconnaissance… Adieu à tous les sentiments qui épanouissent le cœur !… Je me suis substitué à la Providence pour récompenser les bons… que le Dieu vengeur me cède sa place pour punir les méchants ! »

Les amants retrouvés

Après l’épisode romain, le récit reprend quelques mois plus tard lors de l’arrivée du Comte de Monte Cristo à Paris sur l’invitation d’Albert de Morcerf. Le jeune fils de son ennemi s’est entouré pour l’occasion de ses amis proches et le comte leur fait rapidement forte impression en raison de ses récits de voyages exotiques et de ses idées franches et subversives qu’il assène sans détours.

Albert emmène ensuite le comte dans les appartements de sa mère pour le présenter. En patientant dans un vestibule, Monte Cristo découvre le portrait resplendissant de Mercédès : il est saisi par sa beauté et ému par les tendres souvenirs resurgissant de sa mémoire mais il tâche de dissimuler ses émotions au retour de ses hôtes.
C’est enfin les retrouvailles des amants après plus de vingt ans de séparation ! La comtesse ne connait pas la véritable identité de son invité de marque bien que son intuition éveille ses sens ; elle est troublée par la voix et le visage du Comte de Monte Cristo qui lui semblent familiers sans pouvoir les rattacher à des souvenirs précis. Mercédès perçoit également l’émotion contenue qu’elle suscite auprès de son invité mais la raison de sa présence l’intrigue, elle ressent une menace planer sur sa famille.

Après avoir pris congé du comte, Mercédès demande aussitôt à son fils des informations sur le passé de cet étrange personnage et elle lui enjoint de rester sur ses gardes, à la grande surprise de celui-ci qui ne se doute de rien.

La course contre le temps à tout prix

Après cette entrevue émouvante, Monte Cristo prend ses quartiers dans un somptueux logement sur les Champs Elysées qu’il n’a même pas pris la peine de visiter avant de l’acheter ; il procède ainsi pour tous ses achats luxueux.
Le comte étale sa richesse devant le tout Paris, rien ne doit lui résister, il est prêt à acheter les objets les plus recherchés à prix d’or et sur le champ, sans même les essayer :  l’argent compte pour lui bien moins que le temps car il dispose du premier quasiment à l’infini tandis que le second ne s’achète pas.

Néanmoins, le comte peut raccourcir les temps d’exécution de ses tâches grâce à son habile personnel soigneusement sélectionné pour exécuter avec célérité ses ordres et en utilisant les moyens de transports les plus rapides pour raccourcir les durées de trajets.

Après avoir s’être fait connaître de la haute société parisienne comme un homme immensément riche et extravagant, il est temps pour Monte Cristo d’attirer à lui ses trois terribles ennemis : Morcerf, Danglars et Villefort ; le temps de la confrontation est enfin venu.

Morcerf, représentant du pouvoir militaire, et politique

Le premier ennemi confronté par Monte Cristo est le Comte de Morcerf, alias Fernand, son ancien ami qui l’a dénoncé traitreusement puis a épousé sa fiancée. Fernand ne reconnait pas Edmond Dantès sous son accoutrement et avec le poids des années alors qu’il le croit mort en prison. De toute façon, Morcerf semble obnubilé par sa propre personne et, malgré son ascension sociale fulgurante, il demeure préoccupé par les intrigues politiques incessantes donc il accorde peu d’intérêt à Monte Cristo et leur entrevue est de courte durée.

Monte Cristo aura par la suite peu d’occasions de revoir Morcerf, il mènera donc discrètement son enquête sur le passé trouble de ce triste personnage pour récolter des preuves et des témoignages de ses méfaits afin de le faire tomber en disgrâce le moment venu.

Danglars, représentant du pouvoir financier, et politique

Lors de sa première rencontre avec le Baron Danglars, le Comte de Monte Cristo commence par lui rendre hommage en citant tous ses titres de noblesse et ses mandats électoraux prestigieux ainsi qu’en louant ses dons de financier puis, sans sommations, il décoche ses premières flèches pour percer le costume d’orgueil de ce nouveau riche opportuniste en dévoilant ses bassesses de manière faussement naïve.

Monte Cristo dit les choses comme elles sont d’un ton implacable, sans filtres ni circonvolutions, son interlocuteur est interloqué et ne peut déterminer si ce mystérieux étranger est volontairement impertinent ou bien peu au fait des convenances de la bonne société parisienne. 

L’entretien tourne alors à une satire de cette nouvelle catégorie d’aristocrates dits « populaires », représentés par Danglars, qui veulent à la fois se draper des honneurs de la noblesse dans la haute société tout en souhaitant recueillir l’assentiment du peuple en revendiquant d’en être issu et d’agir pour son bien.

Le comte tisse alors le premier fil de son piège en présentant au baron des recommandations de banquiers illustres pour que la banque Danglars lui ouvre un crédit illimité. Cette annonce provoque l’incrédulité puis la panique du financier car elle attaque ses points faibles : son avarice et son aversion pour le risque non maîtrisé.

Danglars tente alors de faire diversion en suggérant un prêt d’un million, ce qui lui semble déjà une somme immense mais Monte Cristo rejette sa proposition ironiquement en lui montrant devant ses yeux ébahis qu’il possède déjà cette somme sur lui et qu’il a donc besoin de bien plus d’argent.

