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Voyages itinérants

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La Dordogne en canoë

Juin 2022, descente de la Dordogne sur 80 kilomètres en canoë pendant 4 jours et 3 nuits

Genèse de ce voyage

A la fin de ce parcours itinérant en canoë, je me rends compte dans le train du retour me ramenant à Paris, combien il est difficile de tenir à jour un carnet de bord pendant un voyage collectif surtout s’il se passe en plein été alors que les journées sont longues et bien remplies. Je tâche donc de coucher par écrit avec un BIC mal en point mes souvenirs tant qu’ils sont encore frais de cette escapade sur la Dordogne avec mes deux cousins Guillaume et Louis. Voici donc mes notes retranscrites dans cet article avec quelques ajouts et modifications, il y a également une journée racontée par Louis qui était à mes côtés dans le train du retour.

Louis et Guillaume sont mes cousins de par ma branche maternelle, nous avons à peine un an d’écart et nous nous connaissons très bien pour avoir passé de nombreux étés ensemble pendant de grands rassemblements familiaux dès notre plus jeune âge et nous continuons de nous voir régulièrement.

Je leur avais proposé cette descente en canoë car je trouvais ce moyen de transport agréable étant donné qu’il garantit d’être constamment au contact de la nature sans être dérangé par les véhicules motorisés et aussi utile car il permet de transporter un poids et un volume important d’affaires pour un effort physique supportable en comparaison avec les voyages à pied ou à vélo. Dans le passé, j’avais fait plusieurs sorties en canoë sur une journée et j’avais envie de tester l’itinérance sur plusieurs jours, ayant été fortement impressionné par des vidéos de voyageurs sur la rivière Yukon dans le nord-ouest du Canada et en Alaska.

Enfin, la rivière de la Dordogne présentait les avantages d’être suffisamment longue et bien aménagée pour permettre une navigation de plusieurs jours dans une région riche en patrimoine historique, gastronomie et beaux paysages ainsi que d’être relativement facile d’accès pour chacun de nous.

Itinéraire

Pour lire la suite, vous pouvez sélectionner un jour particulier dans la liste ci-dessous ou tout simplement poursuivre votre lecture vers le bas

  • Jour 1 : de Carennac jusqu’à Creysse, 23 kms, 4h30
  • Jour 2 : de Creysse jusqu’à Souillac, 18 kms, 3h
  • Jour 3 : de Souillac jusqu’à Veyrignac, 20 kms, 4h
  • Jour 4 : de Veyrignac à Castelnaud-la-Chapelle, 19 kms, 3h

Jour 1, vendredi 17 juin 2022

Rédaction : Hugues

De Carennac aux environs de Creysse

Distance : 23 kms

Durée : 4h30

Avec Louis, nous partons tôt le matin de Paris en train pour rejoindre Guillaume en fin de matinée à la gare de Brives. Il nous récupère avec son van et nous faisons route vers notre point de départ à Carrenac en faisant une courte pause pour acheter des provisions : un grand jerrican de plusieurs litres d’eau car nous sommes en pleine canicule mais aussi de la bière pour égayer nos apéros du soir, du saucisson, des pâtes, des chips et quelques fruits, bref les essentiels.

Ensuite, nous rejoignons le centre de location où nous avons réservé un canoë trois places et un kayak, on nous met également à disposition une carte de l’itinéraire, trois sacs à dos étanches et deux grands bidons où nous rangeons notre équipement de bivouac et les vivres.

Puis, nous écoutons avec attention Gérald, le responsable du centre, concernant les recommandations des lieux à visiter sur le parcours, des zones propices au bivouac et supérettes pour faire les courses. Gérald termine son briefing par les consignes de sécurité : les gilets de sauvetage doivent être obligatoirement portés et attention car la gendarmerie peut nous verbaliser.

Nous installons nos bidons et nos sacs étanches sur nos embarcations et nous mettons sagement nos gilets tout en nous répartissant entre le canoë et le kayak sachant que nous ferons des rotations. Le centre de location est situé sur une petite île scindant la Dordogne en deux bandes de largeurs inégales. Nous embarquons sur celle qui est la plus fine, côté ouest, où il n’y a quasiment pas de courant, elle permet de longer le village médiéval de Carennac avant de rejoindre la partie large de la Dordogne.

A peine avons-nous commencé à pagayer que Guillaume nous prévient qu’il compte bien se passer de l’obligation du port du gilet de sauvetage sachant que notre itinéraire est sur une portion de la rivière peu mouvementée et nous suivons son exemple dans un joyeux esprit de bravade et d’indépendance : vive la liberté ! (En assumant les responsabilités qui vont avec).

Nous faisons un arrêt au tout début de notre expédition pour visiter le village de Carennac en étant attiré par ses belles maisons bien entretenues et datant de la Renaissance avec des toitures pointues en tuiles, des murs de pierres et des balcons en bois ainsi que de jolies tourelles. Ce patrimoine s’insère parfaitement dans son milieu naturel, il l’embellit même. Nous prenons les sacs à dos avec nous en laissant les canoës avec les bidons sur la berge, Gérald nous ayant rassuré sur le faible risque de vols tout le long du parcours, ce qui nous sera bien pratique pour faire de longues excursions à pied pour visiter ou faire des courses.

Après avoir traversé un pont pour nous rendre dans le centre du village, nous déambulons dans les rues étroites en passant devant quelques discrets restaurants gastronomiques aux terrasses desquels déjeunent des touristes anglais ou hollandais en petit nombre. Nous découvrons une église millénaire de style roman avec un imposant portail d’entrée soutenue par des colonnes de pierre dont le haut est orné de sculptures, ces lieux sont chargés d’Histoire.

Nous retournons ensuite à nos embarcations et nous atteignons un premier passage technique qui est une rampe d’accès en béton assez pentue sur laquelle s’écoule un mince filet d’eau permettant de rejoindre la bande plus large de la Dordogne. Gérald nous avait demandé de ne pas rester assis dans les canoës et de les tirer à pied mais, là encore, nous faisons fi des instructions en étant à la recherche de sensations.  

La chaleur nous étouffe, nous sommes en pleine canicule et les températures avoisinent les 36 à 38 degrés donc nous nous jetons rapidement à l’eau pour nous rafraichir tout en nous laissant dériver par le courant avec nos embarcations. Nous réitérerons de nombreuses fois cette technique efficace contre l’insolation et la déshydratation.

Nous passons quelques rapides peu turbulents sans trop de difficultés techniques et, dans l’ensemble, il y a peu de courants donc nous devons compenser avec notre force physique pour avancer. Ainsi, nous redécouvrons les mouvements à exécuter et les muscles sollicités pour la manipulation des pagaies mais nous tâchons de ménager notre corps en prévision de notre itinéraire sur plusieurs jours en faisant des pauses fréquentes pour admirer les belles falaises de calcaire et les châteaux ainsi que pour nous baigner.

Nous croisons sur notre parcours un groupe de jeunes sautant d’un rocher haut de six à sept mètres et nous décidons de débarquer pour leur emboiter le pas. Les jeunes nous montrent le chemin d’accès et ceux qui n’ont pas encore sauté nous cèdent volontiers leurs places en nous incitant à faire un salto (c’est-à-dire faire passer la tête en avant dans le vide puis retomber sur ses pieds). Guillaume acquiesce, je pensais qu’il plaisantait mais non, il se laisse presque tomber dans le vide droit comme un i en faisant un salto avant sous mon regard ébahi. Pour ma part, je n’ai jamais fait ce type de figure à une telle hauteur donc je me borne à un saut tout simple debout et Louis me suit dans la foulée. De retour aux canoës, je félicite Guillaume pour sa hardiesse et il m’explique qu’il a fait des sauts bien plus impressionnant dans sa vingtaine lorsqu’il vivait dans le sud de la France avec son cousin Paul où il faisait des doubles saltos à quinze mètres de haut, impossible pour moi !

L’après-midi est déjà bien entamée quand nous commençons à chercher un endroit pour notre premier bivouac et, vers 18h, nous trouvons une plage de galets orientée sud-ouest ayant un accès sur un champ de noyers avec de la bonne herbe sur un terrain plat, ce qui sera un emplacement parfait pour planter notre tente.

Après avoir installé notre campement, nous nous baignons une énième fois dans la Dordogne en essayant de nager contre le courant qui nous emmène au loin puis nous finissons par rentrer à pied en marchant douloureusement sur les galets et nous recommençons. Ce lieu en pleine nature est très agréable et nous sommes les seuls à y camper. Il y a une route de l’autre côté de la large rivière mais elle est heureusement cachée par les arbres et peu fréquentée.

C’est l’heure de l’apéro avec des bières et du saucisson puis nous dégustons des pâtes sauce bolognaise pour finir par des pommes en dessert et nous retournons nous baigner pour la digestion. Ensuite, on enchaine des parties de Tarot jusqu’à ce que la luminosité déclinante ne nous permette plus de distinguer les cartes et nous oblige à rentrer dans notre tente pour nous coucher.

Heureusement, la température diminue pendant la nuit et je m’endors vite mais non sans bruit, au grand dam de mes deux acolytes…

Jour 2, samedi 18 juin 2022

Rédaction : Louis

Des environs de Creysse jusqu’à proximité de Souillac

Distance : 18 kms

Durée : 3h

La nuit fut bonne pour Guillaume et Hugues malgré les quelques ronflements du second qui réveillèrent par moments le premier. Pour moi, elle fut plus dure étant donné que mon matelas gonflable se dégonfla très rapidement et que je finis à même le sol pour le reste de la nuit. Nous avons dormi sans double-toit compte tenu de la chaleur et des dimensions réduites de la tente pour trois gaillards comme nous qui se tiennent mutuellement chaud. Les sacs de couchage sont néanmoins utiles au petit matin quand la fraicheur s’installe.

Nous nous réveillons vers 8h30 et nous redescendons de notre lieu de campement pour prendre notre petit-déjeuner sur la plage de galets au bord de la Dordogne. Nos canoës sont toujours là et nous prenons rapidement un café, du jus d’orange et des tranches de brioche. Après le rangement de nos affaires dans les sacs et bidons, nous reprenons notre périple.

Nous faisons une étape ravitaillement dès le premier village atteint, à Saint-Sozy, où nous achetons dans un Spar des vivres pour la journée et le petit-déjeuner du lendemain. Cette fois-ci, nous sommes plus ambitieux et gourmands en prévoyant de faire un bon barbecue pour le dîner.

Puis, nous reprenons les canoës sous un soleil de plomb et nous croisons peu de monde sur la Dordogne si ce n’est un couple d’allemands sur un bateau pneumatique. Comme la veille, nous glissons paisiblement sur la rivière en alternant les passages rapides et les sections plus lentes en fonction notamment de la largeur de la rivière (la vitesse du courant évoluant à l’inverse de la taille du cours d’eau). Nous longeons quelques châteaux et villages forts jolis et nous finissons par accoster sur une berge en bord de hautes falaises de calcaire en vue de déjeuner avant de visiter les grottes de Lacave.

