Annapurna, premier 8000
Tout ce que j’ai fait, c’était pour l’Expédition, mon vieux Maurice… D’ailleurs puisque tu y es allé, c’est toute l’équipe qui a gagné !
Lionel Terray
Tentative de réhabilitation d’une figure controversée
Tout comme pour les « Mémoires de Guerre » du général de Gaulle (lien), je suis tombé par hasard, lors du déménagement de la maison familiale de ma grand-mère, sur le livre « Annapurna, premier 8000 » de Maurice Herzog aux éditions Arthaud dont l’impression date de janvier 1952. Ce titre résonna en moi après mes deux semaines de trek autour des Annapurnas avec mon ami Bertrand en février 2023 (lien) dont nous conservons des souvenirs éblouissants.
J’avais déjà lu des descriptions de cette première ascension historique et épique d’un sommet à plus de 8000 mètres donc mon intérêt pour ce sujet n’était pas nouveau. Les pages jaunies et légèrement écornées, les illustrations sous formes de croquis et de cartes ainsi que les photos en noir et blanc de l’expédition constituaient à ce livre des attraits de pièce de musée à ce livre qui achevèrent de me convaincre de sauver cette œuvre majeure d’un triste sort dans une déchetterie.
Ce fut une sage décision car, aussitôt après avoir dévoré les deux premiers tomes des Mémoires de notre général emblématique, je me plongeais dans ce récit d’expédition himalayenne tout aussi passionnant et dont la lecture résonna longtemps en moi.
Puis, en faisant des recherches sur internet pour mieux connaitre les personnages de cette histoire, je découvris plusieurs critiques, dont certaines récentes, de la personnalité de l’auteur et chef de l’expédition, Maurice Herzog, pointant du doigt son attitude égoïste et mégalomaniaque dont le récit personnel de l’expédition serait tout à sa gloire.
Ces critiques me paraissent injustes ou du moins méritent d’être nuancées et je vais m’appuyer sur plusieurs passages du livre afin d’étayer mes propos puis, si le sujet vous intéresse, je vous invite vivement à lire cette œuvre afin de vous en faire votre propre avis.
Une expédition ambitieuse dans un milieu hostile quasiment inconnu avec des moyens rudimentaires
L’équipée française de neuf personnes est constituée notamment de trois guides de Chamonix réputés dans leur milieu exigeant (Lachenal, Rébuffat et Terray), d’un cinéaste et d’un médecin chirurgien du nom de Oudot. Ils arrivèrent en avion à New Delhi le 30 mars 1950 puis ils repartirent en vol vers Lucknow d’où ils prirent un train pour rejoindre la frontière népalaise le 5 avril.
Ensuite, ils traversèrent le Népal à pied et à cheval en recrutant des porteurs sur le chemin pour rejoindre le 21 avril la ville de Tukucha, située entre le massif du Dhaulagiri à l’ouest (8167m) et celui de l’Annapurna à l’est (8075m).
Aucun des principaux membres de l’expédition n’avaient été auparavant dans ces massifs dont les hauteurs n’avaient probablement jamais été foulées par des hommes à cette époque. Les proportions de ces montagnes sont gigantesques en comparaison du massif alpin que les illustres guides de Chamonix de l’expédition connaissaient sur le bout des doigts.
L’équipée disposait de cartes sommaires bien souvent erronées donc ils durent lancer plusieurs explorations à pied des contours du Dhaulagiri, qui était l’objectif prioritaire, dans le but de trouver une voie d’accès jusqu’au sommet. Ils n’avaient ni GPS pour se repérer précisément sur les cartes ni bulletins météorologiques pour planifier leurs sorties, ils ne disposaient pas non plus d’altimètres fiables mais ils étaient assez satisfaits de leurs équipements relativement modernes pour l’époque.
Après quatre missions de reconnaissance, ils ne trouvèrent aucune voie qui leur sembla envisageable ; les contraintes étant qu’il fallait non seulement pouvoir atteindre le sommet mais aussi s’assurer du voyage retour en garantissant un ravitaillement régulier des nombreux camps par les valeureux porteurs.
Pour garantir cela, il était nécessaire que la voie soit accessible aux sherpas jusqu’au camp final alors qu’ils étaient lourdement chargés et n’avaient pas le même niveau technique que les guides bien qu’ils soient vaillants et agiles.