Le comte fait ainsi comprendre au baron qu’ils ne jouent pas dans la même catégorie et ce dernier finit par accepter un crédit sans limites, de peur de rater une opportunité d’attirer un si gros client et dans l’espoir d’en tirer en retour des intérêts à la hauteur du prestige du comte. Danglars est ainsi pris dans la toile du piège de Monte Cristo.

Villefort, représentant du pouvoir judiciaire

Le procureur du roi Villefort étant accaparé par sa mission et peu friand des mondanités, Monte Cristo met en scène le sauvetage de sa femme et de son fils lors d’un accident de carrosse afin de forcer celui-ci à lui rendre visite pour le remercier.

Villefort s’avère l’adversaire le plus coriace de Monte Cristo car son métier d’enquêteur l’a rendu méfiant vis-à-vis des hommes, il a également un mode de vie relativement austère donc il est moins sensible à la flatterie et aux démonstrations de richesse.

Par conséquent, Monte Cristo utilise une approche différente de ses précédents adversaires afin de déstabiliser Villefort ; il lui tient un discours quasi mystique sur la justice des hommes et la Providence en s’estimant un être d’exception investit d’une mission quasi divine sans préciser son but. 

Villefort tente alors de reprendre le contrôle de la conversation en repoussant dédaigneusement ces élucubrations philosophiques car l’exercice de la justice est selon lui une mission sérieuse qui nécessite de longues années d’études et de la rigueur afin de pouvoir comprendre et maitriser l’ensemble de ses mécanismes.

Monte Cristo relève le défi de confronter le procureur sur son sujet de prédilection en lui étalant son érudition dans ce domaine qu’il a étudié sous toutes ses formes, non seulement en France, mais aussi dans les nombreux pays orientaux qu’il a visités. Sa vision est donc bien plus complète que Villefort ; le comte en vient à la conclusion de la futilité de toutes ces règles, ces codes, ces enquêtes, discours et délibérations, il lui préfère la loi primitive et simpliste du talion.  

Monte Cristo tourne ensuite en ridicule son interlocuteur prétentieux qui cherche à le prendre de haut en se disant très occupé par sa charge qu’il juge plus digne que celle du comte qui peut se permettre de philosopher tout en jouissant de ses richesses. Monte Cristo contre-attaque en soulignant les contradictions et les incohérences du procureur entre son discours et ses actes ; le comte met ainsi en doute le mérite de Villefort toujours sous couvert d’une fausse naïveté excusable pour un étranger peu aux faits de la bonne conduite à tenir en société. 

Un peu de légèreté dans la gravité

Après ces rudes confrontations, il s’ensuit un passage plus léger qui arrive à point dans le récit afin de donner de la respiration : il s’agit de l’entrée en scène du père et du fils Cavalcanti. Cela ressemble à une comédie de boulevard où chacun des personnages pense duper l’autre à son profit ; Monte Cristo a fait venir à Paris ces deux italiens qui ne se connaissent pas après les avoir rencontrés séparément sous les traits de l’abbé Busoni et de lord Wildmore.

Le comte fait passer l’un pour le fils et l’autre pour le père dans l’unité du saint argent que tous les deux espèrent toucher à la fin de leur étrange mission. Il est amusant de contempler ces deux nouveaux personnages qui croient berner le comte sans savoir que c’est lui qui est à l’origine de cette farce ; les Cavalcanti jouent leur rôle à merveille sans poser trop de questions de peur d’éveiller les soupçons et de rater leur promesse de récompense qui leur semble trop belle pour être vrai.

Le comte s’amuse peu de cette situation, il est tout à son plan de vengeance car le fils Cavalcanti est en réalité le fils illégitime de Villefort et de l’épouse de Danglars que le soi-disant digne procureur a laissé pour mort à sa naissance et dont Monte Cristo a appris l’existence en enquêtant sur la vie du procureur ; la toile du piège s’étend à d’autres proies.

Liaisons entre familles

A mesure que le comte s’insère dans l’entourage de ses ennemis, il découvre les nombreuses intrigues qui lient leurs différentes familles et Monte Cristo va s’en servir pour élaborer son plan d’attaque.

Il y a des liaisons officielles qui reposent généralement sur de simples convergences d’intérêts dénuées de sentiments ; elles sont par conséquent plus fragiles et menacées de ruptures soudaines tandis que d’autres sont nouées à l’abri des regards en se nourrissant de sentiments sincères et nobles, rendant ainsi leurs liens invisibles bien plus solides.

Les enfants sont à cette époque une monnaie d’échange, de simples figurants pour leurs mariages qui représentent des alliances entre familles où les sentiments comptent peu ; ce sont des contrats sans affects, une série de chiffres, une addition de rentes, de propriétés et de titres mais il n’y a point de cœur dans tout cela.

Le Baron Danglars est ainsi officiellement un opposant politique du Comte de Morcerf mais, officieusement, ces deux opportunistes alliés depuis leur premier méfait à Marseille projettent ensemble de marier leurs enfants Albert et Eugénie afin d’accroitre leurs richesses et leur prestige. Les deux jeunes fiancés ne partagent aucun sentiment amoureux l’un envers l’autre mais ils semblent se résoudre aux vœux de leurs parents tant que chacun puisse garder une certaine liberté d’action.