Merveilleux décor naturel sur la paisible Dordogne

Le vin rosé acheté en cubi au Spar de Saint-Sozy sur les conseils enthousiastes d’un client local et un gros melon font merveilles pour nous rafraichir le gosier. Après notre pique-nique, nous partons à pied en longeant un chemin puis une route en direction des grottes. Le trajet d’à peine 2,5 kilomètres d’après les informations de Gérald nous semble en réalité bien plus long, d’autant que la chaleur atteint presque les quarante degrés en ce milieu d’après-midi.

Nous finissons enfin par arriver au village de Lacave, connu suite à la découverte au début du XXème siècle des fameuses grottes qui portent son nom. Un tunnel de cinq cent mètres de long a été percé dans la roche dès cette époque pour installer des rails et un petit train afin de faciliter l’accès aux touristes. Après le trajet motorisé, nous découvrons à pied avec un guide une succession de très belles et grandes salles naturelles ornées de stalactites, stalagmites et autres formations géologiques.

La fraîcheur à l’intérieur de ces grottes contraste avec la forte chaleur de l’extérieur et nous redoutons par avance de devoir reprendre le même chemin à pied pour retrouver nos canoës. C’est alors que Guillaume a l’idée lumineuse de rejoindre les bords de la Dordogne situés à proximité et de nous laisser dériver par le courant jusqu’à nos embarcations laissées en aval sachant que nous avons pris nos sacs étanches.

Nous cherchons donc un accès le plus proche à la rivière et nous finissons par l’atteindre au pied d’une haute falaise au-dessus de laquelle se dresse le magnifique château de Belcastel et dont les murailles sont tout au bord du précipice. Nous nous jetons à l’eau, heureux de pouvoir nous rafraîchir et nous nous laissons emportés par le courant sur environ un kilomètre tout en admirant le paysage et en nous amusant comme des enfants. Nous explorons rapidement l’entrée d’une grotte découverte sur notre chemin aquatique et d’où sort un filet d’eau glacée.

Une fois de retour à nos canoës, nous reprenons notre descente avec pour objectif de trouver notre point de chute pour le bivouac de la nuit. Nous finissons par jeter notre dévolu sur une large plage de galets bordée par de nombreux arbres à proximité de la ville de Souillac. Nous plantons notre tente sur une zone plus ou moins herbeuse et plate entre des arbres et nous préparons le barbecue du soir.

Sur les conseils de Guillaume, nous faisons chauffer des galets à l’aide d’un feu de bois puis, lorsqu’ils sont bien chauds, nous déposons directement les saucisses dessus : c’est un franc succès ! Finalement, il n’est pas nécessaire d’emporter beaucoup de matériel, la nature y pourvoit.

Technique de cuisson sur galets certifiée par Guillaume

Après quelques parties de Tarot, nous regagnons la tente à la tombée de la nuit. Je prends cette fois la précaution de vérifier la valve de fermeture de mon matelas, ce qui me garantira une bien meilleure nuit.

Jour 3, dimanche 19 juin 2022

Rédaction : Hugues

De Souillac jusqu’à proximité de Veyrignac

Distance : 20 kms

Durée : 4h

La nuit a été perturbée par un voisin de la rive opposée qui mettait de la musique à tue-tête et en boucle (la bande son du film « Requiem for a Dream » a eu du succès) avec en accompagnements les aboiements de son chien et les croassements des grenouilles. Si vous ajoutez à cela, pour Guillaume et Louis, un solo nasal de votre humble serviteur quand je parvenais à m’endormir, c’est vous dire si la nuit a été pénible même si, heureusement pour Louis, son matelas ne s’est pas dégonflé cette fois…

Donc nous nous réveillons péniblement ce matin toujours vers 8h30 en nous promettant de trouver un meilleur spot pour la nuit, plus au calme. Nous sommes prêts à décamper vers 9h30 comme la veille, on commence à être rodés et nous profitons d’être à proximité de la petite ville de Souillac pour y faire nos courses. C’est une jolie commune avec un riche et beau patrimoine, notamment l’église abbatiale Sainte-Marie qui a des allures byzantines avec ses coupoles multiples.

Il y a une bonne trentaine de minutes de marche depuis notre embarcadère jusqu’à la supérette ouverte en ce dimanche que nous avons repéré sur Google. Cela nous permet de découvrir le centre-ville de Souillac mais le retour à pied avec les vivres et la chaleur nous semble un peu long. Faisant honneur aux produits locaux, ce soir nous avons prévu des aiguillettes de canard avec des haricots … à la graisse de canard ! Egalement une bonne et grosse pastèque ainsi que des tomates pour nous rafraichir, c’est l’avantage du canoë de pouvoir transporter tout cela sans trop de peine, pas sûr que l’on aurait choisi les mêmes produits pour un voyage à pied ou à vélo…

Les températures restent très élevées et nous ne tardons pas à nous jeter à l’eau après avoir récupéré nos embarcations, nous nous contentons de les propulser en avant avec nos bras ou, quand le courant est assez fort, de nous y accrocher en nous laissant dériver. C’est une pratique du canoë peu orthodoxe mais efficace en temps de canicule.

Nous découvrons de nouveaux châteaux majestueux en surplomb de la rivière, juchés sur de hautes falaises de calcaire. Nous croisons aussi régulièrement des hérons, des canards et des cygnes flottant sur l’eau comme nous et nous pouvons également apercevoir des poissons dans les eaux claires et limpides de la Dordogne. Il y a également de nombreuses pompes à eau installées dans la rivière pour irriguer les champs autour, notamment du maïs.

Nous nous arrêtons pour déjeuner tardivement après avoir bien cuits au soleil sur nos embarcations donc la pause à l’ombre s’impose puis une bonne baignade rafraichissante. Ensuite, nous prenons un café dans un restaurant recommandé par Gérald au village de Rouffillac. Un monument commémoratif nous y apprend que des civils furent massacrés dans ce village le 8 juin 1944 par un bataillon de la division SS Das Reich en représailles d’escarmouches avec des résistants tandis qu’ils cherchaient à remonter vers la Normandie pour repousser le débarquement Alliés. Le lendemain, c’est cette même division SS qui fera pendre à Tulles 99 otages et qui organisera le jour suivant le massacre de centaines d’innocents à Oradour-sur-Glane. Tous ces évènements abominables nous semblent désormais bien loin et comme irréels en ces beaux jours de juin dans ce cadre naturel magnifique mais nous tâcherons de les garder en mémoire ainsi leurs causes pour essayer d’éviter qu’ils se reproduisent.

Nous prenons ensuite un peu de hauteur sur les conseils de la serveuse du restaurant en suivant un chemin serpentant dans une forêt pour arriver au sommet d’une colline d’où nous pouvons apprécier un beau point de vue sur la Dordogne et le château de Rouffillac.

Vue sur la Dordogne et la commune de Rouffillac où eurent lieux des massacres de civils par les nazis en juin 1944

Puis, nous reprenons les pagaies en décidant de prendre de l’avance sur notre programme initial afin d’avoir le temps de visiter le lendemain le château de Castelnaud-la-Chapelle qui sera notre étape finale. Cette fois-ci, nous voulons trouver le spot idéal avec un beau point de vue et au calme, c’est-à-dire à l’écart des habitations et de la route.

Pour cela, nous allons être aidé par un gars du coin que nous rencontrons alors qu’il pêche debout sur son Paddle. Celui-ci nous conseille une petite île souvent plébiscitée pour les bivouacs et nous suivons ses indications pour la rejoindre. L’endroit est en effet très agréable avec une large zone herbeuse plate et bien défrichée tout en étant protégée du soleil par de multiples arbres feuillus. La vue est bien dégagée sur la Dordogne qui est très large à cet endroit et il y a de hautes falaises creusées en profondeur à leur base qui sont complètement recouvertes par une végétation verdoyante, on pourrait se croire sur un autre continent comme en Asie du sud-est. Le reste de notre îlot est occupé par une forêt dense et la plage tout autour est constituée de vase dans laquelle nos pieds s’enfoncent en profondeur sur une bonne dizaine de centimètres mais sans nous empêcher d’avancer.

Nous installons donc notre campement, satisfaits de passer notre dernière soirée dans ce lieu si agréable puis nous effectuons notre habituelle baignade de décrassage de fin de journée. De l’autre côté de la rivière, une bande de jeunes chantent et jouent joyeusement de la guitare.

Nous entamons ensuite des parties de Tarot, confortablement assis en tailleur sur une couverture étendue dans notre zone de bivouac à l’abri du soleil et avec une vue imprenable sur la Dordogne. A tour de rôle, nous « prenons » le pari de remporter la partie seul contre les deux autres joueurs en espérant que le chien soit bon et il y a quelques bonnes et mauvaises surprises…

Il est désormais temps de commencer l’apéro par une bonne bière rafraîchit dans les eaux de la Dordogne avant de continuer par le cubi de rosé acheté la veille sur les conseils d’un amateur local et nous lançons un grand feu de bois pour chauffer les galets qui serviront ensuite à cuire les aiguillettes de canard, technique éprouvée le jour d’avant et qui fait encore ses preuves.

Les résultats des législatives tombent en début de soirée, la déroute d’En Marche, le demi succès de la Nupes mais aussi l’inquiétante montée du RN. En écho à ces évènements politiques, le ciel s’assombrit avec d’épais nuages gris menaçants puis nous entendons au loin des coups de tonnerre qui deviennent de plus en plus bruyants et nous apercevons des éclairs foudroyant le sol avec éclat et s’approchant dangereusement de notre îlot.

Cette fois-ci, nous avons mis le double toit de tente en prévision de la pluie attendue dans la nuit et nous nous réfugions dans notre abri vers 22h dès que celle-ci arrive. Un vent violent se lève et secoue sans ménagement notre tente quand soudain, nous distinguons à travers la toile des sortes de lucioles rouges s’approchant de notre tente à notre grand étonnement mais nous comprenons rapidement qu’il s’agit en réalité de cendres brûlantes provenant de notre feu qui a été rallumé par le souffle du vent et qui menacent de percer notre tente ! Nous nous précipitons donc au dehors en pleine tempête pour éteindre le feu définitivement et étouffer les cendres disséminées aux alentours afin d’éviter que le feu ne se propage, heureusement que nous ne dormions pas encore !

Finalement, il n’y a pas trop de dégâts, cela a été plus de peur que de mal et, désormais, notre refuge de toiles subit vaillamment les assauts du vent. Nous nous protégeons la tête de nos bras au cas où une branche d’arbre nous tomberait dessus en bons gaulois que nous sommes, redoutant que le ciel ne nous tombe sur la tête. Pour nous divertir pendant cette nuit agitée, nous écoutons un podcast de Etienne Klein sur le temps avec sa voix apaisée et son érudition hors norme qui le laisse aller à de nombreuses digressions amusantes.

L’orage finit par enfin s’en aller et notre tente nous a bien protégé, nous n’avons pas reçu une goutte de pluie ni une branche sur la tête, nous pouvons désormais dormir en paix.