Or, les quatre voies d’explorations s’avérèrent toutes périlleuses pour les guides avec leurs bagages légers donc elles seraient impossibles pour une équipe plus nombreuse et lourdement équipée.
Sur ce point, Herzog se refuse à prendre des risques inconsidérés pour la sécurité de son équipage et préfère chercher d’autres pistes.
Il eut été fou de faire passer le gros de l’expédition par ici. Le risque est trop grand. Aucune victoire ne justifierait un impôt humain consenti délibérément.
La tentative de la dernière chance
Suite aux échecs sur le Dhaulagiri, l’expédition se tourna alors vers le massif de l’Annapurna et décida d’explorer le versant nord-est de son plus haut sommet, l’Annapurna I, qui culmine à 8075 mètres. Cependant, après avoir passé un col arrivant au lac de Tilicho, ils découvrirent une immense barrière rocheuse interdisant l’accès au sommet par cette voie.
Cela faisait déjà trois semaines que l’équipée arpentait les montagnes dans des conditions difficiles en atteignant des points de reconnaissance jusqu’à 6000 mètres d’altitude. Le temps pressait alors que la période de la mousson qui approchait rendrait bientôt impraticable les sentiers montagneux et interdirait toute retraite vers la vallée.
Le 14 mai, Maurice Herzog organisa un « conseil de guerre » avec tous les membres de l’expédition afin que chacun donna son avis. Il en émergea un consensus pour abandonner la conquête du Dhaulagiri dont l’ascension paraissait trop risquée.
Concernant l’Annapurna 1, l’accès par son versant nord-est était jugé également impossible mais il restait un mince espoir de trouver une voie par le versant nord-ouest où un passage avait été identifié auparavant. L’équipée décida alors à l’unanimité de concentrer tous ses efforts sur cette dernière piste non explorée. Les membres les plus expérimentés partirent dès le lendemain pour établir leur premier camp de base le 18 mai à plus de 5000 mètres d’altitude tandis qu’une partie du groupe resta dans la vallée afin d’organiser les approvisionnements.
Depuis le camp de base, plusieurs explorations furent lancées et l’équipée trouva enfin une voie qui semblait permettre d’accéder au sommet. C’était le 23 mai 1950, il avait fallu un mois et pas moins de douze pistes de reconnaissance pour découvrir ce passage.
L’ascension vers le sommet : une réussite collective
Maurice Herzog lança alors un « ordre d’attaque » à toute l’expédition répartie à plusieurs niveaux de la montagne afin de se préparer pour la conquête du sommet. Pour cela, il fallait déplacer le camp de base initial dans une zone plus appropriée puis installer successivement pas moins de quatre autres camps sur la voie vers le sommet qu’il faudrait ensuite approvisionner en continue avec des navettes incessantes. Il fallait également déjà anticiper l’évacuation de l’expédition avec des vivres et des porteurs.
Le système radio ne fonctionnant pas dans ces hautes altitudes vierges, la seule possibilité de communiquer était par l’intermédiaire de messagers. Herzog confia ainsi la mission cruciale de transmettre son ordre d’attaque à un sherpa expérimenté dont il tenta de faire comprendre la gravité de la situation par quelques mots en anglais et des gestes.
Le visage de Sarki est grave. Il a lu dans mes yeux que cet ordre n’est pas un ordre comme les autres, il a compris ce que j’attends de lui. […] Sarki est le plus énergique, le plus fort de tous nos sherpas. Sa mission a une importance primordiale.
Plus loin dans le récit, Herzog rend également hommage à un autre sherpa de l’équipe, Adjiba, qui effectua deux navettes quotidiennes pendant plusieurs jours entre le camp de base et le camp I, ce qui permit de transporter une centaine de kilos de matériel en quelques jours !
Ce sherpa, qui est extrêmement résistant, s’est taillé une véritable spécialité. […] Travail ingrat, travail de conscience, sans éclat mais combien efficace. Ce sont tous ces efforts accomplis par chacun qui donneront à l’Expédition ses chances de succès.