Monte Cristo fait alors entrer en scène les Cavalcanti en les faisant passer pour de riches princes italiens auprès du baron Danglars et en laissant suggérer que le fils représenterait un bon parti pour sa fille, l’appât du gain commence à semer le doute dans l’esprit du banquier, un nouveau fil est tissé.

La fille aînée de Villefort, Valentine, issue du premier mariage du procureur avec une noble, Madame de Saint Méran, est pour sa part destinée au baron Franz d’Epinay dont le père était un illustre général qui paya de sa vie son soutien affiché à la monarchie alors que Napoléon était sur le point de revenir en France. Le but de ce mariage est pour Villefort de faire taire les rumeurs qui pèsent sur son propre père, ancien bonapartiste de haut rang, le soupçonnant d’avoir participé à la disparition du général ennemi.

Mais Eugénie aime en secret le fils de Monsieur Morel, Maximilien, militaire en congé à Paris après une campagne à l’étranger et sur lequel veille affectueusement Monte Cristo comme son propre fils en souvenir ému du soutien indéfectible de son ancien armateur.

Liaisons entre les familles des ennemis de Monte Cristo

Des parents exempts d’exemplarité

Danglars s’est marié avec une noble qui lui a permis d’acquérir le titre de baron mais il n’en a pas les codes de bonne conduite et il se fait régulièrement humilier par son épouse. Celle-ci a un jeune amant qui l’accompagne officiellement en tant qu’ami afin de sauver les apparences en société mais personne n’est dupe, y compris le baron qui s’accommode de cette situation tant qu’elle lui est profitable.

En effet, l’amant de la baronne Danglars détient un poste haut placé dans un ministère permettant d’obtenir des informations de premier ordre qu’il transmet en exclusivité à sa maîtresse afin que son mari investisse en premier dans les bonnes affaires et rétrocède une partie de ses intérêts à sa femme. La paix de ce ménage à trois est ainsi assurée tant que chacun y trouve son compte.

En découvrant cette liaison, Monte Cristo comprend ainsi que l’une des raisons principales de la richesse de Danglars est son accès privilégié à l’information, cela va lui permettre de tisser de nouveaux fils pour piéger le banquier.

Après le décès de sa première épouse, Villefort s’est remarié et a eu un fils, Edouard. Lors de sa rencontre avec Monte Cristo, la nouvelle épouse de Villefort se montre très curieuse au sujet des expérimentations du comte pour élaborer des élixirs aux effets tranquillisants qu’il affectionne depuis son voyage en Orient et qui peuvent s’avérer mortels à hautes doses.

Monte Cristo se doute que cette curiosité cache de mauvaises intentions qui pourraient nuire à son ennemi donc il partage sans états d’âme à Mme de Villefort ses recettes. Quelques semaines plus tard, les parents de l’ancienne épouse de Villefort sont mystérieusement retrouvés morts dans leur sommeil puis c’est au tour du serviteur du père de Villefort de mourir d’étouffement sous les yeux effarés de son maître après avoir bu un verre d’eau qui lui était destiné. Le doute et les soupçons s’installent dans la famille de Villefort.

Monte Cristo a désormais acquis la confiance du cercle proche de ses ennemis et les informations qu’il obtient au gré de confidences ou de ses enquêtes lui permettent de mettre à jour tous ces liens qui unissent leurs familles et les rouages de leur organisation qui tournent à leur profit. Il va pouvoir désormais ajouter ses grains de sable afin de détraquer la machine et la détourner pour accomplir sa vengeance.

Le rythme du roman redevient captivant, la toile se tisse et les pièces du puzzle s’assemblent progressivement sans que l’on puisse encore voir le dessin final mais on sent que Monte Cristo est désormais prêt à passer à l’attaque.

Place à l’attaque

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Rattraper le temps perdu

« – Vous avez beaucoup souffert, monsieur ? […]

– A quoi voyez-vous cela ? […]

– A tout, […], à votre voix, à votre regard, à votre pâleur, et à la vie même que vous menez.

– Ah si vous aviez goûté de ma vie, vous n’en voudriez plus d’autre, et vous ne rentreriez jamais dans le monde, à moins que vous n’eussiez quelque grand projet à y accomplir.

– Une vengeance ! par exemple 

– Et pourquoi une vengeance ? […]

– Parce que, […], vous m’avez tout l’air d’un homme qui, persécuté par la société, a un compte terrible à régler avec elle.»

A la recherche du trésor

Après son évasion spectaculaire de la prison du château d’If, Dantès parvient à rejoindre à la nage un petit îlot puis, lorsqu’une frêle embarcation passe à proximité, il fait un signe de détresse en se faisant passer pour un naufragé.

L’équipage se trouve méfiant à son égard car ce sont des contrebandiers mais Edmond gagne rapidement leur confiance en mettant à leur service ses talents de navigateur qu’il n’a pas perdus même après quatorze années de captivité. Ainsi, Dantès devient un membre de cet équipage hors-la-loi ; il se montre discret sur son histoire et patient quant à ses ambitions car l’expérience de son incarcération l’a rendu méfiant vis-à-vis des hommes et méticuleux pour surmonter les plus grands obstacles.