Jour 4, lundi 20 juin 2022

Rédaction : Hugues

De Veyrignac à Castelnaud-la-Chapelle

Distance : 19 kms

Durée : 3h

Pour ce dernier jour, il était prévu que ce soit Guillaume qui en fasse la rédaction mais, comme je l’ai dit en préambule, nos journées passées ensemble étaient bien remplis du lever du jour à la tombée de la nuit donc Louis et moi-même avons simplement pris des notes à la hâte dans le train du retour et nous n’avons pas eu le temps d’écrire sur cette journée. Ainsi, je vais tenter de faire appel à ma mémoire en m’aidant des photos que nous avons prises.

Après cette nuit agitée, je ne me souviens pas que mes compagnons m’aient fait grief de quelques ronflements intempestifs mais peut-être qu’ils étaient tout simplement trop fatigués. Bref, nous prenons notre petit-déjeuner et nous levons le camp en quittant avec un petit pincement au cœur notre îlot si sympathique mais la fin de notre parcours nous réserve encore de belles surprises.

Il y a encore des nuages dans le ciel et les températures se sont adoucies après l’orage de la nuit. A cette heure matinale, nous ne croisons quasiment personne mais il y a davantage de campings et d’agences de locations de canoës dans les environs donc nous ne tarderons pas à voir plus tard des nuées d’embarcations groupées portant les couleurs de leur agence en guise d’étendards, les gilets de sauvetage ont remplacé les uniformes et les livrées, les pagaies sont nos lances, il ne reste plus qu’à organiser des joutes.

Nous longeons encore de belles et hautes falaises et le patrimoine architectural est également riche sur cette section de la Dordogne avec notamment le majestueux château de Montfort qui, comme la plupart de ses homologues périgordins à proximité de la rivière, a été construit en bord de falaise. C’est très impressionnant de l’admirer depuis nos embarcations et nous prenons notre temps en nous laissant tranquillement transportés par le faible courant. La fondation de ce château situé à proximité de la ville de Sarlat date du dixième siècle et a été l’objet de multiples conflits et convoitises pour le prendre de force ou de manière plus subtile au cours de la guerre de Cent Ans et des nombreuses guerres de religions jusqu’à la fin de la Renaissance, pendant toute cette période il fut détruit et reconstruit cinq fois !

Le château de Montfort

Nous passons également devant l’impressionnant village de La Roque-Gageac, coincé entre la Dordogne et une immense barrière naturelle de falaises dans lesquelles a été creusé un fort troglodytique. A présent, il y a davantage de touristes et nous choisissons de ne pas nous attarder pour privilégier la visite du fort de Castelnaud-la-Chapelle qui est tout proche et qui constitue la fin de notre parcours.

La Roque-Gageac et son fort troglodytique

En arrivant en contrebas de Castelnaud-la-Chapelle, nous déposons sur la berge nos canoës et nous montons à pied dans le haut du village pour déjeuner dans un bon restaurant à proximité du château. Après un bon confit de canard accompagné de pommes de terre sarladaises et d’une bonne bière locale, nous visitons le fort qui domine la région du haut de sa colline et offre un beau panorama sur la vallée de la Dordogne. Il contient une importante collection d’armures et d’armes, notamment d’imposantes machines de siège comme des trébuchets. Ce château a été construit au début du treizième siècle et, comme le château de Montfort et d’autres de la région, il a été le lieu de nombreux conflits passant d’un camp à un autre pendant la croisade contre les Cathares, la guerre de Cent Ans et les guerres entre catholiques et protestants, ce fort ayant appartenu à des familles se rangeant du côté des cathares, du suzerain anglais puis des protestants.

Nous savourons ces derniers moments passés ensemble

Il nous faudrait encore beaucoup de temps pour découvrir tous les trésors de cette magnifique région mais il est désormais temps de clore cette aventure collective. La société de location de canoës vient nous récupérer au lieu et à l’heure prévus en remorquant nos embarcations et en nous ramenant en mini van dans une organisation bien huilée au service impeccable.

Le ciel s’est éclaircit de nouveau et les températures remontent mais la canicule est partie pour de bon. Guillaume nous dépose à la gare de Brives et il est temps de nous quitter dans la bonne humeur, la peau du visage légèrement rougie par le soleil mais affichant un sourire radieux et des yeux brillants de nos bons souvenirs le long de cette Dordogne magnifique.

Nous y reviendrons pour sûr !

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La route des crêtes en raquettes

Février 2019, 80 kilomètres en 5 jours de marches avec des raquettes à neige sur la Route des Crêtes traversant les Vosges

Pourquoi j’ai choisi cet itinéraire et ce moyen de déplacement

Je suis née à Nancy, toute la famille de mon père vit à Nancy et mes grands-parents paternels sont originaires des Vosges où leurs aïeux y ont vécu pendant des siècles donc cette région de France a toujours été chère au cœur.

De plus, après avoir fait plusieurs voyages à vélo, à pied et à moto, j’avais envie de tester de nouveaux moyens de déplacements en itinérance. Je ne me souviens plus trop comment m’est venu l’idée mais j’ai pensé à faire une expédition en raquettes à neige car cela permet de se déplacer en montagnes pendant l’hiver et de passer à peu près partout et j’avais entendu parler de cet itinéraire possible sur la Route des Crêtes donc j’ai décidé de me lancer ce nouveau défi de voyage itinérant.

Pour l’Histoire, cette route a été aménagée sur des dizaines de kilomètres à plus de mille mètres d’altitude par les militaires français avec des fortifications afin d’assurer la logistique et défendre la ligne de front qui était située à proximité en raison de l’annexion de l’Alsace Lorraine dans l’empire allemand lors de la guerre franco-prussienne de 1870.

Donc, je m’achetais des raquettes à neige chez Décathlon et je commandais des cartes IGN pour préparer mon itinéraire en m’assurant de trouver un hébergement pour chaque étape et en espérant que la neige et le soleil seraient de la partie, sur ce point j’allais être servi au-delà de mes espérances !

Je faisais également part de mon projet à mon frère Jérémie qui était très intéressé mais ne pouvait pas se libérer pour les cinq jours de traversée que je prévoyais donc il me rejoindrait pour le week-end avec des skis de randonnée.

Comme pour mon voyage à vélo de Paris jusqu’à Londres, ce récit est issu des notes que j’ai prises sur un carnet pendant cette excursion et auxquelles j’ai apporté quelques ajouts et modifications pour la publication de cet article.

Itinéraire (approximatif)

Pour lire la suite, vous pouvez cliquer sur l’un des jours de la liste ci-dessous ou tout simplement poursuivre votre lecture vers le bas

  • Jour 1 : de Saint-Amarin au Grand Ballon, 10 kms, 4h30
  • Jour 2 : du Grand Ballon au Markstein, 12 kms, 3h30
  • Jour 3 : du Markstein au Hohneck, 20 kms, 7h
  • Jour 4 : du Hohneck à l’Auberge du Devin, 22 kms, 8h
  • Jour 5 : De l’Auberge du Devin à Sainte-Marie-aux-Mines, 16 kms, 6h

Jour 1, mercredi 13 février 2019

De Saint-Amarin au Grand Ballon

Distance : 10 km

Dénivelé + : 1000m

Durée : environ 4h30

Je me lève tôt le matin pour avoir le temps de bien vérifier que j’ai toutes les affaires nécessaires pour mon périple (j’oublierai quand même ma montre) puis je prends un petit-déjeuner et j’enfourche un Vélib afin de rejoindre la Gare de Lyon, il n’y a personne dans Paris à cette heure matinale.

J’ai une correspondance à Mulhouse de 50 minutes qui me permet de découvrir le centre-ville à pied et de m’acheter un sandwich pour le déjeuner que je mangerai dans le train TER m’emmenant à Saint-Amarin au pied du massif des Vosges.

Dès mon arrivée dans cette petite ville, je me fais accoster par un habitant du coin intrigué par mon accoutrement avec mon gros sac à dos et mes raquettes. Il m’indique gentiment par où commence le sentier menant au Grand Ballon et je commence mon ascension à midi, le soleil est radieux et les températures sont douces.

A peine ai-je parcouru quelques centaines de mètres que j’enlève déjà des couches de vêtements. Il n’y a pas de neige à cette altitude (environ 400 mètres) donc je dois porter mes raquettes en plus de mon sac à dos qui contient quelques affaires de rechange, de l’eau, un peu de nourriture, un livre et mon carnet. Je parviens à fixer mes raquettes sur mon sac afin de pouvoir garder mes mains libres pour utiliser mes bâtons de marche ou soutenir les lanières de mon sac afin de soulager mes épaules car je trouve déjà mon sac trop lourd !

La vue est belle sur la vallée et les montagnes autour que l’on peut bien observer malgré les arbres car ils n’ont pas de feuilles en cette saison, il y a peu de sapins. Le ciel est d’un bleu azur magnifique, j’aurais bien aimé également trouver une belle couche de neige blanche sur le chemin et sur les arbres mais on ne peut pas tout avoir.

Départ depuis Saint-Amarin avec un temps magnifique

Malgré un bon balisage et ma carte, je manque de peu de me tromper de chemin car je passe mon temps à admirer le paysage. Je prends le risque de boire de l’eau d’un ruisseau et d’une fontaine car elle est si claire et j’ai si soif. Cette randonnée me rappelle mes excursions en raquettes à neige avec le snowboard dans le dos dans les Alpes quand j’étais étudiant à Grenoble. On a chaud tant que l’on monte mais, dès que l’on s’arrête pour une pause, on a déjà froid au bout de dix minutes donc on passe son temps à enlever puis remettre des vêtements.

Le chemin devient plus étroit en s’enfonçant dans la forêt sur les hauteurs et la présence de la neige augmente avec l’ascension puis, à partir de 800 mètres d’altitude, elle recouvre tout le chemin mais je ne peux pas encore utiliser mes raquettes car la couche de neige est trop fine. Je fais des pauses toutes les demi-heures pour boire et reposer mon dos, mon talon du pied droit me fait déjà mal à cause des frottements avec ma chaussure, ce n’était pas une bonne idée d’acheter des chaussures neuves sans les utiliser avant… Je mets du strap en espérant que cela limitera les risques d’ampoules.

A partir de 1000 mètres, la couche de neige devient plus épaisse, je peux enfin utiliser mes raquettes. Le chemin de randonnée est très sympathique au milieu de ces grands arbres faisant le lien entre la terre immaculée de blanc et le ciel bleu azur. Enfin, j’aperçois au loin le radôme sous forme de globe qui protège un immense radar aérien civil et qui est un repère facile pour identifier le Grand Ballon culminant à 1424m, le plus haut sommet du massif des Vosges.

Puis, en arrivant au col du Haag à 1233m, je rejoins la fameuse Route des Crêtes qui est aménagée en immense piste de ski de fond pendant l’hiver, je croise de nombreux retraités à ski alors que je n’avais vu personne sur mon chemin depuis mon départ de Saint-Amarin.

La Route des Crêtes au col du Haag

Je gravis avec enthousiasme les derniers cent mètres de dénivelé pour atteindre le sommet du Grand Ballon, heureux d’être arrivé au bout de ma première étape car je commençais à fatiguer. La vue est magnifique, je peux apercevoir quasiment tout le massif des Vosges avec sa ligne de crêtes qui s’étire devant moi et qui devrait me permettre d’atteindre demain le Markstein puis, le jour suivant, le Hohneck. Depuis ce point de vue, on peut également admirer la chaîne des Alpes côté Suisse qui se dresse telle une muraille naturelle infranchissable.