Herzog confia également la mission de déplacer le camp de base initial au plus jeune de l’équipe avec l’aide d’un seul sherpa en étant conscient que cette décision annihilait ses chances d’accéder au sommet par manque d’acclimatation. C’était un sacrifice nécessaire pour la réussite d’un objectif commun.
Pendant plusieurs jours, notre ami Couzy, le benjamin de l’équipe, bien que tout feu tout flamme, sera condamné à rester à basse altitude, à faire une besogne capitale, mais anonyme. Cette mission, il l’accomplira parfaitement sans jamais un mot de récrimination. Cependant il sait que, lorsque l’assaut final sera déclenché, son acclimatation sera insuffisante et qu’il perd ainsi une chance de jouer un rôle de premier plan : esprit d’abnégation admirable qui conditionne la puissance d’une équipe.
Herzog met ainsi en lumière dans son récit de manière assez juste les différents membres de son équipe pour expliquer que le succès de l’expédition dépend de chacun d’entre eux et qu’ils auront tous un rôle important à jouer dans cette réussite collective. C’est le cas particulièrement pour Terray, le guide le plus fort du groupe qui se sacrifia pour faire des trajets supplémentaires entre les camps afin de les équiper convenablement quitte à ne pas pouvoir faire partie de la première cordée allant au sommet.
La conquête du sommet
Le 31 mai, une semaine après le lancement de l’ordre d’attaque de Herzog, le camp de base était repositionné et quatre camps supplémentaires étaient installés jusqu’à 7000 mètres d’altitude.
La cordée Herzog et Lachenal quitta le camp II avec la ferme intention d’atteindre le sommet tandis que les conditions climatiques étaient favorables. Ils croisèrent la cordée Rébuffat et Terray qui redescendaient alors qu’ils devaient installer le cinquième et dernier camp mais ces derniers durent faire demi-tour en raison d’importantes chutes de neige la veille et d’un froid intense. Il fut décidé que la cordée de Terray et Rébuffat repartirait le lendemain en suivant Herzog et Lachenal à un camp d’écart.
Le 2 juin, la première cordée accompagnée de deux sherpas parvint à installer le camp V à 7300 mètres d’altitude après avoir installé la veille un nouveau camp IV bis, au-dessus d’une longue pente de glace, afin de se rapprocher du sommet.
Herzog proposa alors au sherpa le plus expérimenté de l’équipe, Ang-Tharkey, l’honneur de les accompagner jusqu’au sommet le lendemain mais celui-ci déclina avec respect car ses pieds commençaient à geler et il redescendit au camp IV avec son camarade.
Commença alors une nuit dantesque pour Herzog et Lachenal calfeutrés dans une minuscule tente installée sur une pente glacée, fouettée par une tempête et régulièrement recouverte de neige. La cordée étouffa, suffoqua et grelotta toute la nuit ; il leur était impossible de dormir dans ces conditions.
Le lendemain, le 3 juin 1950, la cordée se lança à l’assaut du sommet. Le vent avait faibli et le ciel était dégagé mais il faisait très froid ; Herzog et Lachenal prirent le minimum d’équipements afin de ne pas s’alourdir sans même emporter une corde.
Heureusement, le terrain était peu accidenté mais la marche était épuisante à cette altitude alors qu’il n’avait pas de bouteilles d’oxygène. Lachenal, qui sentait déjà que ses pieds commençaient à geler, interrogea soudainement son camarade : « Si je retourne, qu’est-ce que tu fais ? ».
Après avoir songé à tous les efforts de l’expédition pour atteindre ce but qui leur tendait désormais les bras, Herzog répondit avec résolution « Je continuerai seul ! » et son compagnon décida de le suivre, fidèle à son rôle de guide quelles qu’en soient les conséquences.
Après avoir franchi un dernier couloir raide à travers une falaise, la cordée parvint enfin à atteindre le sommet de l’Annapurna 1 à 8075 mètres : quel soulagement !
Herzog prit quelques photographies pour immortaliser l’évènement puis Lachenal le pressa de partir car il était déjà deux heures de l’après-midi alors qu’ils étaient partis à six heures du matin.
Ils filèrent dans la descente, leurs mains et leurs pieds commençaient à geler tandis qu’ils étaient épuisés par leurs efforts. Leur esprit devint confus, Herzog perdit ses gants qui glissèrent dans la pente alors qu’il voulait ouvrir son sac et il ne pensa pas à recouvrir ses mains avec des chaussettes de rechange, il le paierait très cher.