Les contrebandiers opèrent entre les côtes françaises et italiennes ; il leur arrive régulièrement de passer à proximité de l’île de Monte Cristo que Dantès observe alors attentivement. Mais il ne se précipite pas, il attend pendant plusieurs mois d’avoir la bonne occasion de s’y rendre sans éveiller les soupçons.

Celle-ci se présente alors que les contrebandiers font étape sur cette petite île inhabitée afin de procéder à un échange de marchandises à l’abri des regards. Alors, Monte Cristo mime un accident en chutant d’un rocher afin qu’on le laisse seul pendant plusieurs jours sur l’île tandis que l’équipage repart en mer pour une opération importante ; ils conviennent de le récupérer à leur retour en lui laissant des vivres.

C’est le moment de vérité pour Edmond : ce mystérieux trésor occupe ses pensées depuis qu’il a appris son existence du fond de son cachot ; il ne peut s’en détourner en retrouvant une vie modeste alors qu’on lui a volé les plus belles années de sa vie loin de ses êtres chers. Cette richesse lui procurerait ainsi des moyens immenses pour accomplir sa vengeance sur ses ennemis et soutenir ses proches ; ce serait en quelque sorte pour lui une occasion unique de rattraper le temps perdu en bénéficiant de ressources illimitées.

Il se lance alors avec anxiété à la recherche de l’entrée de la cache sur la base des indications de l’abbé Faria. Edmond est empli de doutes sur la véracité du récit de son compagnon de prison, cela lui semble un cadeau du ciel trop beau pour être vrai. Ainsi, même s’il décèle de nombreux indices laissant penser que de larges pierres ont été déplacées à la main puis que des branchages ont été déposés pour masquer les traces de ces travaux, il n’ose pas y croire de peur d’être déçu.

Chaque pas qui rapproche Edmond de son but augmente son angoisse et ses craintes. Il parvient à déloger un rocher avec de la poudre puis il s’engage dans une galerie qui aboutit à une impasse mais, grâce à son habitude de l’obscurité, Edmond décèle un passage secret soigneusement dissimulé qui permet d’accéder à une minuscule salle voutée sans issue.

L’ancien prisonnier observe alors méticuleusement les parois puis le sol de cette pièce sombre. En creusant la terre, il découvre une malle en bois avec des armatures de fer. A ce moment, Dantès est submergé d’émotions et il n’ose ouvrir le coffre de peur qu’il soit vide, c’est l’instant de vérité.

Edmond ouvre alors la malle d’un coup sec avec sa pioche, il est aussitôt ébloui par une multitude de pièces en or, de pierres précieuses et de diamants. Alors, il peut enfin exploser de joie après tous ses patients efforts : le trésor existe et il est à lui !

A la recherche du passé

Dantès récupère aussitôt quelques pierres puis cache à nouveau le trésor. Les contrebandiers reviennent ensuite le chercher et le ramènent sur la côte où il échange ses pierres pour de l’argent.

En prenant congé de l’équipage sur un faux prétexte, Edmond sollicite l’un des membres en qui il a toute confiance, Jacopo, pour se rendre à Marseille afin de prendre des nouvelles de son père et de Mercédès tandis qu’il retourne à l’île de Monte Cristo pour récupérer et sécuriser le reste de son trésor.

On constate ainsi que le premier soin de Dantès après avoir découvert son trésor est de se soucier des êtres qui lui sont le plus cher. Certains esprits tatillons objecteraient qu’il aurait pu le faire dès son évasion mais Edmond était recherché par les autorités et il n’avait pas le moindre sou ni papier, les risques étaient trop importants pour qu’il soit à nouveau fait prisonnier.
A son retour de la cité phocéenne, Jacopo lui apprend que son père est mort et qu’il n’a pas pu obtenir d’informations sur Mercédès, elle est introuvable. Dantès s’attendait à ce que son père soit décédé après toutes ces années écoulées mais il est étonné de ne pas trouver de traces de sa fiancée.

Il doit donc se rendre en personne à Marseille pour obtenir plus de détails mais sous une fausse identité afin de ne pas être appréhendé. Dantès se déguise ainsi en deux personnages : un riche anglais, lord Wildmore, et un prêtre italien, l’abbé Busoni. Il se servira par la suite souvent de ce stratagème pour agir en toute discrétion.

Avec le poids des années et son accoutrement, il constate avec satisfaction en arrivant au port que d’anciens matelots qui étaient sous ses ordres ne le reconnaissent pas donc il peut se déplacer sans risques. Cependant, Edmond ne parvient pas à retrouver des traces de Mercédès ni de Danglars et Fernand, tous semblent être partis depuis longtemps. On lui indique néanmoins où se trouve l’aubergiste Caderousse qui les connaissait bien tous les trois.

Terribles révélations

Edmond se présente à Caderousse sous l’identité de l’abbé Busoni en expliquant qu’il a confessé le prisonnier Edmond Dantès avant de mourir et que celui-ci lui a confié un petit bijou afin que le produit de sa vente soit redistribué à ses anciens amis qu’il a nommé Caderousse, Danglars et Fernand. C’est une astuce efficace pour pousser l’aubergiste à dénoncer ses anciens complices afin de garder tout l’argent pour lui et celui-ci tombe dans le piège : il apprend alors à Dantès de terribles nouvelles.