Vue sur les Vosges depuis le Grand Ballon
Vue sur les Alpes depuis le Grand Ballon

Ensuite, je rejoins l’hôtel du Grand Ballon qui est très chaleureux avec son intérieur tout en bois, un vrai chalet de montagne. J’ai une chambre individuelle avec les sanitaires partagés, il y a également des espaces communs très agréables où l’on peut s’assoir dans un fauteuil et lire confortablement.

Je fais une courte pause dans ma chambre puis je sors dehors, allégé de mon sac à dos, ça fait un bien fou ! Je reste assis sur un rocher en regardant le soleil se coucher, c’est apaisant. Puis, je rentre prendre une douche et c’est l’heure du repas, j’ai pris la formule demi-pension et les plats sont très bons et copieux, exactement ce qu’il me faut !

Allez, il est temps de dormir pour reprendre des forces, ce n’est que le début.

Coucher de soleil à proximité de l’hôtel du Grand Ballon

Jour 2, jeudi 14 février 2019

Du Grand Ballon au Markstein

Distance : 12 kilomètres

Dénivelé : 300 mètres

Durée : 3h30

Je me réveille pile au moment du lever du soleil vers 7h30 et je peux l’admirer à travers la fenêtre de ma chambre, la journée commence bien ! Je vis désormais au rythme du soleil en passant mes journées dehors tant qu’il est visible dans le ciel.

Lever de soleil depuis ma chambre

Après un petit-déjeuner copieux, je remballe mes affaires et je récupère mon pique-nique commandé à l’hôtel, je suis prêt à partir à 9h. Je refais le sommet du Grand Ballon puis je redescends vers le col du Haag. Il n’y a quasiment personne dehors et le ciel est aussi bleu que la veille, c’est beau.

Vue sur les Vosges de bon matin depuis le Grand Ballon

En montant depuis le col en direction des crêtes, je croise un gars du coin très sympathique avec qui je discute une bonne dizaine de minutes. Il a la soixantaine et il est en pleine forme, il fait du trek de bon matin. La vue sur le massif des Vosges est magnifique et, grâce aux explications de mon interlocuteur, je distingue au loin le Mont Blanc, je n’ai pas l’habitude de le voir sous ce profil et on aperçoit également le massif du Jura qui sépare les Vosges des Alpes.

La neige est de bonne qualité à cette altitude, pas trop dure ni trop collante, je marche facilement dessus avec mes raquettes en repérant le chemin grâce à des traces de précédents randonneurs. En redescendant du haut d’une crête, je tombe sur un groupe de retraités qui sont également en raquettes et qui avaient séjourné dans le même hôtel que moi la veille dans une bonne ambiance de rigolades pendant un riche dîner bien arrosé. Nous discutons un peu et il se trouve qu’ils iront au même hébergement que moi ce soir au Markstein, l’hôtel Wolf, nous nous disons donc à bientôt.

Pour ma part, je suis le chemin GR5 longeant la ligne des crêtes tandis que la route enneigée avec la piste de ski de fond est plus en contrebas, cela me permet d’avoir de meilleurs points de vue et je me sens davantage dans la nature sauvage avec de larges étendues de neige vierge sans aucunes traces de pas. Le ciel est toujours complètement dégagé avec un soleil radieux et il fait presque trop chaud quand on marche (10 degrés) mais la visibilité est excellente. Ces paysages de moyennes montagnes enneigées avec des parcelles de forêts sont magnifiques et j’apprécie de pouvoir me déplacer en raquettes sur d’aussi grandes étendues de neige dans un environnement très sauvage. Le chemin traverse à certains moments des forêts d’arbres complètement dénudés, il y a peu de sapins.

Les points de vue sont nombreux dans ce magnifique environnement sauvage

Je prends mon pique-nique près de la station du Markstein située à 1185 mètres d’altitude puis je vais à mon hôtel pour me reposer. Ensuite, je troc mes raquettes contre des skis de fond pour m’essayer à ce sport très pratiqué dans cette région et j’emprunte les rails creusés dans la neige sur la Route des Crêtes. C’est très pratique même si cela devient lassant de devoir suivre une voie toute tracée, je finis par regretter mes raquettes qui offrent une grande liberté de mouvement et permettent de sortir des sentiers battus, c’est en quelque sorte une métaphore de ma vie !

J’avance bien plus vite en ski de fond qu’en raquettes mais je voyage aussi plus léger, en deux heures je parviens à rejoindre le col du Haag puis à rentrer au Markstein. Le temps est toujours au beau fixe, je savoure ma chance en admirant le paysage.

De retour à l’hôtel, je fais une micro sieste puis je repars dehors tant qu’il fait jour pour monter sur un petit sommet à proximité qui offre un beau point de vue sur le coucher du soleil, je ne tiens pas en place quand il fait beau dehors et que le spectacle de la nature est aussi majestueux.

Nouveau coucher de soleil magnifique sur les Vosges

Puis, après une bonne douche chaude, je visualise sur ma carte l’itinéraire du lendemain où nous avons prévu de nous rejoindre avec mon grand-frère Jérémie (alias « Jérem ») qui arrivera en train de Paris avec des skis de randonnée. On s’appelle le soir pour se donner quelques infos, les prévisions météos sont encore très favorables et la couche de neige reste épaisse malgré les températures douces donc cela devrait être possible de faire du ski, c’est aussi en raison de cette inconnue que j’avais préféré prendre des raquettes.

Le dîner à l’hôtel est à nouveau très copieux mais, malheureusement, le joyeux groupe de retraités n’est pas là pour égayer la soirée. Allez, il est temps de dormir !

Jour 3, vendredi 15 février 2019

Du Markstein au Hohneck

Distance : 20 kms

Dénivelé + : 500m

Durée : 7h

Lever à 8h, je prends un gros petit-déjeuner puis je prépare mon sac, en route pour les Crêtes ! Au départ, je traverse en raquettes les pistes de ski de la station du Markstein puis, étant donné que la météo est toujours bonne, je décide de suivre le chemin de randonnée du GR5 qui suit la Route des Crêtes mais en restant sur les hauteurs.

La vue est belle, désormais c’est l’aventure loin des voies fréquentées, enfin il y a quand même beaucoup de traces de pas mais je croise très peu de monde. Les passages en forêt me permettent de me protéger du soleil qui tape déjà fort puis j’atteins une clairière au col du Hahnenbrunnen à 1186 mètres d’altitude (on voit de par les sonorités et les orthographes de ces lieux que l’on s’éloigne des latins et que l’on se rapproche des germains !).

Soudain, un traîneau tiré par six chiens en file indienne passe devant mes yeux ébahis dans ce décor de conte de fées et je redeviens un petit enfant tout émerveillé.

Un équipage de chiens de traineau passe devant moi au col du Hahnenbrunnen

Ensuite, je continue de suivre le GR5 qui passe au milieu d’un large couloir de neige bordé de chaque côté par la forêt puis, j’atteins un sommet d’où je peux voir la ligne de crêtes s’étendant au loin et me montrant les prochaines bosses à franchir sur le parcours, c’est facile de se repérer comme cela.  

Les paysages de moyennes montagnes en bosses recouvertes de neige blanche et de forêts clairsemées sont magnifiques, j’ai l’impression d’être à l’autre bout du monde, en Laponie ou au Canada. L’itinéraire que j’avais élaboré à l’avance sur des cartes IGN depuis mon étroit et sombre studio parisien en rêvant de grands espaces majestueux se révèle être bien au-delà de mes espérances !

Je commence à croiser quelques randonneurs en raquettes sur les coups de midi mais, dans l’ensemble, il n’y a quasiment personne sur ce chemin. Pour le déjeuner, je m’abrite du soleil en me réfugiant à l’ombre offerte par la façade d’un refuge de montagne qui est fermé en hiver. Le talon de mon pied droit me fait mal depuis le premier jour et cela devient de plus en plus douloureux. Heureusement, les beaux paysages me permettent de moins y penser.

Jérémie est arrivé en train dans la vallée et il se dirige désormais vers les hauteurs à pied avec ses skis sur le dos jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment de neige pour les chausser. Il devrait ensuite emprunter le même chemin que moi mais je continue d’avancer car il ira plus vite que moi avec ses skis et j’ai encoure beaucoup de distances à parcourir.

L’après-midi, j’enchaîne les mini sommets, l’effort à fournir pour l’ascension est important car parfois la pente est raide, mon sac me pèse une tonne, je marche lentement mais d’un pas régulier et je ne me lasse pas de ces multiples points de vue différents sur les Vosges. Quand je tourne le dos pour regarder en arrière, le sommet du Grand Ballon avec son radôme m’apparait déjà bien loin alors que j’y étais il y a seulement deux jours et j’aperçois encore également en toile de fond l’imposante chaîne de montagnes des Alpes derrière un léger rideau de condensation.

Désormais, je croise davantage de randonneurs et nous discutons de temps en temps, la plupart sont de la région et viennent à la journée donc ils ont moins d’affaires à porter que moi.

Le sommet arrondi et enneigé tout à gauche est le Grand Ballon et on aperçoit au loin dans la brume la chaîne des Alpes

J’atteins la station de ski du Hohneck à 1363 mètres de haut en fin de journée, il y a du monde sur les pistes en comparaison du chemin sur les crêtes, je n’ai déjà plus l’habitude de voir autant de personnes, le retour à Paris va être difficile…

Enfin, j’arrive à l’auberge, soulagé de retirer mes chaussures et de poser mon sac à dos. C’est un grand chalet tout en bois très agréable. Jérémie me rejoint une heure plus tard, tout juste après le coucher du soleil, très enthousiaste comme moi de cette belle journée malgré les efforts physiques. Nous célébrons nos retrouvailles autour d’un très copieux dîner accompagné d’une bonne bière puis d’un bon verre de vin rouge : c’est ça aussi la montagne ! 😊

Photo du coucher de soleil prise par Jérémie du haut de la station du Hohneck avant de me rejoindre à l’auberge
Les retrouvailles entre frangins autour d’un bon repas

Jour 4, samedi 16 février 2019

Du Hohneck à l’Auberge du Devin (3km au sud de la ville du Bonhomme)

Distance : 22kms

Dénivelé : beaucoup de hauts et de bas…

Durée : 8h

Quelle journée ! Efforts constants, douleurs lancinantes, paysages naturels grandioses…

Le réveil est à 8h comme les autres jours sauf que cette nuit j’ai très mal dormi à cause d’une grosse ampoule qui s’est formée au niveau de mon talon droit et qui me fait affreusement mal. Je me suis même demandé si j’allais pouvoir continuer cette aventure car il apparait que mes chaussures neuves sont légèrement trop petites pour ces longues marches répétées (j’aurais dû prendre une taille au-dessus de la mienne) et je n’ai pas de protections adaptées contre les ampoules du style Compeed.

Je tente malgré tout de désinfecter ma blessure puis je la recouvre d’une compresse et la maintient avec du sparadrap en espérant que cela tiendra. Le ciel est encore bien dégagé donc ce serait dommage de ne pas profiter de cette belle journée !