Le ciel s’obscurcissait et le vent se levait ; Herzog ne voyait plus son compagnon qui avait disparu dans un brouillard, il tenta de s’orienter d’après l’inclinaison de la pente et il finit enfin par rejoindre le camp V où il découvrit avec soulagement une deuxième tente.
Rébuffat et Terray l’accueillirent avec enthousiasme en apprenant qu’ils avaient atteint le sommet puis ils s’inquiétèrent de ne pas voir Lachenal et furent horrifiés à la vue des mains violacées de leur chef d’expédition.
Herzog, encore euphorique, dit d’un ton empathique à Terray :
Toi qui étais tellement en forme ! Toi qui t’es tellement dépensé sur cette montagne ! C’est un malheur que tu ne sois pas venu en haut avec nous !
Alors, Terray lui répondit magistralement avec toute sa noblesse d’esprit la citation qui est en introduction de cet article ; Herzog écrit ensuite avec soulagement :
Un bonheur éclatant m’envahit. Comment lui exprimer tout ce que représente pour moi cette réponse ? Cette joie du sommet qui pouvait paraître égoïste, il la transforme en une joie parfaite, sans aucune ombre. Sa réponse prend une portée universelle à mes yeux. Elle témoigne que cette victoire n’est pas la victoire d’un seul, [… ] mais la victoire de tous […]
La redescente infernale
Soudain, des cris de Lachenal retentirent dans la tempête, Terray se précipita à l’extérieur et dévala la pente en prenant tous les risques pour secourir son compagnon qui était secoué après une mauvaise chute, il n’avait plus de gants et ses pieds étaient partiellement gelés.
Terray remonta Lachenal au camp V où chaque binôme se réfugia dans une tente pour laisser passer la tempête qui se levait pendant la nuit. Terray et Rébuffat fouettèrent longuement avec une corde les pieds et les mains de leurs compagnons afin de faire revenir le sang dans leurs membres.
Après une nouvelle nuit infernale, les deux cordées quittèrent le camp V mais ils se perdirent dans une tempête de neige et s’épuisèrent à chercher le camp IV bis. Après plusieurs pistes infructueuses, ils se résignèrent à se réfugier dans une crevasse qui fut ensuite recouverte pendant la nuit par une avalanche : quel calvaire !
Le lendemain matin, le 5 juin, ils parvinrent à s’extirper de la crevasse mais ils étaient à moitié aveugles et certains de leurs membres commençaient à geler, ils grelottaient de froid et leurs estomacs criaient famine.
Heureusement, un membre de l’expédition les retrouva alors qu’ils étaient à seulement 200 mètres du camp IV bis. Ils rejoignirent péniblement le camp IV situé en contrebas où les attendaient des sherpas puis ils décidèrent de descendre le même jour tous ensemble jusqu’au camp II afin de rejoindre Oudot, le médecin et chirurgien de l’équipée.
La descente s’accomplit au prix d’efforts et de souffrances extrêmes en dévalant à travers des pentes glacées vertigineuses entourées d’immenses séracs menaçant à tout moment de céder, en désescaladant des falaises abruptes à l’aide de cordes alors que certains avaient leurs membres gelés, en traversant des ponts de neige fragiles et en zigzaguant au milieu des crevasses ; pour couronner le tout, ils survécurent par miracle à une nouvelle avalanche.
A son arrivée au camp II avec tous les participants de l’ascension, Herzog estima qu’il avait rempli sa mission et que son rôle de chef d’expédition s’arrêtait là ; il laissa ainsi toute latitude aux autres membres de l’équipe pour organiser la retraite sachant qu’il était de toute manière trop affaibli pour prendre la moindre décision.
Une évacuation interminable aux bouts des souffrances
Le 10 juin, l’expédition quitta le camp de base alors que la mousson approchait. Cette retraite devint alors un long calvaire ; l’expédition devait transporter les blessés sur des brancards de fortune en plus de tous les équipements et des vivres en parcourant à pied des sentiers pentus et instables où leur vie ne tenait qu’à un fil.