Son père est effectivement décédé mais les circonstances sont bien plus graves que ce qu’Edmond aurait pu imaginer. D’après Caderousse, le père d’Edmond Dantès s’est laissé mourir de faim au désespoir de n’avoir plus de nouvelles de son fils. Cela parait inconcevable à Edmond qui met ainsi en doute la version de Caderousse mais ce dernier lui explique que son père était parvenu à dissimuler sa grève de la faim, y compris à Mercédès et à l’armateur Monsieur Morel qui venaient régulièrement lui rendre visite pour le soutenir.

Dantès devient ivre de colère au fond de lui-même mais il est obligé de se contenir pour apprendre la suite des évènements passés, ce qui ne fera qu’amplifier sa rage. Ainsi, il obtient la confirmation que les personnes qui se disaient être de ses amis l’ont effectivement trahi de manière sournoise comme l’avait deviné l’abbé Faria. Mais ce n’est pas tout, à sa grande indignation, ces viles personnes sont désormais devenues riches et puissantes !

En effet, Danglars s’est enrichi en tant que banquier profiteur de guerres et il est même devenu baron à la faveur d’un mariage avec une noble, ils vivent dans un somptueux palais à Paris.

Pour sa part, Fernand fut enrôlé dans l’armée de Napoléon à son retour de l’île d’Elbe mais il déserta avec un général qui le promu au rétablissement de la monarchie puis il continua de monter en grade lors des guerres d’Espagne puis de Grèce contre les ottomans. Il fut alors anobli pour ses faits d’armes et ses services rendus à la Monarchie sous le titre de Comte de Morcerf.

La douleur d’Edmond atteint son paroxysme lorsqu’il apprend avec stupeur que Fernand s’est marié avec Mercédès. Son ancienne fiancée avait repoussé plusieurs fois les avances de Fernand mais elle avait fini par céder au bout de deux années sans nouvelles d’Edmond et alors que tout le monde le donnait pour mort en ces temps troubles.

Caderousse raconte également que son ancien armateur Monsieur Morel s’est battu pour innocenter Edmond mais il a été brimé à la restauration de la monarchie en raison de son soutien au bonapartisme. Son commerce maritime a ensuite subi de nombreux revers et il est désormais au bord de la ruine.

Dantès encaisse les coups successifs de ces terribles révélations alors qu’il s’est assis dans un coin sombre de l’auberge pour masquer ses émotions évoluant de la tristesse à une immense colère. Il est abasourdi par l’injustice de la vie où les bons sont punis, écrasés, broyés et plongés dans la misère tandis que les méchants sont récompensés, promus, riches et puissants.

A la fin du récit de l’aubergiste, l’abbé Busoni décide de laisser le bijou à Caderousse car il s’avère être le seul des anciens amis d’Edmond Dantès à ne pas l’avoir trahi ou, du moins, à ne pas avoir profiter de sa trahison.

La récompense des justes avant le châtiment des coupables

Après avoir confirmé ses soupçons sur ses ennemis et avoir eu des preuves de la bonté de son ancien patron, Monsieur Morel, Dantès décide en premier de lui venir en aide alors qu’il est menacé de banqueroute. Grâce son intervention sous l’identité d’un banquier anglais, Dantès remet à flot l’entreprise Morel.

Il parvient également à obtenir le registre des prisons où il découvrira la sentence implacable et mensongère de Villefort à son égard qui rendit tout recours impossible d’aboutir ainsi que la lettre de dénonciation anonyme rédigée par Danglars et Fernand.

A présent que son ancien bienfaiteur a été récompensé, Edmond peut désormais se consacrer à sa vengeance sur ses ennemis mais il décide de prendre le temps de s’y préparer en faisant un long voyage de plusieurs années à travers l’Orient

Nous avons très peu de détails sur cette partie de sa vie si ce n’est qu’Edmond prolonge les enseignement de l’abbé Faria en développant son usage de plusieurs langues et en étendant ses connaissances dans de nombreux domaines.

Rome, porte d’entrée de Paris

Il s’écoule ainsi une parenthèse de huit années dans le récit après laquelle on retrouve Edmond Dantès en l’année 1838 à Rome, il se fait désormais appeler le Comte de Monte Cristo.

Le comte fait alors la connaissance de deux nouveaux personnages français voyageant en Italie : Albert de Morcerf, fils unique de Fernand et Mercédès ainsi que Franz d’Epinay, son ami.

Bien que ces deux jeunes gens soient issus d’un milieu très favorisé, le Comte de Monte Cristo leur fait une forte impression en apparaissant comme un être immensément riche, extrêmement cultivé, distingué et original tant dans ses accoutrements orientaux que dans ses idées. Le Comte de Monte Cristo est un être mystérieux au visage extrêmement pâle, il mange peu malgré les festins qu’il offre à ses invités et rien ne lui semble hors de portée grâce à sa richesse qu’il dépense sans se soucier du prix ; il veut le meilleur et tout de suite.