Avec Jérémie sur ses skis et moi sur mes raquettes, nous montons doucement jusqu’au sommet du Hohneck, il fait déjà chaud et nous sommes en t-shirt dans la montée. Je prends un peu d’avance sur Jérémie lorsqu’il doit installer ses peaux de phoques sur ses skis mais il me rejoint peu de temps après pour me dépasser ensuite facilement à la descente après avoir enlever les peaux de phoques.

La vue panoramique depuis le sommet est saisissante, elle laisse découvrir des pentes raides et des falaises abruptes surmontées de congères, il faudra être prudent de ne pas trop s’en approcher.

Nous redescendons ensuite en longeant les crêtes, Jérem me dépasse mais il a la bonté de m’attendre sur le plat puis il arrive à se faufiler avec adresse malgré ses longs skis dans une forêt dense avant d’atteindre une vaste clairière.

Ensuite, nous traversons une nouvelle forêt en longeant le bord d’une falaise pour atteindre le col de la Schlucht à 1139 m. Il y a du monde de sortie en ce beau week-end ensoleillé mais, heureusement, la prochaine partie du chemin que nous empruntons est moins fréquentée. Nous montons progressivement une pente à travers une forêt et un passage technique nécessite d’enjamber un ruisseau, Jérem décide de passer avec ses skis et ça passe sans casse.

Ensuite, nous retrouvons le haut des crêtes dans un nouveau décor avec des empilements de gros rochers qui semblent taillées comme si c’était un ancien fort en ruine. Cet amoncellement de pierres est légèrement recouvert de neige au milieu d’une forêt de sapins, on se croirait dans les Rocheuses américaines, il ne manque plus qu’un loup ou un coyote hurlant à son sommet.

Nouveau décor

Il fait chaud en marchant avec le soleil qui tape d’en haut et sa lumière qui se réverbère au sol sur la neige, mon sac me semble toujours aussi lourd et mon talon droit me fait souffrir mais les paysages grandioses sont là pour me divertir.

Nous faisons la pause déjeuner en haut de la station de ski du Tanet et nous en profitons pour discuter de la suite du parcours en analysant la carte. Initialement, j’avais prévu un hébergement qui se trouvait à proximité de cet endroit mais qui obligeait à faire un détour et n’offrait pas le couvert (scandale !). En ce samedi pendant les vacances scolaires, la plupart des logements le long de la Route des Crêtes sont complets, notamment à la station de ski du Lac Blanc. Toutefois, Jérémie me fait judicieusement remarquer que l’itinéraire du lendemain risque d’être très long alors que nous avons un train à prendre en fin d’après-midi et il propose d’avancer plus loin quitte à faire un plus long trajet aujourd’hui.

Nous continuons donc notre périple sans trop savoir où se terminera cette étape. En se renseignant auprès de l’office du tourisme locale, Jérémie trouve une auberge disponible nommée l’Auberge du Devin qui est située plus loin en contrebas à 950 mètres d’altitude. Il y a encore beaucoup de kilomètres à parcourir mais cela ne nous détourne pas de la Route des Crêtes et on sait qu’un bon repas chaud nous attend le soir, courage !

Jérem m’annonce la bonne nouvelle après une belle descente à skis qu’il a réservé un hébergement tandis que je reste concentré sur ma marche en boitant légèrement 🙂

La suite est une succession de montées et descentes assez fatigante et, en arrivant en haut d’un énième sommet après une longue ascension, je suis claqué, j’ai l’impression de traverser un immense désert blanc avec ses dunes de neige.

Après avoir atteint les pâturages de Plainfaing sur un haut plateau en bord de falaises, Jérémie m’allège de mes deux thermos puis s’engage dans la descente après que nous ayons admiré une dernière fois et pendant longtemps la magnifique ligne de crêtes qui s’étire depuis le Grand Ballon jusqu’à nous avec les massifs de la Forêt Noire, du Jura et des Alpes en arrière-plan. C’est une des plus belles randonnées en montagne que j’ai faite !

En descendant le long d’un versant montagneux abrupte, j’aperçois le Lac Blanc qui tient bien son nom avec sa couche de glace recouverte de neige. Il y a même des personnes téméraires qui marchent dessus. En surplomb du lac, sur son bord sud, il y a un immense piton rocheux qui est comme une sorte de totem ou d’immense plongeoir naturel.

Malheureusement, en arrivant au niveau des pistes de ski de la station du Lac Blanc, je me trompe de chemin, pressé par la fatigue et la douleur au talon droit, et cette erreur me fait descendre trop bas pour ensuite devoir remonter à nouveau. Je suis furieux contre moi et exténué quand je retrouve Jérémie au col du Calvaire qui porte décidément bien son nom !

Ensuite, nous empruntons un chemin forestier transformé en piste de ski de fond pendant l’hiver, il reste encore deux à trois kilomètres à parcourir tandis que le soleil se couche. La lumière du soleil est magnifique en illuminant de ses derniers rayons la cime des arbres puis, l’astre rougeoyant décline et disparait dans un dernier éclat. Je reste émerveillé par ce spectacle malgré la douleur et la fatigue, sachant que c’est mon quatrième et dernier coucher de soleil dans les Vosges.

Encore un beau coucher de soleil

Jérem me propose de monter avec lui sur ses skis pendant la descente sur une légère pente mais on arrête après quelques centaines de mètres car on risque de se faire mal. Il fait désormais presque nuit, j’avance péniblement en claudiquant, mes larges raquettes autour des pieds et ma lente démarche maladroite me donnent l’impression d’être un éléphant s’enfonçant dans la neige épaisse. Ça y est, j’aperçois les lumières du chalet à travers les arbres, je suis sauvé ! 😊

On se claque dans les mains à l’arrivée avec Jérem pour se féliciter de cette journée marathonienne puis nous nous installons dans le dortoir où nous sommes les seuls à dormir cette nuit. Il y a d’autres pensionnaires dans l’auberge mais ils ont pris des chambres individuelles. Je suis paralysé de fatigues après tous ces efforts en continu, je ne pensais pas que cette randonnée serait aussi difficile physiquement. Je retire avec délice mes chaussures qui me mettaient au supplice et je prends une bonne douche bien chaude avant de retrouver Jérémie dans la salle à manger commune pour s’offrir une bonne petite bière bien méritée, c’est devenu notre rituel de fin d’étape.

Puis, on se prend un pichet de vin rouge pour accompagner le repas, on a assez bu d’eau pendant la journée 😊 Tant pis si cela ne me facilite pas le sommeil, c’est important les traditions. Et, bonne nouvelle, la propriétaire du chalet a des Compeed donc je lui en achète sans négocier, « My kingdom for a Compeed » !

Allez, il est temps de se coucher maintenant, nous avons besoin de repos…

Jour 5, dimanche 17 février 2019

De l’Auberge du Devin à Sainte-Marie-aux-Mines

Distance : 16 kms

Dénivelé : moins de hauts, plus de bas

Durée : 6h

La nuit a été bien meilleure que la veille donc le moral est bon d’autant plus que je sais que notre étape du jour sera plus courte et avec moins de dénivelé.

Nous reprenons les pistes de ski de fond dans la forêt puis nous descendons en direction du village du Bonhomme via un chemin accidenté où la neige se fait de plus en plus rare. Jérem est obligé de louvoyer sur les côtés avec ses skis pour trouver de la neige encore un peu fraîche puis, après quelques centaines de mètres, il doit se rendre à l’évidence, il faut déchausser et porter son matériel sur le dos.

La balade dans la forêt est agréable, nous avons la lumière du soleil tout en étant protégés de ses rayons par les arbres autour de nous, les températures sont encore douces. Ma marche est plus rapide sans mes raquettes aux pieds et nous avançons à une bonne allure, je ne ressens quasiment plus de douleurs au talon grâce à la Compeed, c’est vraiment très pratique et, désormais, j’en prendrais toujours avec moi pour des randonnées de plusieurs jours !

Nous remontons ensuite au col du Pré de Raves à 1005 mètres où nous retrouvons de la neige pour le plus grand plaisir de Jérémie qui peut se délester du poids de ses skis en les chaussant à nouveau. Ensuite, nous atteignons une clairière avec un rocher en plein milieu et, du haut de ce promontoire naturel, on peut observer des modestes montagnes en forme de buttes, recouvertes de sapins et disséminées dans le bassin de la ville de Saint-Dié-des-Vosges que l’on peut apercevoir au loin.

Malgré les nombreux points de vue que nous avons pu admirer lors de ces derniers jours, nous nous émerveillons comme des gamins avec un grand sourire et des yeux admiratifs quand nous découvrons cette vue dégagée en sortant de la forêt. On savoure ce moment en prenant notre pique-nique au soleil sur les rochers et nous prenons de multiples photos souvenirs de ce bel endroit dont nous sommes conscients qu’il est sans doute le dernier de notre parcours.

Nous avançons à un bon rythme en croisant toujours très peu de personnes alors que la météo est encore excellente. En arrivant au pied de l’Arbre de la Liberté qui fut apparemment planté en 1918 pour célébrer la libération de l’Alsace, Jérémie doit se résoudre à déchausser ses skis et, cette fois-ci, définitivement. Nous marchons désormais côte à côté, cette randonnée dans la forêt est plaisante et nous ne faisons plus que descendre en direction de Sainte-Marie-aux-Mines où un train nous attend. Nous découvrons dans la vallée de belles et grandes fermes ou chalets en bois qui s’insèrent parfaitement dans leur milieu naturel.

Ça y est, nous voilà arrivés à notre étape finale de Sainte-Marie-aux-Mines située à 770 mètres d’altitude après cette magnifique traversée des Vosges dans un décor féérique avec une météo de rêve. Oui, j’ai souffert physiquement mais les paysages étaient tellement beaux dans cette nature grandiose et très sauvage. Cela a été aussi l’occasion de partager ces bons moments avec mon frère Jérem et nous célébrons notre exploit fraternel autour d’une bonne bière comme il se doit ! 😊

Vive les Vosges !!!

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Paris – Londres à vélo

470 kilomètres parcourus à vélo du 15 au 20 septembre 2013

Introduction

De retour d’un grand voyage par la route à travers l’Eurasie entre 2022 et 2023, j’ai relu par curiosité les notes prises sur mon carnet pendant mon voyage itinérant à vélo de Paris jusqu’à Londres en septembre 2013. J’avais fait auparavant quelques traversées à pied ou à vélo de trois ou quatre jours maximums dans les Alpes françaises mais c’était la première fois que je me lançais dans une aussi grande distance à parcourir seul et à vélo. Ce fut en quelques sorte mon voyage initiatique qui me donna envie d’en faire d’autres par la suite, seul, avec un ami ou de la famille, pour découvrir notre beau pays par différents moyens de déplacements (à pied, en vélo, à moto…). Dix ans après, cela m’a paru le bon moment de publier mes notes prises pendant le voyage avec quelques ajouts et modification.

Bonne lecture!