Les conditions météorologiques devinrent épouvantables : des pluies diluviennes s’abattaient sans discontinuer sur l’équipage transformant les précédentes paisibles rivières en fleuves tumultueux qu’il fallait traverser sur des ponts de bois précaires construits à la hâte. Les valeureux sherpas portaient sur leur dos les blessés qui étaient saisis d’angoisse à la vue de ces précipices et ils criaient à la moindre secousse qui réveillait leurs douleurs.
A chaque étape, le médecin chirurgien Oudot injectait dans les artères de Herzog et Lachenal de la novocaïne afin de lutter contre l’engelure de leurs membres mais le remède s’avéra extrêmement douloureux. Le médecin devait s’y prendre à multiples reprises pour piquer au bon endroit dans des séances parfois de plusieurs heures malgré les cris et les sanglots des malheureux. Herzog était déprimé par les pertes progressives de ses phalanges et de ses orteils qui l’empêcheraient de participer à de nouvelles cordées en montagne ; le gel est la terreur des alpinistes.
L’auteur se livre alors en toute humilité, le masque du chef inébranlable tombe car les souffrances lui devenaient insupportables malgré les soins attentionnés de ses camarades et notamment du noble Terray. Herzog nous confie même désirer la mort afin de mettre fin à ses souffrances qui n’en finissaient plus.
J’ai perdu 20 kilos et ma maigreur est extrême. La fièvre ne cesse de s’accroître. […] Désespérément, dans une longue et ultime prière, je désire la mort qui me délivrera. J’ai perdu la force de vivre. J’abandonne !… Sentiment insupportable pour un être jusque-là bâti sur l’orgueil. L’heure n’est pas aux questions. Ni aux regrets. La mort ! Je la regarde en face. Je l’implore de toutes mes forces.
Le 5 juillet, après quasiment quatre semaines de marches harassantes dans des conditions dantesques, l’expédition arrive enfin à la gare de Butwal. Après un rapide détour à Katmandou, la capitale du Népal, pour remercier les autorités locales de leur autorisation de l’ascension et de leur aide, ils rejoignirent l’Inde en train puis ils s’envolèrent vers la France où ils furent accueillis en héros le 12 juillet 1950.
Un exploit collectif exemplaire
De retour au doux pays où il est soigné de ses blessures, Herzog, avec l’aide de son frère, se lança dans la rédaction de ce récit qui fut ensuite vendu entre dix et vingt millions d’exemplaires dans le monde entier, ce qui prouve l’intérêt du public et de la portée international unique de cet évènement.
La renommée de Herzog devint exceptionnelle, il fut couvert d’honneurs, il reçut de multiples distinctions et obtint des postes prestigieux à hautes responsabilités. Peut-être a-t-il alors été grisé par les louanges et qu’il a ensuite dévié de la ligne de son récit en s’appropriant davantage de gloire que ses compagnons, suscitant ainsi des critiques de certains. Ce n’est qu’une simple hypothèse personnelle mais il n’empêche que son œuvre littéraire demeure inchangée.
C’est uniquement sur la base de ce récit passionnant que je rends hommage à son auteur ainsi qu’à tous les membres de l’expédition pour cet immense défi physique, technique et mental remporté grâce à la combinaison de leurs efforts immenses et leur solidarité. N’ayons pas peur des superlatifs pour célébrer les exploits de nos compatriotes alors que nous avons tant de récits détaillés et commentés de nos désastres nationaux.
En effet, cet exploit tricolore exceptionnel, obtenu avec le soutien indispensable des sherpas népalais, fut accompli seulement dix ans après la terrible Débâcle de 1940 suivie par quatre années d’occupation humiliante, il aida probablement à redonner confiance et espoir à notre pays meurtri ainsi qu’une certaine reconnaissance internationale mais aussi d’inspirer de nouvelles générations pour relever de nouveaux défis.
Enfin, au vu de toutes ces souffrances endurées par l’expédition et des amputations subies par la cordée Herzog et Lachenal, on peut s’interroger si cet exploit sportif valait tous ces sacrifices ? Terray a écrit un livre autobiographique dont le titre provocateur « Les conquérants de l’inutile » résume assez bien l’esprit montagnard de gravir des sommets principalement par passion et par soif de l’inconnu, par envie de liberté et de nouveaux défis.
A chacun de trouver son Annapurna à gravir.