Néanmoins, Franz perçoit à la vision cynique que porte le comte sur la société et les êtres qui la composent que celui-ci en a souffert et qu’il est ivre de vengeance malgré ses larges démonstrations de générosité et d’amabilité. Monte Cristo soutient notamment à ses jeunes interlocuteurs que la peine de mort lui semble une sanction trop faible au regard de la souffrance immense et durable que peuvent infliger certains criminels à d’innocentes victimes, il souhaite ainsi un châtiment à la hauteur des douleurs infligées en s’inspirant des divers supplices qu’il a pu observés lors de son voyage en Orient.

Le passage du récit à Rome s’avère moins intéressant à suivre car le rythme est plus lent, il y a moins de péripéties mais surtout, l’angle de la narration change et c’est déconcertant. Auparavant, le jeune Edmond Dantès était au centre du récit, tous ses sentiments et ses actions nous étaient décrits avec de nombreux détails, il nous était familier et on pouvait s’attacher à lui.  Désormais, Monte Cristo apparait comme un personnage secondaire supplanté par Albert et Franz ; Edmond Dantès semble être devenu une forteresse imperméable, y compris pour le narrateur.

Lorsqu’Albert de Morcerf invite Monte Cristo à lui rendre visite à Paris afin de le remercier de son hospitalité, on comprend que cette rencontre était préméditée par le comte dans le but de s’introduire dans le cercle des familiers de ceux qui l’ont trahi. Monte Cristo a pris son temps mais, désormais, il est prêt à retrouver ses ennemis pour accomplir sa vengeance.

Le piège de la vengeance se met en place

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Le Comte de Monte Cristo

Première partie : le bonheur volé

Deuxième partie : rattraper le temps perdu

Introduction : un succès populaire indémodable

Pourquoi tant d’attrait populaire pour ce roman d’Alexandre Dumas datant de quasiment deux siècles et qui demeure, malgré la succession d’époques aux modes et aux mentalités différentes, un succès dans les librairies et devant l’écran en étant interprété par les plus célèbres acteurs de leur génération ?

Qu’est-ce qui nous parle dans cette histoire de manière intemporelle et captive notre attention ? Est-ce la tragédie de ce bonheur volé qui appelle à un légitime sentiment de justice sociale et sentimental par tous les moyens ? Est-ce la fascination pour l’itinéraire chaotique de ce jeune héros rayonnant qui est plongé brutalement dans les abîmes d’un enfer carcéral d’où il parviendra à s’échapper pour devenir un homme riche et puissant assouvissant froidement et méthodiquement sa vengeance ?

Le public est souvent friand de ces histoires faisant la une de la presse people avec des célébrités déchues qui touchent le fond après avoir gravi les sommets mais il se passionne également pour les récits de rescapés d’une guerre ou d’un voyage périlleux qui ont fait preuves de grandes capacités de résilience en luttant inlassablement face à un environnement extrêmement hostile. Ce sont en quelques sortes des preuves vivantes que la roue de la Fortune s’applique à tous, petits et grands, qu’elle soit juste ou injuste, précoce ou tardive.

Pour ma part, j’avais souvent entendu parler de ce célèbre roman et de ses adaptations télévisuelles mais sans l’avoir lu. C’est au cours d’une séance d’escalade sur les parois des calanques avec une vue sur Marseille et la mer Méditerranée que notre moniteur pointa du doigt le château d’If en précisant que c’était le lieu d’emprisonnement du personnage principal du récit d’Alexandre Dumas, Edmond Dantès, futur comte de Monte Cristo.

A cette évocation, mon binôme de cordée me confia que la lecture de ce roman inscrit au programme de son bac l’avait passionné alors qu’il lisait peu. La vision de cette prison sur une île rocailleuse baignée de lumière au milieu d’une mer bleue paisible et scintillante sous un soleil radieux ainsi que les éloges unanimes de ce roman me poussèrent aussitôt à acheter le premier tome du Comte de Monte Cristo au retour de mon séjour.

Dès les premières pages, je fus saisi par cette histoire tragique et je lus quasiment d’une traite les trois cents premières pages du récit racontant l’injustice implacable qui s’abat sur Edmond Dantès puis la description effroyable et très réaliste de sa longue détention dans un cachot du château d’If où il passera par tous les états et se transformera en un autre homme.  C’est la partie du roman qui m’a le plus captivé par son réalisme et l’empathie que l’on ressent pour ce triste héros alors qu’elle est peu développée dans les adaptations télévisuelles qui sont néanmoins toutes très réussies, c’est pourquoi j’ai décidé d’en faire un article que voici.

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Le bonheur volé

« Quel quantième du mois tenons-nous ? demanda Dantès à Jacopo, […], en perdant de vue le château d’If.

  • Le 28 février, répondit celui-ci
  • De quelle année ? demanda encore Dantès.
  • Comment, de quelle année ! Vous demandez de quelle année ?
  • […]
  • De l’année 1829 » dit Jacopo

Il y avait quatorze ans, jour pour jour, que Dantès avait été arrêté. Il était entré à dix-neuf ans au château d’If, il en sortait à trente-trois ans.

Un douloureux sourire passa sur ses lèvres ; il se demanda ce qu’était devenue Mercédès pendant ce temps où elle avait dû le croire mort.

Puis un éclair de haine s’alluma dans ses yeux en songeant à ces trois hommes auxquels il devait une si longue et cruelle captivité. Et il renouvela contre Danglars, Fernand et Villefort ce serment d’implacable vengeance qu’il avait déjà prononcé dans sa prison. 