Itinéraire

Itinéraires de l’Avenue Verte (j’ai pris celui passant par l’est)

Genèse de ce voyage

A l’occasion des Jeux Olympiques de Londres en 2012, j’avais entendu parler de l’inauguration par le maire de Paris de l’époque, Bertrand Delanoë, d’un itinéraire à vélo permettant de relier Paris à Londres dénommé l’« Avenue Verte London – Paris ». Cela m’avait donné envie car c’était à la fois un objectif ambitieux et motivant de partir de Paris à vélo pour rejoindre Londres en traversant la Manche en bateau. De plus, cet objectif paraissait atteignable en une bonne semaine sans avoir besoin de trop de préparatifs. Donc, lors d’un week-end chez mes parents à Agen vers la fin août 2013, je leur fis part de ce projet car j’avais besoin de me changer les idées et ils m’y encouragèrent, mon père m’aidant à emballer mon vélo que j’avais laissé chez eux afin de le ramener à Paris dans mon train du retour. Ensuite, il ne me restait plus qu’à acheter du matériel (porte bagage, sacoches) ou m’en faire prêter (tente et duvet légers) et je fixais la date de mon départ au dimanche 15 septembre 2013 afin de bénéficier de journées relativement longues et, je l’espérais, d’une météo clémente.

Pour lire la suite, vous pouvez cliquer sur un jour de la liste ci-dessous ou tout simplement continuer la lecture vers le bas

  • Jour 1 : de Paris jusqu’à Auvers sur Oise, 75 kms
  • Jour 2 : de Auvers sur Oise jusqu’à Bresles, 103 kms
  • Jour 3 : de Bresles jusqu’à Forges les Eaux, 80 kms
  • Jour 4 : de Forges-les-Eaux jusqu’à Dieppe, 50 kms
  • Jour 5 : de Seaford jusqu’à Danegate, 60 kms
  • Jour 6 : de Danegate jusqu’à Londres, 103km,

Jour 1, le 15 septembre 2013

De Paris jusqu’à Auvers sur Oise (75 kms)

Je quitte mon logement parisien proche de la Gare de l’Est aux alentours de 9h30 sous le soleil, c’est de bon augure. Le porte bagage fixé à l’arrière sur la tige de ma selle de VTT me pose régulièrement des soucis car il n’est pas adapté pour mes larges sacoches qui pendent en l’air et frottent souvent sur mon pneu arrière, ce qui a pour effet de me ralentir. Je m’arrête donc souvent pour relever ma selle au maximum afin d’éviter les frottements mais, la contrepartie est que je touche à peine les pédales avec la pointe de mes pieds, tout mon poids repose sur la selle avec les douleurs que vous imaginez au niveau du fessier et je ne peux pas relever ma potence de guidon donc je dois tordre mon dos pour tenir mon guidon, parfois en le tenant du bout des doigts. Ainsi, je me déplace dans une posture pas très ergonomique et, de plus, je porte un petit sac sur mon dos avec mon duvet attaché par-dessus, n’ayant pas réussi à tout installer sur mon porte bagage. Clairement, c’est à éviter pour soulager le dos et moins transpirer même si ce sera plutôt le froid qui me gênera pendant ce voyage. Peut-être j’aurais pu prendre moins d’affaires mais c’était la première fois que je faisais ce type de voyage et j’avais du mal à évaluer ce qui était réellement nécessaire.

Je longe le canal Saint Martin suivi par celui de l’Ourcq et je prends la bifurcation du canal qui passe à côté du stade de France puis je traverse Aubervilliers et Saint-Denis avant de rejoindre la Seine. Ce ne sont pas des décors très réjouissants avec les saletés et la foule mais, à partir de Gennevilliers, c’est plus agréable avec le beau parc des Chanteraines. Néanmoins, je prends un peu de retard sur mon planning en me perdant quelques fois ou en m’arrêtant pour réajuster mon matériel.

Le trajet le long de la Seine est très sympathique avec de longues et larges pistes cyclables parfois envahies par des hordes de joggers. Ah, c’est dur le vélo ! J’ai déjà mal aux fesses et au dos mais je tiens bon en faisant des pauses rapides mais régulières puis je m’arrête plus longtemps pour un pique-nique en face du château et du parc de Saint-Germain-en-Laye, la vue est plaisante.

Le parcours à vélo de Paris à Londres est souvent indiqué par de petits panneaux avec un logo en forme de boussole et les noms des deux capitales et j’ai aussi un cahier « roadbook » avec l’itinéraire détaillé sur plusieurs cartes, pratique pour se repérer à cette époque où je n’avais pas encore de smartphone digne de ce nom.

Je découvre de jolies maisons et de belles péniches au croisement entre la Seine et l’Oise puis j’atteins la base de loisir de Cergy où je fais une trempette rafraichissante dans le lac. Ensuite, je rejoins vers 17h30 le camping municipal très modeste de la ville de Auvers sur Oise où s’installèrent pendant un temps de nombreux peintres impressionnistes dont l’illustre Van Gogh qui y trouva la mort de façon tragique. Je discute un peu avec un couple d’anglais au camping puis je fais une petite balade à pied et je vais me coucher dans ma tente.

Jour 2, le 16/09/2013

De Auvers sur Oise jusqu’à Bresles (103 kms)

Je me réveille vers 7h30 et je lève le camp une heure plus tard après avoir pris mon petit déjeuner. La nuit a été animée par la pluie et j’ai eu un peu froid avec mon duvet léger, c’est le dilemme entre le poids à porter et le confort que cela apporte. Heureusement, le soleil est là pour me réchauffer et le sentier que j’emprunte en longeant l’Oise est très beau. Cependant, mon fessier est toujours en délicatesse mais j’avance en me disant que le temps ensoleillé risque de ne pas durer.

Je rejoins Chantilly et ses superbes villas dans de chics zones pavillonnaires quadrillées à l’américaine puis je contourne l’immense hippodrome en passant à côté de grands haras. J’aperçois le magnifique château de Chantilly mais je ne m’attarde pas trop car le ciel s’assombrit et je reçois du ciel les premières gouttes de mon parcours. Cela va être l’occasion de tester la fiabilité de mon matériel et la force de mon mental, finalement ça passe même si j’ai un peu froid.

En arrivant à Senlis, je m’offre une bonne pause pique-nique en avalant un gros sandwich réclamé par mes muscles et mon estomac puis, je reprends la route et je passe à travers une grande et belle forêt où je suis quasiment tout seul comme pour la grande partie de mon itinéraire de la journée. J’enchaîne des petites montées suivies par des descentes, il commence à y avoir du relief. En sortant d’une forêt sur les hauteurs d’une colline, la route se met à descendre quand, soudain, une belle vue bien dégagée sur la vallée s’offre à mon regard et je ne peux réprimer un cri de joie et de satisfaction pour cette belle surprise.

Cependant, je commence à fatiguer, il y a parfois de grandes zones de plat mais avec du vent de face donc je n’avance pas très vite. En plus de cela, la pluie alterne avec le soleil et le dénivelé grimpe de temps en temps. Malgré tout, j’avance étape par étape en consultant la carte du roadbook pour me fixer de petits objectifs atteignables, cela m’aide à garder le moral.

Je mange beaucoup de barres énergisantes, il me faut du sucre ! Et je me promets qu’à l’arrivée au camping de Bresles je mangerai un plat chaud, ce sera chose faite avec deux bonnes grosses merguez sur une grande barquette de frites arrosées de ketchup – mayo. C’est mon estomac qui commande.

Le propriétaire du camping est sympathique et nous entamons une discussion, ça se sent qu’il apprécie son métier et sa petite entreprise. Par contre, il m’avait promis de l’eau chaude grâce à des panneaux solaires installés sur les toits des sanitaires mais ce n’est pas le cas. Grrr…

Jour 3, le 17/09/2013

De Bresles jusqu’à Forges les Eaux (80 kms)

Dure, dure, cette journée !!!

Cela a mal commencé dès la nuit tombée car je grelottais sous ma tente dans mon maigre duvet prévu pour les chaleurs d’été même après avoir enfilé tous mes vêtements. Je suis donc allé me réfugier au chaud…dans les sanitaires du camping !

Levé aux aurores, je discute avec mon voisin qui se trouve travailler au Décathlon de Beauvais. Cela me donne l’idée d’y aller pour acheter une couverture pour mieux dormir. Après m’être rendu compte que je m’étais trompé d’itinéraire en partant, je reprends la bonne route mais, mon genou droit commence à me faire très mal. Je dois lutter contre la douleur pour pédaler et je fais de nombreuses pauses pour soulager mon genou. J’arrive tant bien que mal au Décathlon où j’achète une couverture. Ensuite, je pars visiter la grande et belle cathédrale de Beauvais puis je fais des courses et c’est reparti.

Cathédrale de Beauvais

Malheureusement, mon genou continue de me faire grimacer dès que je pédale, je commence à me demander si j’arriverai jusqu’à Londres, voir même jusqu’à la destination prévue pour ce soir… Dans les montées, je finis par pousser le vélo à pied tandis que sur le plat et en descente je pédale doucement en essayant de solliciter uniquement ma jambe gauche mais, forcément, j’avance très lentement.

Toutefois, les paysages au bord du chemin me permettent de me changer les idées, je découvre de belles et grandes fermes en pierre et des champs verdoyants où broutent vaches et chevaux. L’itinéraire permet d’éviter les axes routiers très fréquentés et c’est agréable de ne pas être gêné par les voitures ou les poids lourds mais je ne croise pas non plus de piétons ou de cyclistes et cela devient un peu pesant à la longue. Parfois j’ai l’impression de traverser des villages fantômes. Finalement, il y a de la place en France !

Je fais une pause pique-nique puis je m’octroie une sieste bien méritée. Il fait déjà froid en journée et cela ne va pas s’arranger. En repartant, mon genou va un peu mieux et j’essaye de ne pas trop forcer. La pluie se manifeste par intermittence mais je continue mon chemin désormais sur un bon rythme et je reprends espoir d’atteindre mes objectifs. Par contre, à partir du milieu d’après-midi, la pluie se met à tomber sans interruptions, cela devient usant pour le moral et glaçant pour le corps. Le mental joue pour beaucoup dans mes efforts physiques, surtout pendant les montées. Parfois, il m’arrive de m’énerver contre mon vélo quand mes sacoches freinent ma roue arrière, je lui hurle presque dessus alors que le pauvre n’y est pour rien. J’ai l’impression par moments que mes freins à tambour sont mal réglés et qu’ils frottent aussi sur la roue mais non, c’est dans ma tête, il faut penser à autre chose.

Sur la route, je rencontre enfin d’autres voyageurs : deux couples d’anglais, la cinquantaine, qui font Londres – Paris à vélo donc dans l’autre sens que moi, je me sens moins seul. Malheureusement, comme il pleut beaucoup, nous ne discutons pas longtemps et chacun part en sens opposé en s’encourageant.

Je m’autorise quelques bifurcations dans l’itinéraire afin de raccourcir le trajet et soulager mon genou, mes fesses et mon dos sachant que la pluie ne faiblit pas. Les abribus me sont également un précieux abris pour m’assoir tout en avalant une barre de fruits.

Enfin, j’arrive à la ville de Forges-les-Eaux qui porte bien son nom ! Après quelques hésitations entre l’hôtel ou le camping, je résiste à l’appel d’un bon lit douillet et de la certitude d’une douche chaude en me dirigeant vers le camping pour rester dans le thème de ce voyage que je m’étais fixé. Et j’ai l’agréable surprise que le propriétaire me propose de m’héberger dans une salle pour m’abriter de la pluie qui ne s’est toujours pas arrêtée. En plus, la salle est chauffée, j’en profite donc pour étendre tout mon linge humide et, cerise sur le gâteau, la douche est très très chaude, j’y reste longtemps ! Loué soit le propriétaire du camping qui m’a si bien accueilli !

En me couchant vers 21h, il pleut toujours, j’espère que ça ira mieux demain…

Je me réfugie pour la nuit dans une salle mise à ma disposition par le propriétaire du camping de Forges-les-Eaux

Jour 4, le 18/09/2013

De Forges-les-Eaux jusqu’à Dieppe (50 kms)

Après une nuit plutôt agréable, au chaud dans la salle du camping mais gêné par le bruit du vent et de la pluie qui n’ont pas cessé, je me lève pour remballer mes affaires. Malheureusement, certaines d’entre elles sont encore humides malgré le chauffage. Tant pis, je pars vers 9h après avoir réglé le camping (seulement 5€ la nuit).

Je fais l’ouverture du magasin Aldi avec une foule de personnes âgées attendant comme moi dehors et qui me regardent d’un air curieux et étonné, ils ne doivent pas voir souvent un jeune de mon âge faire ses courses à cette heure matinale et je ne passe pas inaperçu avec mon vélo à sacoches.

Je commence à pédaler sous une fine pluie mais cette journée devrait être plus facile car il y a moins de kilomètres à parcourir, mon objectif étant de rejoindre Dieppe qui se situe à une cinquantaine de kilomètres afin de prendre un ferry pour l’Angleterre. Une ancienne voie de fer a été réaménagée en piste cyclable sur une quarantaine de kilomètres et c’est très agréable de la parcourir au milieu des prairies où broutent de belles vaches normandes.

Je rencontre un cycliste anglais bien équipé qui va dans le sens inverse et dont l’objectif est de rejoindre la Grèce : bel objectif ! Puis, je me fais rejoindre par deux anglaises à vélo qui vont dans la même direction que moi. Elles ont la cinquantaine et tiennent leur buste bien droit tout en affichant un sourire cordiale vêtues d’imperméables fluos, « so british ». Nous engageons la discussion et elles m’expliquent qu’elles sont parties également de Paris mais elles ont suivi un autre itinéraire plus court que le mien en passant par Gisors à l’ouest et elles prévoient de terminer leur parcours une fois arrivées sur les côtes anglaises, après avoir pris le ferry de Dieppe. C’est la première fois que je croise des cyclistes qui suivent un trajet similaire au mien, c’est bien agréable de pouvoir échanger sur nos expériences et nous encourager. Nous nous présentons, Charlotte vit dans le sud de l’Angleterre et elle est professeure de yoga, Sue est physiothérapeute à Vancouver au Canada. Elles sont très sympathiques mais elles vont trop vite pour moi, leurs vélos VTC sont mieux adaptés avec de plus grandes roues que mon VTT, elles voyagent plus léger et mes douleurs persistantes au genou sont mes excuses pour me rassurer.

Néanmoins, nous nous retrouvons plusieurs fois sur la piste cyclables avec Sue et Charlotte lorsqu’elles font une pause et nous prenons un bon chocolat chaud dans une ancienne gare réaménagée en café au bord de la piste cyclable. Puis, nous faisons une pause pique-nique plus loin sur des tables en bois.

L’ancienne voie de chemin de fer passe devant le très joli château de Mesnières en Bray et j’en profite pour me faire prendre en photo devant avec mon vélo sans savoir que j’y retournerai trois ans plus tard pour participer à l’organisation des 30 ans de la belle association A Bras Ouverts (ABO) dans laquelle je commençais tout juste à m’impliquer à ce moment, le monde est petit !

Château de Mesnières-en-Bray

La fine pluie a fini par cesser et le ciel s’est éclaircit progressivement. Je ne me lasse pas des paysages champêtres avec des prairies verdoyantes où broutent paisiblement vaches et chevaux ainsi que des belles bâtisses normandes en pierre. Le soleil commence enfin à poindre le bout de son nez mais c’est à ce moment que la pente montante augmente légèrement, ce qui m’oblige à fournir un effort plus important. A vélo, on remarque tout de suite les changements de dénivelé ! Le ferry part à cinq heures de l’après-midi et j’ai un peu tardé sur le chemin donc je dois forcer l’allure, les derniers kilomètres sur la route me paraissent interminables…

Je ne peux pas apercevoir la mer au loin qui est cachée par la ville de Dieppe et les falaises autour, je ne la découvrirai qu’au dernier moment, en arrivant au bord de la plage et le spectacle n’en sera que plus saisissant : j’ai une grande explosion de joie à la vue de cette immense étendue d’eau tout en sentant l’air marin chargé de sel ! Le ciel est désormais dégagé et le soleil éclaire les galets de couleurs claires tout comme l’eau de la mer qui est calme et d’un vert pale tendant vers le marron au bord, en partie teintée par la craie des hautes falaises de chaque côté du port de la ville qui s’érodent progressivement.

Je suis tellement fier de moi, je suis parti avec mon vélo depuis Paris et me voilà au bord de la Manche après avoir parcouru quasiment trois cents kilomètres en quatre jours ! C’était ce type de défi que je voulais relever et d’émotion que je voulais ressentir. Malgré les difficultés et les souffrances, les routes qui nous semblent interminables, on finit par en arriver au bout et cela en vaut la peine.

Je retrouve Charlotte et Sue sur le ferry, le ciel est désormais dégagé et on peut apercevoir un beau coucher de soleil en s’éloignant des côtes. Nous dînons ensemble puis nous nous reposons.

En accostant de nuit à Newhaven en Angleterre, je ne sais toujours pas où je vais dormir. Charlotte et Sue ont réservé un hôtel mais je préfère continuer en mode camping. Nous sommes plusieurs cyclistes voyageurs sur le ferry et, au moment de partir, je demande à deux anglaises qui ont fait le trajet de Londres à Paris et qui rentrent chez elles si elles connaissent un endroit où je pourrais m’installer, elles m’indiquent la direction d’un camping qui est assez proche du port.

Allez, banco, je pars à la recherche de ce fameux camping en pleine nuit et je le trouve facilement après une quinzaine de minutes. Il est situé au bord de la mer, j’installe ma tente puis je pars sur la plage pour contempler la mer éclairée par la lune, c’est un beau spectacle avant de me coucher.

Jour 5, le 19/09/2013

De Seaford jusqu’à Danegate (60 km)

J’ai passé une nuit difficile car j’ai eu encore très froid malgré ma nouvelle couverture donc je me suis à nouveau réfugié dans les sanitaires.

Je me lève tôt pour avoir le temps d’admirer le paysage au bord de la mer tout en prenant mon petit-déjeuner puis je pars en ville retirer des « pounds », acheter à manger et du baume à lèvres car elles sont toutes gercées à cause de l’exposition au soleil, même à travers les nuages.

Ensuite, je me rends à un point de vue pour admirer les falaises de craie blanche dénommées les « Seven Sisters », c’est un site grandiose et magnifique, le plus beau paysage de mon parcours et je prends le temps de l’admirer en me baladant le long des côtes. Je me sens dans un nouveau pays, les vaches dans les prairies ont été remplacés par des moutons, les gens parlent une autre langue mais le ciel est toujours gris. Je reprends la route vers onze heures, revigoré par cette halte sympathique, finalement Albion n’est pas si perfide mais restons prudent quand-même…

Seven Sisters

Nous avions échangé par textos avec Charlotte et Sue qui m’avaient indiqué qu’elles feraient peut-être une journée supplémentaire à vélo en raison de la météo clémente mais sans que l’on se donne de détails sur nos itinéraires quand soudain, après quelques kilomètres, je les retrouve complètement par hasard sur la route et nous sommes très heureux de nous revoir de cette manière aussi inattendue !

Charlotte et Sue sont fatiguées car elles ont voulu rejoindre à vélo une gare mais le trajet s’est finalement révélé long et fatiguant. Nous décidons donc de nous arrêter dans un bon petit pub d’un village anglais pour reprendre des forces avec un déjeuner accompagné d’une bière, « of course ». J’aime beaucoup les pubs anglais, ils sont souvent très chaleureux et décorés avec soin et originalité, on se sent comme dans une maison. Malheureusement, Charlotte et Sue me disent que ce type d’établissement disparait petit à petit en raison du prix de l’alcool moins cher en supermarché et de l’interdiction de fumer dans les pubs, « so chocking » ! Espérons qu’il en restera toujours car le pub est pour moi un des symboles de l’Angleterre.

Nous repartons vers 13h et, assez rapidement, je suis distancé, mon allure étant trop lente pour mes nouvelles amies cyclistes et j’essaye toujours de ménager mon genou douloureux sachant qu’il y a beaucoup de montées et descentes sur cette étape donc nous nous disons au revoir avec Charlotte et Sue en nous souhaitant bonne chance pour la suite.

J’emprunte une grande piste cyclable d’une vingtaine de kilomètres, c’est très agréable de ne pas être au contact des voitures mais, à la longue, je vais me sentir seul encore une fois car je ne croise pas grand monde. Par ailleurs, la piste est légèrement pentue donc il faut toujours fournir un effort assez important et une fine pluie s’invite dans la partie donc mon mental est à nouveau soumis à rude épreuve. Je pensais que ce serait plus plat que ça ce Paris – Londres !

Ma première journée à vélo en Angleterre

J’avance tant bien que mal en faisant des pauses régulières pour reposer mon genou et mon fessier. En quittant la voie cyclable, je m’engage sur une piste boueuse avec des descentes assez raide qui sont dignes d’un parcours VTT : mes suspensions sont enfin être utiles ! Je me concentre en me levant sur mes pédales et en me penchant légèrement en arrière tout en tenant fortement mon guidon dans ce petit passage aventureux et ça passe, c’est plaisant ! Finalement le porte bagage tient bon, c’est de la bonne qualité.

Enfin, j’arrive au camping qui est dans une grande clairière au milieu d’une forêt avec un vaste parking en gravier et de la pelouse autour. L’accueil est fermé et il n’y a personne d’autres à part un gars qui s’est posé avec sa camionnette et sa tente, il m’explique qu’il est organisateur de courses de 4 x 4 amateurs et il voyage beaucoup avec son véhicule en Europe. Je suis un peu déçu car j’aurais bien aimé pouvoir discuter avec d’autres voyageurs le soir mais bon, c’est comme ça. Au moins les sanitaires sont ouverts et la douche est chaude ! Dans la clairière, à la tombée de la nuit, on aperçoit des biches.