Le bonheur volé

L’histoire du Comte de Monte Cristo commence par le retour triomphal dans sa ville natale de Marseille du jeune et fringant officier de marine marchande Edmond Dantès après un long voyage en mer.  Alors qu’il s’apprête à se marier avec son amour de jeunesse, la belle Mercédès, sous les yeux de son père attendri et de son patron armateur qui vient de le promouvoir capitaine pour ses bons et loyaux services, il se voit soudainement accusé de complot contre la sûreté de l’Etat et emmené par des hommes en armes. L’accusation repose sur une simple lettre anonyme rédigée par des adversaires qui lui sont proches mais secrètement jaloux de ses succès, Danglars et Fernand.

Cette grotesque forfaiture aurait pu s’arrêter là mais le climat politique en France est sous tension alors que le nouveau roi Louis XVIII commence tout juste son règne après deux décennies de Révolution puis d’Empire et tandis que Napoléon n’est éloigné que de quelques jours de bateaux depuis l’île d’Elbe. C’est sur cette île qu’a fait discrètement escale Edmond à son retour de voyage sur les ordres de son ancien capitaine mourant afin qu’on lui confie un courrier secret à transmettre.

Lors de son jugement, Edmond a la malchance d’être confronté à un jeune procureur de justice ambitieux, Villefort, qui découvre en lisant ce courrier qu’il risque d’être discrédité si celui-ci est rendu publique car il met en cause son père bonapartiste. Ainsi, Villefort décide d’accuser Emond de haute trahison pour le réduire au silence dans un sombre cachot en évitant un procès tout en feignant à Dantès d’œuvrer pour son bien. Villefort manigancera tant et si bien qu’il parviendra à maintenir dans le plus grand secret la captivité d’Edmond malgré les recherches désespérées de ses proches et il sera même promu par le régime pour ses services rendus à la couronne.

A partir de son arrestation, Edmond Dantès va passer par tous les sentiments traduisant la dégradation progressive de son état moral et physique. Tout d’abord, son incompréhension est totale mais il garde espoir que cette histoire invraisemblable soit finalement résolue avec le soutien de ses proches et du procureur Villefort dont il ne doute absolument pas, à ce moment, de son impartialité.

Cependant, lorsqu’Edmond est emprisonné à sa grande surprise dans le château d’If alors qu’il aurait eu auparavant les moyens de s’enfuir s’il avait su sa destination, il est aussitôt plongé dans un univers cloitré effroyable où règnent le silence et l’obscurité et où le temps s’écoule inlassablement dans l’indifférence totale de ses geôliers pour ses souffrances. Edmond est alors complètement coupé du monde et il ne lui reste plus qu’à compter les jours puis les semaines qui s’additionnent progressivement en mois en tournant en rond dans sa sombre et minuscule cellule.

Après quasiment un an de détention, il reçoit enfin la visite d’un contrôleur des prisons qui lui promet de se renseigner sur les motifs de son emprisonnement. Edmond attend ainsi son retour avec espoir en comptant à nouveau les jours, puis les semaines qui deviennent encore des mois et même des années, il ne sait plus, tous ses repères se brouillent et sa raison vacille.

Dantès ne comprend pas pourquoi il est maintenu en détention dans d’effroyables conditions et sans aucune explication. Il commence même à douter de la réalité des évènements, cela le rend fou. Il demande à changer de cellule, qu’on lui apporte des livres ou qu’il soit en compagnie d’autres prisonniers mais tout cela lui est refusé froidement. Il se met alors à hurler de colère contre Dieu et les hommes qui l’ont abandonné, il crie toute sa rage sans avoir un objet ou une personne pour l’exercer dessus si ce n’est par la pensée puis, épuisé, le désespoir le submerge.

Au comble du désespoir, Edmond décide de mettre un terme à ces souffrances en se laissant mourir de faim, ce qui l’amène à un nouveau supplice où il devient son propre bourreau pour résister à l’envie de plus en plus tenace de dévorer son repas qui lui paraissait auparavant infecte.

La rencontre de l’espoir

Puis, soudain, alors que ses forces le quittent peu à peu, Edmond entend un bruit de grattement dans un mur de sa cellule après quasiment six ans d’extrême solitude. Ce son inhabituel dans son terrible isolement attise sa curiosité et développe son imagination : d’où ce bruit peut-il bien venir ? Serait-ce dû à des travaux de rénovation ou bien, peut-être, se pourrait-il que ce soit un autre détenu qui tente de percer le mur ?

Cet élément perturbateur lui redonne de l’espoir et la force de vivre, d’agir, même si les progrès de ses actions sont minuscules, Edmond a désormais un but. Il se met alors à gratter minutieusement le mur en direction du bruit tout en restant le plus discret possible. Dantès imagine des moyens de creuser avec le peu d’objets rudimentaires à sa disposition, il devient ingénieux pour tromper son gardien et nous suivons ses maigres avancées avec envie tout en craignant qu’il ne soit découvert, on serait prêt à l’aider à creuser si on pouvait après toutes les épreuves qu’il a vécues.

Edmond écoute avec attention les bruits pour vérifier qu’il s’agit bien d’une autre personne et que ce n’est pas le fruit de sa folie. Cette fois-ci, il ne divague pas et ces sons se produisent discrètement à des heures reculées où le gardien est absent, ce qui confirme l’hypothèse qu’un détenu en soit à l’origine.