Camping de Danegate

Jour 6, le 20/09/2013

De Danegate jusqu’à Londres ! (103km)

La nuit a été plutôt paisible même si j’ai dû une nouvelle fois dormir dans les sanitaires à cause du froid, je n’ai même pas essayé de coucher dans la tente…

Le ciel a l’air clément aujourd’hui et, normalement, il devrait y avoir moins de dénivelé, espérons ! Le début commence bien même si je me trompe de chemin et dois faire demi-tour, je rejoins rapidement une piste cyclable en pleine forêt sur une quinzaine de kilomètres, c’est très agréable. Le réseau des voies cyclables en Angleterre est très bien organisé avec des numéros d’identification et des standards de panneaux d’indication au niveau national donc c’est bien plus facile de se repérer qu’en France où c’est une succession disparate de pistes cyclables au niveau bien souvent local avec des noms et des signalisations différents. De plus, les pistes cyclables anglaises sont nombreuses et très bien entretenues, « good job ». Le soleil perce peu à peu les nuages et cela me motive, les paysages champêtres et bucoliques n’en sont que plus beaux, c’est une succession de larges prairies verdoyantes bien dégagées et de forêts ombragées.

Je fais une pause pique-nique au bord d’un champ en plein soleil avec quelques produits achetés dans la ville précédente : de bonnes tomates, une sorte de salade de choux pleine de sauce, du pain avec du fromage et de la viande séchée, des bananes. Le soleil, ça change tout ! Après avoir mangé, je m’allonge sur mon tapis de sol pour faire une sieste tout en bronzant mais, à peine installé, je suis délogé par deux promeneuses avec leurs chiens qui me font comprendre que c’est une zone privée et que je dois m’en aller, « so sad ».

Pause pique-nique au soleil

C’est donc reparti, mes genoux me font encore mal ainsi que mon fessier mais j’avance en faisant des pauses régulières, je commence à avoir l’habitude et je sais que cela ne m’empêchera pas de continuer. Rapidement, je retourne dans la civilisation en sortant des bois, les habitations sont plus nombreuses ainsi que les voitures même si, heureusement, le tracé de la piste cyclable permet de souvent s’en éloigner, même en ville. Je pensais en avoir fini avec la nature mais finalement il y a encore beaucoup de champs, d’étangs, même si on entend le bruit des avions et des voitures passant à proximité.

Je m’approche progressivement de Londres et je ne sais toujours pas où je vais dormir car il n’y a plus vraiment de camping dans le coin, je continue d’avancer en attendant de trouver une opportunité, peut-être un coin d’herbe à l’abri des regards où je pourrais planter ma tente.

Où vais-je m’arrêter pour dormir?

En arrivant en haut d’une colline dans un des nombreux parcs publics anglais qui semblent avoir été conçu pour promener les toutous, j’aperçois au loin une immense tour de verre dans un style futuriste, je crois que c’est le gratte-ciel « The Shard » situé en plein cœur de Londres. C’est impressionnant de la voir à cette distance alors que je suis encore au milieu des champs avec de petits villages. Malheureusement, je n’ai plus de batteries sur mon téléphone donc il va falloir vous baser uniquement sur mes descriptions et faire preuve d’imagination.

A ce moment, je me sens complètement libre, en total autonomie avec tout ce dont j’ai besoin sur mon vélo pour m’arrêter où je veux afin de passer la nuit, c’est une sensation très plaisante que je savoure en continuant de pédaler pour voir où cela va me mener, j’attends un coup de cœur ou un coup du sort.

Le soleil se couche, je continue de pédaler malgré l’obscurité, n’ayant toujours pas eu de révélation. Etant donné que je me rapproche de plus en plus de Londres, je commence à me dire que ce serait dommage de s’arrêter si près du but et que je pourrais sans doute dormir dans un des parcs du centre-ville même si je redoute le froid ou de tomber sur des types louches, on verra bien.

Je fais une pause dîner à la terrasse d’un pub animé avec une bonne bière et un burger puis je reste quelques temps à écouter la musique d’un groupe de rock talentueux dans une ambiance fêtarde, c’est ça aussi l’Angleterre !

Puis, je décide finalement de repartir pour rejoindre le centre de Londres, il y a une piste cyclable bien indiquée qui peut m’y emmener en cinquante minutes d’après les panneaux d’affichage. Il fait moins froid dans cette immense ville que les jours précédents à la campagne, je m’approche petit à petit avec en ligne de mire les tours illuminées de la City. Ça y est, j’arrive enfin au bord de la Tamise : mission accomplie !

Maintenant, il faut que je trouve un endroit où dormir car je ressens la fatigue. Je pensais initialement aller à côté de la gare Saint Pancras ou dans un grand parc comme Hyde Park mais je suis trop épuisé pour aller aussi loin. Je remarque un petit coin d’herbe légèrement dans l’obscurité grâce à un grand arbre qui protège de l’éclairage public, l’emplacement est juste en face du musée Tate et, de l’autre côté de la Tamise, on peut voir la cathédrale Saint Paul. Pas mal comme vue, allez, c’est décidé, je m’y installe ! J’essaye d’être discret en m’emmitouflant dans mon sac de couchage, je ne monte pas la tente et je garde mon vélo à proximité, personne ne semble m’observer. Malgré le bruit de quelques braillards ivres et du froid, je parviens plus ou moins à dormir, du moins à reposer mon corps endolori. « Good night ».

Jour 7, le 21/09/2013

De Londres jusqu’à Paris

Je me lève tôt le matin pour ne pas faire trop le clochard dans la belle capitale de Sa Majesté, déjà que je me trimballe avec mon tapis de sol emballé dans un sac poubelle pour le protéger de la pluie et accroché à mon sac à dos…

Je ne sais pas trop quoi faire tout seul à Londres, je ne suis pas très motivé pour visiter cette ville que j’ai déjà découverte lors de précédents voyages, je me sens fatigué et je voudrais rentrer tout de suite. Mais bon, ce serait dommage de ne pas en profiter après tous ces efforts donc je marche en poussant mon vélo, j’en ai marre de pédaler et puis j’ai pu constater qu’à Londres les trottoirs sont propres donc je ne risque pas de marcher dans une crotte de chien 😊

Je longe la Tamise en direction de Westminster puis je rejoins Buckingham Palace et ensuite Hyde Park. Je découvre le Battersea Park avec l’immense ancienne usine électrique au charbon toute en briques, c’est un bâtiment très impressionnant. Elle est abandonnée depuis longtemps car sa taille démesurée rend complexe sa reconversion mais, d’après de récentes recherches sur internet, ce bâtiment a été finalement reconverti en bureaux, logements, restaurants et magasins.

Puis, je visite le musée d’Histoire National qui est gratuit exceptionnellement ce jour-là, je prends donc le risque de laisser mon vélo cadenassé à l’extérieur avec mes affaires en gardant mon portefeuille sur moi, j’ai confiance… Le musée est immense avec une riche collection dont une partie se situe dans un bel ancien immeuble. En sortant, je comprends que ce sont les Journées du Patrimoine en Angleterre donc beaucoup de musées sont gratuits alors que les billets d’entrée sont généralement très élevés et certains sites historiques sont exceptionnellement ouverts aux visites. Etant donné que mon vélo et mes affaires sont toujours là, j’en profite pour visiter les somptueux locaux de la Supreme Court qui est l’équivalent de notre Conseil Constitutionnel.

Puis, je pars manger un morceau dans le quartier de Chinatown et j’enchaine avec la visite du British Museum, également gratuit. Le musée est intéressant, il y a notamment la célèbre pierre de Rosette qui a été découverte par nos glorieux ancêtres en Egypte pendant la campagne de Napoléon mais les maudits anglais les en ont délogé, ce qui n’a pas empêché que ce soit un champion français qui ait été le premier à déchiffrer les hiéroglyphes grâce aux copies de cette pierre : « sorry, good game ».

Après toutes ces visites, je commence à fatiguer donc je me dirige vers la gare Saint Pancras pour m’occuper du transport de mon vélo dans l’Eurostar. Je comptais le démonter pour l’emmener avec moi mais je n’avais rien pour l’emballer et un peu la flemme donc finalement je paie un supplément pour le charger tel quel dans un wagon spécial dans le même train que moi, c’est plus simple et bien organisé. Dans le voyage du retour en Eurostar, le paysage défile à une vitesse folle, en seulement deux heures je serai de retour à Paris alors que j’ai mis six jours à l’aller pour parcourir 470 kilomètres en vélo et traverser la Manche en bateau : c’est impressionnant le progrès !

Conclusion

Je profite d’être confortablement assis dans un fauteuil pour faire le point sur mon voyage. Initialement, je pensais que cela me permettrait de réfléchir à ma vie passée et future mais, finalement, j’y ai très peu pensé. Mon esprit était presque entièrement accaparé par les efforts physiques à maintenir constamment malgré la fatigue et les douleurs, à préparer les étapes suivantes, à chercher à manger ou un endroit pour dormir, à monter puis démonter la tente, prendre une douche… Je trouvais juste un peu de temps et de force le soir pour écrire sur un carnet les évènements et mes impressions de la journée que je vous retranscris à présent sur ce blog avec quelques ajouts et modifications.

Le défi physique a été relevé avec succès et j’en suis très fier ! Finalement j’ai été davantage ému en voyant la mer à Dieppe au dernier moment que lorsque je suis arrivé à Londres tard dans la nuit mais je réaliserai plus tard tout ce que cela représente notamment en racontant mon voyage à d’autres personnes. Je redoutais les problèmes mécaniques et les réparations à faire sur mon vélo mais c’est ma propre machine qui aura posé des soucis et je n’avais pas vraiment de rustines ni de pompes pour me regonfler si ce n’est en mangeant une quantité astronomique de barres sucrées. Par ailleurs, je ne m’attendais pas à autant de dénivelé sur ce parcours et puis je n’étais clairement pas bien préparé en termes d’équipements ou de physique, cela faisait longtemps que je n’avais pas fait de vélo et je n’avais jamais fait d’aussi longues distances répétées sur plusieurs jours. Mais, l’essentiel, c’est la motivation, l’envie d’aller au bout coûte que coûte, le reste suit. La solitude a été pesante également par moments, j’aurais aimé rencontrer davantage de personnes sur la route, peut-être que c’était un peu tard dans la saison.

Au final, ce voyage en itinérance à vélo avec des sacoches et une tente aura été une très belle aventure et cela me motivera pour faire de nouveaux itinéraires en France, seul, avec de la famille ou des amis, et en étant mieux équipé ! Mais ce sont d’autres histoires que je vous raconterai peut-être un jour 😉 

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En septembre 2022, je me suis lancé à moto pour rejoindre la Bulgarie puis j’ai utilisé principalement des bus pour traverser la Turquie, l’Iran, le Pakistan, l’Inde et rejoindre le Népal en février 2023 avec de multiples aventures, découvertes et rencontres tout au long de cette route.

Ensuite, j’ai rejoins le Vietnam en avion et je l’ai visité du nord au sud avant de passer au Cambodge puis de m’envoler à nouveau afin de découvrir l’est de l’Australie et enfin la paradisiaque Nouvelle-Calédonie.

Après ce magnifique voyage, je suis retourné en Bulgarie pour récupérer ma moto et rentrer en France après 9 mois de voyage. J’ai raconté tout cela dans un blog à part si cela vous intéresse (lien ci-dessous).

/Cap à l’est

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