Enfin, une pierre du mur se détache et Edmond aperçoit la figure de l’abbé Faria, vieux prisonnier érudit et habile de ses mains qui a creusé pendant des années un tunnel en pensant accéder à l’extérieur de l’enceinte mais une erreur d’orientation l’a fait arriver dans la cellule de Dantès, premier heureux coup du sort pour celui-ci.

A cet instant, Dantès est au comble de la joie d’avoir enfin une personne à qui parler et se confier, il n’est désormais plus seul et sa détention lui semble à présent moins lourde à supporter. Les interactions sociales sont en effet un besoin vital pour l’être humain au même titre que l’eau et la nourriture.

Dantès prend également conscience qu’il n’avait même pas songé à la possibilité de l’évasion tellement les obstacles lui semblaient insurmontables, l’exemple de Faria lui permet d’imaginer de plus grands desseins et de reprendre espoir dans l’avenir.

La découverte de la cruelle réalité

L’abbé Faria va également permettre à Edmond de percer le mystère de sa brutale incarcération qui lui était jusqu’alors demeurée incompréhensible dans toute la naïveté et l’innocence de sa jeunesse. Faria écoute attentivement le récit d’Edmond puis lui pose des questions précises et sans détours tel un enquêteur avisé des rouages de la société humaine.

En peu de temps, l’abbé met en lumière de manière raisonnée et implacable la cruelle réalité devant les yeux ébahis du pauvre Dantès qui découvre avec stupeur la vérité que son esprit honnête et idéaliste n’aurait jamais pu imaginer. Cette partie du récit est particulièrement poignante car c’est la prise de conscience du héros trahi avec qui on compatit forcément après avoir suivi ses terribles souffrances et infortunes. Il découvre un à un les lâches coupables de son injustice, c’est tel un coup de tonnerre dans son esprit naïf et idéaliste qui lui fait apercevoir la cruauté dont peuvent faire preuve certains êtres humains cachés derrière des masques d’hypocrites bienveillants.

Après cette fulgurante révélation, Dantès change radicalement, son esprit s’assombri mais s’affermi, son désespoir qui le maintenait dans un immobilisme stérile fait désormais place à une rage tenace de s’en sortir coûte que coûte pour se venger de ses injustes persécuteurs, son idéalisme rayonnant déçu se transforme en un froid réalisme penchant vers le cynisme.

Edmond voue alors une quasi dévotion à Faria qui lui a ouvert les yeux et lui a redonné l’espoir de s’évader, il souhaite tout apprendre de son nouveau maître qui sait parler de nombreuses langues et possède de grandes connaissances en sciences et en philosophie. Dantès accepte même de mettre en suspens ses projets d’évasion car ils semblent désormais trop périlleux aux yeux de Faria qui se refuse d’attenter à la vie d’un homme, même d’un geôlier. Edmond s’évadera donc pour le moment par l’esprit en repoussant toujours plus loin les limites de ses connaissances avec l’aide de Faria.

La délivrance

Toutefois, après encore plusieurs années de captivité, Faria finit par céder de nouveau à la tentation de s’enfuir et le duo de prisonniers creuse alors une nouvelle galerie pendant un an… Oui, encore une année entière qui s’écoule après déjà plus de douze ans de captivité pour Dantès !

Cependant, alors qu’ils approchent enfin de l’extérieur des fortifications, Faria subit une crise qui lui paralyse certains membres. Dantès refuse de l’abandonner et lui jure de rester à ses côtés jusqu’à sa mort, toujours plein de ses hauts principes de l’honneur et de la fidélité. Il a désormais acquis toute la confiance et la reconnaissance de son maitre Faria qui décide ainsi de lui confier son plus grand secret : l’existence d’un immense trésor sur l’île de Monte Cristo.

La mort du maitre donne alors une unique opportunité à son disciple de recouvrer la liberté et Dantès tente le tout pour le tout, il n’a plus rien à perdre. On suit ses péripéties avec angoisse et excitation, tremblant que tous ses efforts soient à nouveau réduits à néant mais jubilant à chaque obstacle qu’il parvient à franchir. On souhaiterait l’aider de toutes nos forces lorsqu’il est jeté du haut d’une falaise puis qu’il se débat dans des flots glacés au fond d’un sac avec les pieds lestés d’un boulet, rien ne lui aura été épargné mais Edmond se bat vaillamment et il parvient à sortir la tête hors de l’eau.

La liberté, enfin !

C’est comme une seconde naissance, Dantès revient au monde et il a désormais une revanche à prendre sur la vie, une terrible vengeance à accomplir sur ses vils dénonciateurs à la hauteur des souffrances qu’il a endurées pendant quatorze années de captivité !

Dantès est ivre de rage mais il doit d’abord réussir à se sauver définitivement pour échapper à ses geôliers qui découvriront rapidement son évasion puis il doit trouver un moyen de se rendre sur l’île de Monte Cristo pour vérifier si le trésor de Faria existe réellement car ces immenses ressources lui permettraient de rattraper le temps et d’avoir les moyens d’accomplir sa terrible vengeance.

Lien vers la deuxième partie : rattraper le temps perdu

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